lundi 15 février 2010

Prurient / Crossbow






















Toujours chez Dot Dot Dot records, un autre single, signé Prurient. Pistonné par Thurston Moore – ça vous incite à la prudence ? moi aussi, avec le temps… – ce groupe unipersonnel est la chose de Dominick Fernow, également connu pour son label Hospital Productions (Wolf Eyes, Cocaine Death, Controlled Bleeding, Kevin Drumm et bien sûr lui-même). Le bonhomme a des goûts très prononcés et très ciblés et bien c’est exactement la même chose pour sa propre musique. Prurient est un groupe purement revivaliste, réactivant sans honte ni complexe le meilleur de la musique industrielle de la fin des années 70 et des années 80. On pense très fort à Throbbing Gristle mais surtout à Whitehouse, le premier Whitehouse, celui des albums Birtdeath Experience, Buchenwald ou Dedicated To Peter Kürten. Il y en a qui appelle le genre power electronics, appellation bien trop pauvre à mon sens tant elle ne rend que très partiellement compte de la violence de moyens employés et des effets engendrés. Comme les cases c’est toujours pratique et rassurant, appelons la musique de Prurient du vomi sonore et haineux.
Pour les habitués du groupe, il n’y a aucun mystère que la musique de Dominick Fernow est peu ou prou systématiquement la même d’un enregistrement à l’autre – et des enregistrements, il en a fait un bon petit paquet, j’ai même un sacré retard si je veux un jour mordre à pleine dents dans toute la discographie de Prurient. Sons analogiques, saturés, stridents, tranchants, irritants, insupportables et voix hurlante noyée dans une marée de feedback. Parfois quelques zigouigouis purement bruitistes tels que des raclements, des frottements métalliques mais rien de trop grave. Rien que du très connu également mais une vindicte glauque et un sens du paroxysme mortifère à vous réconcilier avec votre pire ennemi tant la musique de Prurient, claustrophobe, malade et vicieuse, peut faire peur et mal. J’aime avoir peur et j’aime avoir mal.
Sur Aluminium Armor placé en face A de ce Crossbow, on assiste à une fouille en règle de l’atelier et des outils que papa a installés au sous-sol de la maison, juste à côté du garage. La chaudière ronronne dans le lointain, comme il fait un peu sombre on se cogne aux portes et on trébuche sur une clef anglaise abandonnée par terre tout en marmonnant à soi-même quelques mots incompréhensibles pour se réconforter. Va t-on retrouver l’escalier permettant de remonter au rez-de-chaussée et d’atteindre la cuisine où maman est en train de nous préparer de bons pancakes ? Non. Sur la face B Yellow Helmet Plume intensifie les sons, on se rapproche dangereusement de la chaudière, on se prend encore les pieds dans d’autres outils eux aussi abandonnés au sol quand surgit une voix, lointaine, très lointaine, comme des cris enregistrés au travers d’un mur puis comme la voix d’une personne criant la tête plongée sous l’eau. On prie alors pour que cette voix ne soit pas la notre, suppliante et plaintive, tandis que deux mains froides essayent de nous étrangler, la tête plongée dans la cuve à mazout à côté de la chaudière qui semble elle aussi nous hurler dans les oreilles. Vraiment impressionnant. Deux titres horrifiques et malsains à souhait, Dominick you make my day.