samedi 30 janvier 2010

FiliaMotsa / Tribute To K.C.























Pour dire toute la vérité, j’allais un peu à reculons vers ce disque. FiliaMotsa peut être est un excellent groupe en concert mais j’avais peur de ce que j’allais découvrir sur Tribute To K.C. (qui ça ?), premier véritable enregistrement studio du groupe. Il faut dire que FiliaMotsa est un duo originaire de Nancy purement instrumental composé d’une violoniste et d’un batteur et que c’est un line-up qui naturellement ne m’attire guère, obtus et bouffé par de violents préjugés que je suis. En gros, pour moi, on ne peut pas faire du rock – ou l’un de ses quelconques dérivés – avec une formation pareille. Je pensais exactement la même chose de Hanged-Up, autre duo violon/batterie de Montréal et qui a connu son heure de gloire en sortant deux ou trois albums sympathiques sur Constellation records : cela pouvait être très bien sur scène alors que les disques je ne m’en souviens même pas et – pire – je ne voudrais même pas les réécouter aujourd’hui. Au passage, cette filiation entre FiliaMotsa et Hanged-Up est un autre facteur de reculade : pourquoi refaire aujourd’hui ce qui a déjà été (pas trop mal) fait hier ? Ach. Avec des raisonnements pareils vous me direz – et vous auriez raison – que l’on n’écouterait plus de musique du tout, mise à part celle que l’on a découvert il y a bien trop longtemps lors de ses premiers émois d’adolescent. Ça tombe tient puisque l’éjaculation boutonneuse, l’immaturité permanente, je vote carrément pour et pense même que c’est un facteur nécessaire – et fort heureusement aggravant – pour continuer à écouter de la musique comme un jeune con*.

On lâche tout de suite la référence à Hanged Up puisqu’il parait que les deux FiliaMotsa n’avaient jamais entendu parler de ces grands frères québécois avant qu’un geek fan d’efrimeries ne leur en touche un mot, ce qui est fort possible puisque la Lorraine est régulièrement coupée du monde et de la civilisation à cause des caprices d’hivers rigoureux qui incitent plus au repli sur soi qu’à la découverte d’horizons nouveaux. On lâche aussi sur le pseudo débat rock/pas rock dès la première écoute d’un titre aussi brûlant et fiévreux que Malbaie qui tient la dragée haute à pas mal de gratouilleurs bloqués en open tuning sur leurs guitares en plastique.
FiliaMotsa se paie également le luxe de donner quelques leçons en dissonances et en mystère sur K.C., fausse intro et vrai premier titre d’un disque assez court qui rappelle le temps de sept compositions maîtrisées quelques règles essentielles et inaltérables pour lutter contre l’ennui et les bâillements récurrents : l’énergie (on l’a déjà dit), l’étrangeté (on l’a déjà dit aussi), une bonne mise en place (dites-moi depuis combien de siècles vous jouez ensemble tous les deux) et des compositions qui tiennent vraiment la route (merde ça aussi je l’ai déjà dit et dans la même phrase qui plus est). Et puis on a affaire à de l’instrumental, je vous le rappelle, avec ce qu’il faut d’aventurisme pour ne pas s’endormir et de concision pour ne pas s’emmerder (Montroyal et ses montées sur fond de tapis de bulles). J’en ai fini avec la première face de ce disque.
Et comme tous les bonnes galettes, Tribute To K.C. en a une seconde de face, tout aussi bonne, avec les mêmes qualités, les mêmes aspirations, les mêmes envolées, le même pouvoir mélodique (le riff arabisant de Klimt) et le même travail multicouches sur le son du violon, instrument aux possibilités déjà innombrables mais complètement transcendé par l’utilisation de multiples effets, loop station, etc. Motrice, courte bourrasque chargée en dissonance et en furie, est peut être le meilleur titre de cet album, un instant tempéré par la délicatesse de Cap Chat! qui se révèle être, malgré ou plutôt grâce à une certaine grandiloquence sur son final, un tire-larmes imparable.
Tribute To K.C. est sorti sur le label Chez Kito Kat records sous la forme d’un vinyle de qualité avec une pochette sérigraphiée tout comme il faut. Un bel objet (ce qui ne gâche rien) que l’on peut directement commander au label parce qu’il le vaut bien. Et puis allez voir ces deux jeunes gens en concert s’ils jouent vers chez vous, vous ne le regretterez certainement pas.

* donc écoutons de la musique toujours comme si c'était la première fois, les souvenirs cuisants sont parfois les meilleurs