vendredi 29 janvier 2010

Antoine Chessex - Arnaud Rivière / split 7'























Un disque parfaitement inutile mais idéal pour épater ses amis (ou se débarrasser d’eux alors qu’ils s’éternisent à la maison et risquent de piller définitivement toute la réserve de gnôle prévue pour la semaine). Un joli 7 pouces sorti par un tout nouveau label, Le Petit Mignon – oui c’est bien le nom du label, je ne vous explique pas le nombre de trucs rigolos que l’on peut trouver lorsque on le tape dans son moteur de recherche préféré mais on finit rapidement par tomber sur le site officiel d’un magasin de disque berlinois qui fait aussi galerie d’art et qui se lance donc dans la production de disques.
L’artwork, avec ces êtres mi-femme mi-homme à têtes de chien qui se bouffent mutuellement et/ou se lèchent le cul/la chatte/la bite a un fort côté hérité du Dernier Cri mais c’est Mounir Jatoum qui a ainsi laissé libre cours à son imagination. L’impression de la pochette qui se déplie en grand a été assurée par La Commissure et il y a plein d’autres choses à aller regarder par . Les ronds centraux de la galette ne sont pas mal non plus en offrant une leçon de maquillage : la bouche pour la face Antoine Chessex, les ongles de pied pour Arnaud Rivière. Le vinyle est transparent et ce single a été tiré à trois cents exemplaires numérotés (le numéro, écrit en chiffres romains, apparaît sur la pochette intérieure).
La bouche. Celle dont se sert Antoine Chessex pour souffler dans son saxophone. Ce musicien suisse réfugié artistique à Berlin – parait il l’une des dernières grandes villes/capitales européennes où on peut encore prétendre ne rien faire de lucratif sans totalement mourir de faim – est membre de Monno, un combo bruitiste/noise-doom parmi les plus intéressants du moment. On a déjà parlé d’Antoine Chessex à propos de Terra Incognita. Les remarques concernant sa musique sont ici à peu près les mêmes mais – et c’est un très gros mais – le format court convient nettement plus au déluge harsch et borbetomagusien de Chessex, seulement quatre minutes de lacérations de tympans et de destruction musicale à grands coups de stridences de saxophone suramplifié c’est parfait et finalement de bon goût.
Les doigts de pieds. Ceux avec lesquels Arnaud Rivière joue du pousse-disques. De lui aussi on a déjà parlé lorsque il a joué avec Sun Plexus pour les deux ans du Sonic en Avril 2008. Sa musique est encore plus extrême et chaotique que celle de Chessex. Cet ancien batteur reconverti dans le happening bruitiste aime jeter les sons comme on frappe une cymbale. Il s’y prend très bien en maltraitant à souhait des vieux vinyles sur un pick up sans âge et agrémenté de pièces métalliques diverses (ressors, etc), un spectacle horrible pour tout collectionneur de disques. Vous pouvez remisez votre fétichisme et votre culte de l’objet au placard, Arnaud Rivière, clown et éboueur, n’est pas là pour le plaisir d’une passion vintage, il est là pour tout (fra)casser, ce qu’il réussit parfaitement, à faire passer Christian Marclay pour David Guetta. Là aussi le format court est parfait pour ce genre de démonstration sans lendemain. En résumé, ce 45 tours est un bel écrin pour des pratiques qui sont justement censées le mettre à mal. L’anti-musique ne s’est jamais aussi bien portée et c’est délicieusement paradoxal.