Pour des raisons qui au départ m’échappaient complètement, Campbell Kneale a décidé un beau jour de saborder Birchville Cat Motel après dix années d’activité intense pour derechef monter un nouveau projet : Our Love Will Destroy The World. Comme on le verra par la suite, les différences musicales entre ces deux entités sont inexistantes, de même que leurs modes de fonctionnement sont identiques – one man band dans les deux cas, avalanche d’enregistrements et de productions en tous genre et collaborations en pagaille. Campbell Kneale avait annoncé son geste en expliquant qu’il fallait évoluer dans la vie, ne jamais faire de surplace. Par là, il ne voulait absolument pas dire innover musicalement (on le soupçonne d’être condamné à vie à faire du drone indus cryptique ou de l’ambient bruitiste mais c’est très bien comme ça), il parlait plutôt d’évolution personnelle. Le nom de Our Love Will Destroy The World traduit donc l’illumination d’un Campbell Kneale qui aurait trouvé Dieu entre deux pédales d’effet (delay et distorsion ? fuzz et flanger ?) et se serait converti au christianisme. Heureusement pour nous son humour semble intact, notre amour qui va sauver le monde étant un nom de groupe ressemblant plus qu’autre chose à une boutade de la part d’un musicien qui a mal supporté la crise de la quarantaine. En faisant du mauvais esprit – pas le genre de la maison – on pourrait même y trouver une pointe de nihilisme, on va tous crever. Du moment que personne ne survit et surtout pas grâce à son amour gluant, je serais presque d’accord.
De l’amour il n’y en a de toute façon pas des masses sur ce Stillborn Plague Angels, LP divisé en quatre titres et publié par Dekorder records. Aucune indication ne permet d’en savoir plus sur les conditions d’enregistrements de cet objet. Seuls des applaudissements à la fin de Pink Hollow Paradise laissent deviner que cet album a partiellement été enregistré en public, devant une petite poignée de pouilleux et d’anoraks. Mais a-t-on besoin d’en savoir plus ? Pour tout amateur de grincements, de tapis de clous, de larsens de guitare, de synthés analogiques grippés, de feedback et de delay ce disque sera une expérience positive supplémentaire. Campbell Kneale y approfondit toujours plus en avant son travail de sculpteur de son. Everything louder than everything else! peut-on même lire dans la présentation du disque qu’en donne le label. Ceci est totalement faux. Stillborn Plague Angels peut s’écouter (très) fort mais ce n’est pas forcément nécessaire : encore plus qu’avec Birchville Cat Motel, la musique de Our Love Will Destroy The World garde cette intention presque pudique du brin d’encens, de la lumière tamisée et du tatami en paille de riz. A l’opposé du harsh ultra massif d’un Masami Akita ou d’un Zbignew Karkowski qui appelle une écoute à fort volume, le drone noisy et psyché de Campbell Kneale peut se contenter d’une écoute dans le fond, les yeux au plafond et la tête ailleurs. Il serait peut être exagéré de parler de musique méditative et relaxante mais l’optique est totalement différente. Là où les premiers vous matraquent jusqu’à l’hypnose, le second opte lui pour une approche lysergique et arrondie. Une démarche à rapprocher de celle des feu Yellow Swans, cette attaque du bruit par la face zen. Our Love Will Destroy The World a exclu toute approche industrielle de sa musique au contraire de gens comme Wolf Eyes qui eux ont complètement plongé dedans.