vendredi 5 février 2010

Aids Wolf / Dustin' Off The Sphynx























 Ah ouais, tiens, Skingraft. Qu’est ce qu’il se passe de neuf de ce côté-là ? Le label de Mark Fischer a été tellement adulé par certains (dont moi) dans les années 90 et ce au moins pour la doublette Dazzling Killmen/Colossamite signée Nick Sakes ainsi que pour son esthétique et le soin porté à ses productions – les singles accompagnés de comic books… – que maintenant avoir du recul à son sujet s’avère être bien difficile. Et je ne vous parle pas de tous les autres groupes, énormes pour certains, essentiels pour les autres, qui ont été découverts ou récupérés en cours de route par le label chicagoan. Ou plutôt si, citons-les : Melt Banana, U.S. Maple, Mount Shasta, Ruins, Brise Glace, Yona Kit, Flying Luttenbachers, Zeni Geva, Arab On Radar. Ça calme, hein ? Ce qui calme encore plus c’est le désagrégement de Skingraft depuis cette période bénie. Quelques séquelles d’Arab On Radar sauvent la mise – Athletic Automaton ou Chinese Stars (et encore) – mais pour le reste on tombe vite dans la caricature de ce qui a fait la gloire d’une grande maison.
Le compte de Pre, gentils pourfendeurs anglais post Arab On Radar et néo Melt Banana a déjà été réglé mais pas celui de Aids Wolf, un groupe de Montréal dont le premier et immense mérite est de ne pas avoir rejoint les légions de hippies constellés qu’abrite cette ville. Outre le fait de partager le même label, les deux groupes ont pas mal de choses en commun, un certain sens de la nudité d’abord mais surtout moult concerts ainsi qu’un tour single dont nous reparlerons peut être un de ces quatre. Aids Wolf a publié en cinq années un nombre conséquent de sept pouces, de split (dont un album avec Athletic Automaton) ainsi que deux albums sur Skingraft, deux albums qui m’ont toujours laissé le même genre d’impression mitigée que ceux de Pre : oui c’est bien et après ? Singer la bande d’Eric Paul n’est pas une condition nécessaire et suffisante pour faire de la bonne musique. Et quitte à choisir entre l’approche Barbie pop de Pre et la vision plus chaotique de la chose par Aids Wolf je prends les canadiens qui – du moins sur disque – m’ont l’air bien plus barrés que leurs collègues britanniques.
Ce n’est pas Dustin' Off The Sphynx et ses quatre titres hystériques qui vont me donner tort pourtant cet EP de très courte durée est une preuve supplémentaire qu’un groupe pénible peut presque s’avérer jubilatoire dès qu’il aborde le petit format (cette théorie a ses limites puisqu’elle souffre quelques exceptions notoires telles que The Mars Volta ou Guapo, groupes incapables de composer des titres de moins de dix minutes et de toutes façons ne comprenant parmi leurs membres que des scribouilleurs tout juste bons à pondre du rock progressif anesthésiant).
Avec Dustin' Off The Sphynx Aids Wolf se déchire littéralement, ne ménage pas ses efforts et tout ça sans que l’on ait trop l’impression d’avoir affaire à un groupe de poseurs en pleine séance de brainstorming. Old Fashion Values, braillard et saturé, va droit au but alors que Pressing Graphite est plus déconstruit. Nouvelle roquette punky fuck, Abortifacient vrille les tympans de ceux qui aiment souffrir en presque moins de temps qu’il n’en aurait fallu à Melt Banana pour transformer Pac-Man en cheeseburger fumant. Dustin’ Off The Sphinx est malheureusement le titre le moins bon du disque, renouant avec le côté irritant de Aids Wolf, celui qui nous les fait ranger dans la catégorie pourtant très convoité de fumistes sans feu sacré. Le disque s’arrête là avec cette délicieuse impression de s’être fait violer le cortex et d’avoir en plus payé pour ça.
Le disque s’arrête là sauf pour celles et ceux qui se sont servis du coupon mp3 pour télécharger les sept titres bonus ou pour tous les autres qui ont écouté la version CD de Dustin' Off The Sphynx comprenant ces mêmes sept titres. Lesquels sont issus d’une cassette intitulée Pas Rapport avec un son tellement immensément dégueulasse que l’on croirait du live enregistré avec un téléphone portable – la masterisation signée Weasel Walter n’y change pas grand-chose puisque tout est consciencieusement saturé au-delà des limites maximales. Tous les titres sont en français (et plutôt drôles : Police d'La Quéquette, Elle Est Si Cochonne ou Flaque de Vomi) et c’est le principal intérêt de ces bonus, à égalité avec le côté attraction de fête foraine d’un groupe qui n’a pas hésité à publier une telle bouillie sonore tellement inaudible qu’elle en deviendrait presque fascinante. Y a t-il un concept derrière cette posture héroïque de branleurs arty et de terroristes sonores ? Je ne veux même pas le savoir et j’arrête toujours d’écouter Dustin' Off The Sphynx tout de suite après son troisième titre. C’est largement suffisant et bien mieux comme cela.