Où l’on va reparler un peu de Riot Season, label britannique mais néanmoins de bon goût puisque c’est grâce à celui-ci que les albums de Shit And Shine ou que le dernier album de Todd – le monstrueux Big Ripper – ont réussi à parvenir jusqu’à nos oreilles fatiguées par trop de math rock et trop de post hardcore. Plus exactement, ça va causer de Black Labs qui est une émanation directe de Riot Season, filiale créée de toutes pièces sans doute pour d’obscures raisons d’évasion fiscale dans un pays qui fut rappelons-le le berceau de l’ultra libéralisme européen. Je plaisante bien sur : passé ce moment de colère complètement gratuite et ignorante à l’encontre d’une nation qui a surtout inventé le rugby, les Monty Python, les Beatles, Joy Division, Iron Maiden, les Smiths et les orgies de fin d’après midi au pub du coin, il faut bien avouer que l’on se fout complètement de l’odeur de l’argent : dans le cas qui nous occupe très précisément, celui d’un 12 pouces partagé entre des groupes de rosbifs, Hey Colossus et Dethscalator, l’important c’est que ce soit la musique qui sente mauvais, qu’elle pue réellement des pieds, du cul ou de ce que vous voudrez. Pour ça, on pouvait faire confiance à l’esprit éclairé des gens de Riot Season. Et on a eu partiellement raison.
On a eu raison bien que les trois titres de Hey Colossus laissent au départ un léger goût d’inachevé. L’album précédent et déjà quatrième du groupe, l’écrasant Happy Birthday (sur Riot Season également), transpirait la fureur du mammouth épileptique en pleine crise de délirium tremens – en trois mots seulement : heavy, psyché, metal et noise, bon oui ça fait quatre – un peu comme si les gars de Fudge Tunnel restés coincés en plein trip aux champignons se faisaient administrer un lavement à la vodka millésimée par Ozzy Osbourne en même temps qu’une trépanation chimique au LSD par Syd Barrett. Ces trois titres, enchaînés de façon à n’en faire qu’un seul, prennent un peu trop leur temps pour décoller au milieu de bidouilles improbables (Eyes For An Eye) et s’éternisent trop mollement dans la fosse à purin (Ain’t No Love In The Mallet). Il n’y a donc que les quatre minutes et quelques de Unlive Wire qui peuvent raisonnablement prétendre rivaliser avec les précédents enregistrements de Hey Colossus mais un Hey Colossus encore plus shooté et ralenti qu’auparavant – on vérifie vite fait bien fait que le disque tourne à la bonne vitesse – comme une version blobesque de Harvey Milk.
De l’autre côté de ce split on découvre Dethscalator dont on ne connaissait rien jusqu’ici. On ne connaissait peut être pas le groupe mais tous les ingrédients de sa musique n’ont eux rien de nouveau, entre chant de serpillère à vomi façon David Yow et guitares noise façon amrep et Touch And Go (quel raccourci absurde). Rien de nouveau mais une bonne maîtrise du bordel, la science nécessaire pour faire tourner un riff aussi simple que basique, une rythmique qui tient la route – mais plutôt dans le mid tempo voire même dans le ralenti là aussi – et donc une voix qui rappellera que les imitations sont des fois tout ce qu’il nous reste de nos amours musicales passées pour quelques génies qui nous faisaient bouillir les sangs à chaque coin de chanson. Dethscalator c’est juste convaincant, efficace, crade comme il faut et des deux groupes, c’est bien celui-ci qui pue avec le plus de réussite et non pas Hey Colossus.