Les albums de Shit And Shine sont toujours beaucoup trop longs et ce 229 - 2299 Girls Against Shit! ne déroge pas à la règle puisqu’il avoisine les quatre vingt minutes et compte pas moins de dix sept titres dans son track listing. Ils sont beaucoup trop longs et douloureux, surtout pour le peu qu’ils ont d’ordinaire à offrir : un riff en boucle, un rythme qui ne dévie jamais, un peu de chant braillé, des samples inaudibles voire inutiles, des larsens, de la saturation, du feedback, du feedback, du feedback et encore du feedback. On ne peut pas faire plus syndical et plus minimal dans l’approche du bruit brut et du rock primal, avec même parfois les Brainbombs en ligne de mire mais battus sur leur propre terrain (Have You Really Thought About Your Presentation ?). La preuve qu’en matière de musiques psychotiques on peut toujours faire plus et/ou pire. Shit And Shine c’est emmerdant aussi, il faut bien le dire : les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures sauf lorsque on est adepte du comique de répétition. Et puis il faut se taper tous les titres qui objectivement ne sont que de la bidouille de bandes (The Cusp Of Innocence, Prettily ou tout le début de Girls Against Shit).
Ça, c’est ce que j’aurais tendance à penser lorsque je suis un peu de mauvaise humeur et lorsque j’écoute les précédents albums de Shit And Shine, en particulier Küss Mich, Meine Liebe chez Load records que je ne conseillerais donc absolument pas. 229 - 2299 Girls Against Shit! comporte bien tous ces défauts mais c’est aussi le premier véritable bon album du groupe. Parce que tout y est plus. Plus de bruit, plus de saturation, plus de hurlements, plus de bidouille, plus d’indus, plus d’electro, plus de cauchemar, plus d’absurde, plus de foutage de gueule. Shit And Shine y condense noise rock de baltringues amprepiens décérébrés et obsessions industrielles extrêmes, flirtant avec le nihilisme jusqu’au-boutiste d’un Missing Foundation. Mais là où les new-yorkais jouaient à fond la carte de la provocation sonore et attendaient visiblement une réaction de la part de son public (mécanique foutraque et positionnement politique on dira), Shit And Shine ne joue qu’avec la provocation seule et emmerde le monde. Ce disque n’est rien d’autre qu’un gros fuck you, si tu n’aimes pas tu te casses.
On reste donc scotché par la violence inouïe de Roberts Church Problems (par exemple), son riff monolithique et malsain, ses patterns à la batterie (il y a deux batteurs dans Shit And Shine dont – si j’ai bien tout compris – celui qui joue de la guitare et qui chante dans Vaz), on aime aussi sa répétitivité vicieuse, ses stridences à vous faire péter les enceintes du salon, les tympans et les nerfs au passage (ça ce serait plutôt le boulot d’un autre gugusse, également guitariste de Todd, donc si je sais encore compter il y aurait deux anciens Hammerhead dans Shit And Shit). 229 - 2299 Girls Against Shit! comporte ses moments de gloire au chaos tout comme il s’éparpille dans les trop habituels interludes bidouillesques – cela explique le nombre de titres de l’album, les dits interludes sont parfois très courts mais les pièces maîtresses prennent heureusement beaucoup plus de place – mais même ces passages dont on ne sait trop quoi foutre aux premières écoutes finissent pas prendre un certain sens/intérêt/pertinence. Shit And Shine a gagné, jusqu’ici le groupe n’arrivait pas à faire passer en force son bordel forgé au rouleau compresseur, désormais il me faut bien avouer que si ces mecs sont complètement barges alors je veux la même camisole blindée qu’eux.
A l’écoute de 229 - 2299 Girls Against Shit! on comprend mieux également le côté indus/sidérurgique/machine à laver qui transpire ça et là sur Big Ripper de Todd (au passage l’un des meilleurs albums de l’année 2009) : Craig Clouse, magicien malfaisant aux commandes dans les deux groupes, a laissé Shit And Shine transpirer un peu de son fiel dans le noise rock orgasmique de Todd. Et tout comme Big Ripper, 229 - 2299 Girls Against Shit! est sorti chez Riot Season.