Allez, je prends mon courage à deux mains, je me barre du boulot vraiment trop tard et je me lance sur mon vélo dans un froid glacial à vous faire regretter un bon vieux réchauffement climatique ou l’air conditionné d’une suite nuptiale dans un hôtel de luxe à Dubaï. Quelques slaloms plus loin entre plaques de verglas, étudiants en pleine dérive procrastinatrice et clochards en quête d’un abri salutaire j’arrive enfin au Sonic à l’intérieur duquel ne règne qu’une pauvre température de frigo deux étoiles avec thermostat bloqué sur cinq. Que c’est bon de se retrouver sain et sauf dans une telle ambiance de convivialité et de chaleur humaine. Je règle le faible prix d’entrée – cinq euros, est ce que cela veut dire que l’organisateur du jour n’attend pas grand monde ce soir et qu’il espère ainsi attirer d’éventuels curieux ? – et je m’accoude au bar à ma place favorite, c’est l’heure de la bière, inestimable breuvage et source de réparation après une telle caillante perché sur un deux-roues même pas équipé d’un moteur qui pue. La salle se remplit tout doucement mais sûrement.
Elle continuera de se remplir pendant tout le concert du premier groupe, j’ai nommé un trio du nom de Lunatic Toys. A droite une jeune fille qui n'arrête pas de sourire et qui joue sur deux vieux synthés tout pourris, souvent en même temps. Au centre un batteur à lunettes et avec un magnifique t-shirt calmos. A gauche un saxophoniste en bonnet qui joue d’un alto qui m’a l’air d’avoir quelques heures de vol lui aussi (oui j’avoue que c’est un peu ambigu comme formulation alors je reprends : l’alto a cette patine des vieux instruments et le saxophoniste en joue foutrement bien et développe un très beau son). Je récapitule. Orgue + batterie + sax = un groupe de jazz ? Merde alors : je m’étais déplacé exprès ce soir pour assister à un concert de noise tissée en points de croix à base de fils barbelés et je me retrouve devant un pauvre groupe de jazzeux qui va m’endormir, annihiler mes envies et scléroser mon entrain ? Triple fuck.
Des fois l’ignorance vous fait penser de ces trucs si abominables que seule la contrition et la flagellation pourraient vous faire oublier la honte d’avoir eu de telles idées insolentes et stupides. Lunatic Toys est vraiment un chouette bon groupe, enthousiaste, dynamique, imaginatif, avec un son riche et dense et un style bien à lui. Plus vraiment jazz mais pas rock non plus et surtout pas jazz rock. Un groupe assez atypique avec une formation non conventionnelle et qui m’a plus d’une fois fait penser au trio d’Ellery Eskelin avec Andrea Parkins à l’accordéon et l’incroyable Jim Black derrière la batterie. Avec Lunatic Toys on n’est bien sûr pas au même niveau d’excellence qu’avec les new-yorkais mais la comparaison se tient si on considère que les deux groupes ont comme vague projet commun de vous faire exploser ces foutus carcans formels qui ankylosent le jazz de papa sans pour autant tomber dans les poncifs du jazz libertaire de tonton. Beaux thèmes, maîtrise du son, bouillonnement, humour, plaisir d’offrir, plus le concert avance et plus je me sens subjugué par le talent de ces trois là qui la plupart du temps aiment partir sur des tempos lents et vous intensifient le pourquoi du comment du parce que avec une belle énergie qui vous explose de plaisir avec une classe jouissive et sans bavures. Je m’aperçois que je dithyrambise une fois de plus et j’attends avec impatience le premier album de Lunatic Toys – il est prêt, il est enregistré, ils ont un label mais ils cherchent encore désespérément un vrai distributeur (les malheureux…).
Après cette première partie de qualité – le flyer du concert indiquait post-jazz abrasif et souple – je sens que cette soirée va être une totale réussite. J’attends, le pied ferme et les oreilles décollées, Io Monade Stanca dont The Impossible Story Of Bubu, le deuxième album paru en 2009 chez African Tape, avait été une très bonne surprise. Avec ce genre de noise alambiquée, déconstruite et free à faire passer US Maple pour un groupe de pop core en tongs on peut s’attendre à tout, y compris au pire. Mais ce sera donc ce soir pour le meilleur. La première surprise vient de la jeunesse de ces trois petits gars, merde ils ont des gueules d’étudiants en fac catholique. La deuxième surprise c’est que Io Monade Stanca attaque pied au plancher, sans perdre de temps, sans tergiverser, avec une belle maîtrise sur son bordel organisé, une belle énergie aussi. Ce qui me fait dire que ce petit groupe d’italiens sans prétention ne s’amuse pas à se demander comment foutre le souk dans leur patafatras pour faire comme ci ou simplement pour faire bien, non la science du riff est de leur côté et lorsque cela part en sucette c’est toujours avec une belle spontanéité de jouvenceaux qui ne débandent pas.
Pour l’instant la configuration est la suivante : deux guitares et batterie, le guitariste de droite chantant également (mais pas trop, comme sur le disque) tandis que le guitariste de gauche s’occupe de la partie clownerie de la prestation, premier de la classe en pitreries, en grimaces et en pauses débiles. Io Monade Stanca s’amuse et moi aussi, franchement même.
Le guitariste/chanteur abandonne sa guitare et endosse une basse. Le son du groupe devient forcément plus compact, moins surprenant aussi mais surtout ce type en joue d’une façon tout aussi folle que lorsqu’il maltraitait sa six-cordes. J’ai parfois du mal à suivre ce qu’il se passe exactement dans ces délires à tiroirs – à tiroirs dans le bon sens du terme, il n’est absolument pas question de prog à la va que je me touche mais bien d’une noise inventive et saccagée – et peut être bien que les trois Io Monade Stanca s’y perdent eux aussi à l’occasion mais qu’importe puisqu’ils retombent sur leurs pattes aussi facilement qu’un élu politique pris en flagrant délit de détournement de fonds publics.
Côté pitreries le guitariste de gauche est rejoint par le batteur qui semble également en connaître un sacré rayon, la dérision est reine chez Io Monade Stanca. J’ai ainsi le sentiment d’assister enfin au concert skingraftien tant attendu après la cuisante déception de la semaine passée lors de la pitoyable prestation des insupportables Gay Beast. Les groupes italiens – souvent décriés mais des fois il y a de quoi – sont de moins en moins de simples imitateurs de ce qui c’est déjà fait ailleurs il y a quelques années, comme quoi tout est vraiment possible dans ce monde de merde. La tradition ça a du bon lorsqu’elle est dopée comme ça à l’enthousiasme et à juvénilité et en plus j’ai ainsi un peu moins l’impression d’être un vieux con. Pour finir, le groupe revient pour un rappel et un ultime titre sur lequel une deuxième basse fait son apparition. C’est un peu le coup de grâce en ce qui me concerne, la musique de Io Monade Stanca ne cessant de virevolter et de faire des ronds tout en gardant son côté brut et sec. Une très bonne soirée en résumé.
Elle continuera de se remplir pendant tout le concert du premier groupe, j’ai nommé un trio du nom de Lunatic Toys. A droite une jeune fille qui n'arrête pas de sourire et qui joue sur deux vieux synthés tout pourris, souvent en même temps. Au centre un batteur à lunettes et avec un magnifique t-shirt calmos. A gauche un saxophoniste en bonnet qui joue d’un alto qui m’a l’air d’avoir quelques heures de vol lui aussi (oui j’avoue que c’est un peu ambigu comme formulation alors je reprends : l’alto a cette patine des vieux instruments et le saxophoniste en joue foutrement bien et développe un très beau son). Je récapitule. Orgue + batterie + sax = un groupe de jazz ? Merde alors : je m’étais déplacé exprès ce soir pour assister à un concert de noise tissée en points de croix à base de fils barbelés et je me retrouve devant un pauvre groupe de jazzeux qui va m’endormir, annihiler mes envies et scléroser mon entrain ? Triple fuck.
Des fois l’ignorance vous fait penser de ces trucs si abominables que seule la contrition et la flagellation pourraient vous faire oublier la honte d’avoir eu de telles idées insolentes et stupides. Lunatic Toys est vraiment un chouette bon groupe, enthousiaste, dynamique, imaginatif, avec un son riche et dense et un style bien à lui. Plus vraiment jazz mais pas rock non plus et surtout pas jazz rock. Un groupe assez atypique avec une formation non conventionnelle et qui m’a plus d’une fois fait penser au trio d’Ellery Eskelin avec Andrea Parkins à l’accordéon et l’incroyable Jim Black derrière la batterie. Avec Lunatic Toys on n’est bien sûr pas au même niveau d’excellence qu’avec les new-yorkais mais la comparaison se tient si on considère que les deux groupes ont comme vague projet commun de vous faire exploser ces foutus carcans formels qui ankylosent le jazz de papa sans pour autant tomber dans les poncifs du jazz libertaire de tonton. Beaux thèmes, maîtrise du son, bouillonnement, humour, plaisir d’offrir, plus le concert avance et plus je me sens subjugué par le talent de ces trois là qui la plupart du temps aiment partir sur des tempos lents et vous intensifient le pourquoi du comment du parce que avec une belle énergie qui vous explose de plaisir avec une classe jouissive et sans bavures. Je m’aperçois que je dithyrambise une fois de plus et j’attends avec impatience le premier album de Lunatic Toys – il est prêt, il est enregistré, ils ont un label mais ils cherchent encore désespérément un vrai distributeur (les malheureux…).
Après cette première partie de qualité – le flyer du concert indiquait post-jazz abrasif et souple – je sens que cette soirée va être une totale réussite. J’attends, le pied ferme et les oreilles décollées, Io Monade Stanca dont The Impossible Story Of Bubu, le deuxième album paru en 2009 chez African Tape, avait été une très bonne surprise. Avec ce genre de noise alambiquée, déconstruite et free à faire passer US Maple pour un groupe de pop core en tongs on peut s’attendre à tout, y compris au pire. Mais ce sera donc ce soir pour le meilleur. La première surprise vient de la jeunesse de ces trois petits gars, merde ils ont des gueules d’étudiants en fac catholique. La deuxième surprise c’est que Io Monade Stanca attaque pied au plancher, sans perdre de temps, sans tergiverser, avec une belle maîtrise sur son bordel organisé, une belle énergie aussi. Ce qui me fait dire que ce petit groupe d’italiens sans prétention ne s’amuse pas à se demander comment foutre le souk dans leur patafatras pour faire comme ci ou simplement pour faire bien, non la science du riff est de leur côté et lorsque cela part en sucette c’est toujours avec une belle spontanéité de jouvenceaux qui ne débandent pas.
Pour l’instant la configuration est la suivante : deux guitares et batterie, le guitariste de droite chantant également (mais pas trop, comme sur le disque) tandis que le guitariste de gauche s’occupe de la partie clownerie de la prestation, premier de la classe en pitreries, en grimaces et en pauses débiles. Io Monade Stanca s’amuse et moi aussi, franchement même.
Le guitariste/chanteur abandonne sa guitare et endosse une basse. Le son du groupe devient forcément plus compact, moins surprenant aussi mais surtout ce type en joue d’une façon tout aussi folle que lorsqu’il maltraitait sa six-cordes. J’ai parfois du mal à suivre ce qu’il se passe exactement dans ces délires à tiroirs – à tiroirs dans le bon sens du terme, il n’est absolument pas question de prog à la va que je me touche mais bien d’une noise inventive et saccagée – et peut être bien que les trois Io Monade Stanca s’y perdent eux aussi à l’occasion mais qu’importe puisqu’ils retombent sur leurs pattes aussi facilement qu’un élu politique pris en flagrant délit de détournement de fonds publics.
Côté pitreries le guitariste de gauche est rejoint par le batteur qui semble également en connaître un sacré rayon, la dérision est reine chez Io Monade Stanca. J’ai ainsi le sentiment d’assister enfin au concert skingraftien tant attendu après la cuisante déception de la semaine passée lors de la pitoyable prestation des insupportables Gay Beast. Les groupes italiens – souvent décriés mais des fois il y a de quoi – sont de moins en moins de simples imitateurs de ce qui c’est déjà fait ailleurs il y a quelques années, comme quoi tout est vraiment possible dans ce monde de merde. La tradition ça a du bon lorsqu’elle est dopée comme ça à l’enthousiasme et à juvénilité et en plus j’ai ainsi un peu moins l’impression d’être un vieux con. Pour finir, le groupe revient pour un rappel et un ultime titre sur lequel une deuxième basse fait son apparition. C’est un peu le coup de grâce en ce qui me concerne, la musique de Io Monade Stanca ne cessant de virevolter et de faire des ronds tout en gardant son côté brut et sec. Une très bonne soirée en résumé.