mercredi 5 mai 2010

Hey Colossus And The Van Halen Time Capsule / Eurogrumble vol.1























Un nouvel album de Hey Colossus, encore une fois chez Riot Season. Pour l’occasion le groupe s’est légèrement rebaptisé Hey Colossus And The Van Halen Time Capsule, comme c’est écrit en toutes lettres sur la pochette. Ce cinquième long format, incompréhensiblement intitulé Eurogrumble vol. 1, n’est disponible qu’en LP et à cinq cent exemplaires – oui, tant qu’à faire, puisque les disques ne se vendent plus, autant presser dès le départ uniquement des formats recherchés et en petites quantités. Quoique… même cinq cent exemplaires paraissent un nombre démesuré pour un groupe de la trempe de Hey Colossus, un groupe à la musique aussi monstrueuse que mutante. Et comme si cela ne suffisait pas, depuis le précédent Happy Birthday, le line-up d’origine s’est élargi, un peu comme toute la musique que j’aime. De cinq on passe à six membres, mais aucune idée vraiment précise de ce que peut bien foutre le petit nouveau : un guitariste de plus ? ou alors c’est lui qui manipule toute la bidouille et les samples dont regorge plus que jamais les compositions de Hey Colossus ? Va savoir.
Les anglais avaient passablement brouillé les pistes sur le split partagé avec Dethscalator, se vautrant non sans une certaine complaisance dans ce que l’on appelle toujours très pudiquement de l’expérimentation dès que l’on ne sait plus très bien à quoi on a affaire (et quand en même temps on comprend aussi parfaitement que le groupe lui-même ne sait plus trop où il en est). Avec The Question, titre introductif d’Eurogrumble vol. 1 démarrant au ralenti tout en faisant autant de bruits et de rejets polluants qu’un chauffage collectif de HLM polonais de troisième catégorie, Hey Colossus ne laisse planer aucun doute sur ses intentions : le groupe est encore en plein trip et il souffre le démon. Bientôt viennent se greffer un riff plombé et une rythmique presque aussi lourde et écrasante que chez les Swans d’antan sur ce qui se transforme alors en un long chemin de croix. Le confort ce n’est vraiment pas ce qui intéresse Hey Colossus et tandis qu’une voix grassouillette éructe son manger d’il y a deux jours, derrière les bandes à l’envers, les messages subliminaux, les artifices maléfiques font leurs basses œuvres, déstabilisant, dérangeant, brusquant nos petites habitudes d’amateurs de noise lente et lourde. Une excellente entrée en matière pour un disque qui va se révéler incroyablement dense et tordu.
Tout en bidouillant jusqu’à l’écœurement, les six Hey Colossus renouent sur Eurogrumble vol. 1 avec un vrai sens des compositions, riffant comme cochons, martelant comme des aliénés se frappant la tête contre les murs, forniquant dans la stupeur*, écrasant l’auditeur avec le bruit le plus étouffant qui lui ait été donné d’entendre depuis fort longtemps, le brutalisant avec une fureur toute maléfique, lentement, durablement, lui enlevant ce qu’il lui reste de résistance et de compréhension. Ce nouvel album est le premier grand disque malade de cette année 2010 et a d’ores et déjà de bonnes chances pour figurer au top du classement final. Les passages rapides – ou les moins ralentis, c’est selon – apparaissent comme de trop rares bouées de sauvetage (Eurogrumble au début de la seconde face, comme si Can dansait le Tago Mago avec une bétonneuse) lorsque ils ne se transforment pas à leur tour en supplices implacables (Millers Court reprenant un vieux riff de Godflesh trempé dans un bain d’acide avant de complètement virer à la farce très Butthole Surfers, Paul Long Haul III et sa noise quelque part entre les premiers Terminal Cheesecake et Unsane). Wait Your Turn c’est l’achèvement du disque, achèvement dans tous les sens du terme : parti sur fond de marche forcée et de tripotage de viande froide, l’implosion psychédélique/noise qui marque toute la fin du morceau est l’ultime sacrifice d’une cérémonie lugubre et dantesque – si on décolle sans problème, atterrir en un seul morceau devient hors de question. Tout simplement énorme.

* et non pas dans le stupre, ça tout le monde sait le faire, sinon demandez à David Lee Roth