jeudi 7 janvier 2010

Pylon / Chomp























Pylon, l’éternel retour. Du moins discographique. Les vieux groupes des années 80 ont la cote, surtout lorsque il s’agit de groupes maudits. Dépoussiéré une première fois dès le milieu des années 80 par Mickael Stipe de R.E.M., réédité vingt ans plus tard par le bisounours James Murphy via son label groovy-hype DFA – Gyrate, le premier album du groupe en 1980 a très convenablement été ressorti fin 2007 – Pylon a fait une nouvelle fois parler de lui en 2009, toujours grâce à DFA, avec une nouvelle réédition, celle de Chomp, son deuxième long format. J’imagine que l’histoire s’arrêtera là : il existe bien un troisième enregistrement de Pylon (Chain, jamais écouté) mais il date donc de l’époque à laquelle le groupe s’était reformé une première fois sur l’insistance de Mickael Stipe, Pylon avait même assuré la première partie de R.E.M. sur toute la tournée Green. Si ça ce n’était pas du soutien inconditionnel de la part d’un fan de base.
Entre les rééditions de Gyrate et de Chomp il n’y a pas que le statut de Pylon qui a changé, passant de groupe adulé par quelques happy fews et par quelques exégètes à lunettes à celui de référence quasi incontournable et oscarisée de l’indie post punk US : le guitariste Randall Bewley est mort en février 2009 des suites d’une attaque cardiaque alors qu’il conduisait, il n’a même pas eu besoin d’un trottoir pour se planter tout seul. Pylon ne jouera plus en concert. Pylon ne fera pas de nouveaux disques. Pylon est définitivement un groupe du passé, un fossile abîmé ou un cadavre formolé à conserver dans un petit bocal, sur une étagère.
C’est d’autant plus amusant – pas vraiment en fait, disons plutôt que ce n’est qu’une coïncidence – que la pochette de Chomp représente un T-Rex. Une magnifique photo prise dans le parc des dinosaures de Vernal dans l’Utah, les autres photos valent aussi des points avec les membres de Pylon en shorts et en tongs perdus dans la chaleur du Mill Canyon. Tout ça ne fait vraiment pas sérieux et offre un contraste saisissant avec ce que le disque donne effectivement à écouter.
Nous sommes désormais en 1983, trois années se sont écoulées depuis Gyrate et la new wave est passée par là. Difficile de reconnaître Pylon sur le premier titre, K, qui déballe toute la panoplie dark de l’époque – arabesques de guitare, basse qui fait des bulles, cet horrible son de caisse claire qui plombe 95 % des productions contemporaines (il ne suffisait pas de mettre un léger delay dessus pour sonner comme du Martin Hannett les gars) et chant de prêtresse. Pour un peu, un tout petit peu, j’aurais cru être tomber sur un inédit fatigué de Siouxsie & The Banshees. Le contraste est encore plus saisissant sur Yo-Yo, deuxième titre rachitique, avec un drôle de gimmick à la guitare (?), une ligne de basse très mollement funk malgré quelques slaps au passage, une batterie en mode boite à rythmes et l’apparition d’un synthétiseur moribond. Le chant de Vanessa Briscoe est lui curieusement éteint et distant. Avec son funk robotique, synthétique et complètement déshumanisé Yo-Yo est le titre le plus radicalement différent de ce que Pylon avait pu auparavant donner à entendre sur Gyrate. Yo-Yo n’est pas sorti en single à l’époque mais s’il l’avait été je ne doute pas qu’il aurait fait un énorme bide tellement il est proprement indansable et déprimant.
Le reste de l’album permet de nuancer quelque peu : la production est toujours aussi brumeuse, reverbérée, on nage en pleine new wave mollassonne frisant avec un certain lyrisme (le très émouvant Spider), le pénible (Crazy), la psychorigidité (Buzz), le chuintant (No Clocks) ou le sautillard (Beep et Reptiles, sauvé par sa ligne de basse). Italian Movie Theme, titre instrumental, fait un peu figure d’exception mais il a le mérite de casser la monotonie de Chomp. M-Train, superbement dégraissé et funky, est le meilleur titre de l’album, lorgnant du côté d’un ESG vindicatif. Un véritable inédit (Gyrate) et une face B (Altitude) restent dans l’humeur maussade et entre deux chaises de l’album. On ne peut pas en dire autant des quatre dernières plages qui regroupent des remix totalement dispensables et souvent ridicules – c’est les années 80, ne l’oublions pas – qui foutent tout en l’air. Ecoutez correctement Chomp revient donc à s’arrêter après la plage numéro 12, on découvre ainsi une musique désabusée et blême, un disque moins radical que son prédécesseur mais souvent émouvant de par ses efforts stériles pour se débattre contre l’agonie. Fin de l’histoire (ou presque).