Il y a deux disques à l’intérieur de The Forbidden Beat, élégant digipak fait maison : un CD (rayures noires) et un DVD (rayures rouges). On y trouve deux concerts du trio réunissant le batteur Weasel Walter, le guitariste Sheik Anorak et le souffleur Mario Rechtern et enregistrés lors d’une tournée commune au printemps 2009. Evidemment, ce disque est une production Gaffer records, le label du guitariste/multi-instrumentiste/bidouilleur lyonnais Sheik Anorak.
Tel que le line-up du trio le laisse largement supposer, cette musique est constituée à 100 % de pure freeture, genre une mixture bouillonnante, chaotique et énervée. Et à ce titre je conseillerais plutôt de commencer par le disque rouge, donc le DVD, lequel reprend la majeure partie du concert donné par le trio le 08 mai 2009 au Grrrnd Zéro de Lyon/Vaise (et dont on peut visionner un large extrait ici). Pourquoi ? Tout simplement parce que si on est guère familier avec ce genre de cacophonie improvisée et avec ces plaisirs enfantins, l’image aide à une meilleure compréhension/acceptation d’une musique sinon éreintante du moins difficile d’accès. De plus, ce concert lyonnais est presque plus musical et dans les normes acceptables que celui proposé sur le CD donc autant commencer en douceur... Mais que l’on se rassure, sur ce DVD l’auditeur a tout de même droit à son lot de blasts surhumains et autres pitreries de la part d’un Weasel Walter déchainé – et quel magnifique t-shirt de Repulsion, vraiment – ou aux facéties et bricolages d’un Mario Rechtern toujours très étonnement inventif. Un mystère que ce gars là soit resté un parfait inconnu pendant toutes ces années (il compte tout de même plus de soixante dix printemps). La guitare n’est pas à la traine, dans un registre à la fois noise et déstructuré, inventive elle aussi. Un bon concert et un bon souvenir*.
Le CD propose lui un concert donné par le trio Weasel Walter/Sheik Anorak/Mario Rechtern quelques jours plus tôt à Montaigu. Un concert donc plus aride que celui donné à Lyon, un peu plus éclaté aussi, ce qui n’empêche pas les trois musiciens de partir à la conquête du barouf éternel avec la spontanéité et l’enthousiasme d’une armée d’ostrogoths lancés au galop à la conquête des pleines d’Europe centrale, et ce toujours sous la houlette d’un Weasel Walter qui actionne sa double pédale comme un jeune adolescent vigoureux et épris de death metal. Il n'y a pas c’est vrai de différences réellement fondamentales entre les deux concerts sauf que celui de Montaigu a à la fois moins de tenu et est logiquement un peu plus bordélique (si c’était possible). Mais ce ne sont là après tout que des détails d’appréciation. Et il n’en demeure pas moins que ces deux enregistrements sont un excellent témoignage de l’esprit d’un trio composé de musiciens qui n’avaient jamais joué ensemble auparavant** – l’expérience avait d’ailleurs été si concluante que ces trois là ont remis ça pour une nouvelle tournée au Printemps 2010. On ne peut que souhaiter une longue vie à ce trio inventif et foutraque.
* à titre un peu plus personnel, je regrette juste que l’on aperçoive un peu trop souvent ma calvitie naissance de quarantenaire et peut être aussi que je prends un peu trop de photos au lieu de me consacrer plus activement au défoulement que propose un tel concert – quelle honte vraiment
** et l’improvisation totale et libre était alors une aventure vraiment nouvelle pour Sheik Anorak