vendredi 28 mai 2010

Little Women / Throat






















Quand je pense à tous les blaireaux hyper virils et autres sportifs en pantacourts qui écoutent du metal et/ou du hardcore comme s’ils faisaient un concours de biroute – qui c’est qui a la plus grosse, qui c’est qui pisse le plus loin – tout simplement parce qu’ils ne cherchent qu’à être enivrés d’ultraviolence et de distorsion. Et bien, messieurs les ratatinés du bulbe et les frustrés des gonades, je ne peux que fortement vous conseiller l’écoute intensive et répétée de Little Women et de son nouvel album, Throat, publié chez Aum Fidelity, éminent label new-yorkais spécialisé dans le free jazz (de David S. Ware à William Parker, rien que du bon). Le premier enregistrement de Little Women, Teeth, un LP monoface, avait déjà quelque chose de radicalement terrifiant. Celui-ci le surpasse allégrement et le fait d’être sorti sur un vrai label, bénéficiant qui plus est d’une réelle distribution dans la plupart des pays du monde civilisé, va enfin lui permettre d’être bien mieux diffusé. Tremblez, jeunes gens.
Litte Women est donc un groupe de free jazz. Du free jazz ? Oui ! Et du vrai : pas le free jazz de salon/à papa comme peut en faire à l’occasion Ken Vandermark lorsqu’il s’ennuie trop à jouer du hard bop ou comme l’a tartiné John Zorn avec son projet Masada. Imaginez plutôt ce bon vieux free cher à Peter Brötzmannn, Evan Parker, Alexander Von Schlippenbach, Han Bennink, Fred Van Howe, Manfred Schoof et autre Sven-Åke Johansson (on pense plus d’une fois à l’extrémisme d’un Machine Gun, aux envolées du Global Unity Orchestra ou aux cataractes métalliques du Waves Of Albert Ayler du Mount Everest Trio) mâtiné d’une épaisse surcouche de no wave new-yorkaise, eh oui Little Women est un groupe originaire de Brooklyn et ça s’entend. Ça s’entend parce que le guitariste, Andrew Smiley, joue comme un forcené avec ce son épineux et écorché, lacérant comme aux bons vieux jours de Mars et de DNA.
Throat a été enregistré en une seule journée, le 11 décembre 2009, et a été divisé en sept parties. Certaines vous explosent littéralement la cervelle comme Naked City à l’époque de Torture Garden ou de l’album sans titre, mais un Naked City qui n’aurait pas oublié d’être punk et crade (ou qui jouerait sans lire ses partitions en même temps). D’autres prennent le temps d’installer un thème, les deux saxophones (Travis Laplante – également dans Extra Life – au ténor et Darius Jones à l’alto) dialoguant dans la surenchère énervée avant que dissonance brutale et dérèglement rythmique (Jason Nazary à la batterie) ne soient instaurés comme règles ultimes d’un jazz cataclysmique, finalement dangereux. Intense et violent.