Il semblerait bien, face à la crise économique qui
s’éternise*, que les seules échappatoires pour les maisons de disques qui
veulent s’en sortir financièrement soient, premièrement, de vendre des éditions
vinyles de plus en plus chères et/ou, deuxièmement, de jouer la carte de
l’objet. L’un ne va pas sans l’autre vous me direz – quoi que dans certains
cas, ces éditions vinyles chargées en couleurs dégueulasses sont tout sauf
belles – mais en ce qui concerne Joyful Noise Recordings, label montant de la scène indé US et basé à Indianapolis,
c’est souvent la deuxième option qui prime. Joyful Noise Recordings ne se
contente pas d’avoir un catalogue comprenant quelques références parmi les plus
bandantes du moment, le label soigne également ses productions toujours avec
(bon) goût.
Intéressons nous donc à ce CAUSE & EFFECT Volume 1 qui comme son nom l’indique est une
compilation. Une compilation sous la forme d’un triple 7’. Chaque galette
accueille deux groupes ou musiciens et est gravée dans un plastique bicolore,
moitié transparent et moitié noir**. Les trois disques sont emballés dans une
surpochette et retenus par un obi sur lequel est écrit à la main le numéro de
chaque exemplaire puisque Cause &
Effect est un tirage pas très limité à 2000 – oui, deux milles – exemplaires.
Première galette. C’est LOU BARLOW qui ouvre la
marche (funèbre) avec Crack And Emerge.
Comme tous les heavy métalleux des 80’s passés par le punk, la cold wave, la
musique industrielle et reconvertis dans le noise-rock puis le free-jazz et
l’Idm, je n’ai jamais pu encadrer les geignardises de ce cher Lou qui depuis au
moins vingt ans passe son temps à se rabattre la queue entre les jambes et à
pleurnicher parce qu’il s’est encore fait larguer par une meuf sans cœur. Ce
type doit en plus aimer le pastis***, c’est pas possible autrement.
De l’autre côté on trouve un groupe du nom de DUMB
NUMBERS pour un titre intitulé Last Night
I Had A Dream avec l’australien Adam Harding à la guitare et au chant, Lou
Barlow à la basse et Murph à la batterie. Vous avez dit Sebadoh ? C’est
ballot parce que je n’ai jamais aimé ça non plus, exactement pour les mêmes
raisons que celles qui me font assassiner Lou Barlow à chaque fois que le
croise au drive-in du coin. Dumb Numbers = même pas en rêve, surtout que cette chanson figurera sur l’album sans titre que le groupe s’apprête à publier.
Deuxième galette. Ce grand dadais de THURSTON MOORE nous délivre un Gleo tiré d’une improvisation free-noise-machin-truc enregistrée avec le batteur John Moloney. Ça ressemble à rien ou plutôt, si, cela ressemble à du grand n’importe quoi mais c’est ça que j’aime chez Thurston, lorsqu’il se branle la nouille et astique le manche de sa guitare pour faire du bruit. Par contre je n’aime pas celui de certains derniers albums de Sonic Youth, ce groupe de vieux jeunes. Ce titre très brut devrait rester inédit.
Sur la face B il y a l’un des meilleurs groupes
new-yorkais actuels c’est-à-dire TALK NORMAL. Le problème est que Shot This Time figure déjà sur Sunshine, l’excellentissime deuxième
album du duo. Bon… si au moins cela donne envie aux retardataires de
s’intéresser enfin à Talk Normal, voilà qui est un moindre mal car voilà l’un
des rares groupes qui a réussi à digérer l’héritage de Sonic Youth (le vrai,
celui des années 80) et à en faire quelque chose de vraiment intéressant et de
vraiment bon.
Troisième et dernière galette. DAVID YOW en solo
pour un titre – Thee Itch – qui
figurera sur le premier album de ce grand monsieur et parait-il enregistré
depuis des années, un Tonight You Feel
Like A Spider à paraitre chez Joyful Noise Recordings
avec plein de packagings différents, dont un construit à base d’une pierre
taillée et gravée. Ici on adore Jesus Lizard mais on doit aussi avouer que si
ce Thee Itch n’avait pas été
enregistré par David Yow, on n’aurait même pas essayé de l’écouter jusqu’au
bout. Il n’y semble-t-il rien de pire que ces chanteurs/performers qui se
mettent à composer et à avoir des idées. Qu’ils se les gardent.
Dernier groupe et dernière face avec les géniaux
CHILD BITE. Abysmal Splatter est un
titre tiré du 10’ Vision Crimes et déjà réédité sur un
LP comprenant également Monomania, un
autre 10’ de Child Bite. On ne rajoutera rien à tout le bien que l’on pense de
ces deux disques et de ce groupe, un ramassis d’enragés inventifs coincés
quelque part entre les Dead Kennedys (un peu) et Jesus Lizard (beaucoup). Un
must.
C’est l’heure des comptes et le résultat est guère
brillant : sur six titres seuls deux sont ou resteront inédits. C’est bien
trop peu. Alors on recommence à compter : sur six titres seuls trois sont
vraiment excellents. C’est encore bien trop peu. Et en ce qui concerne ce nom
un peu pompeux de Cause & Effect
il répond à la logique suivante : chaque musicien ou groupe de chaque face
A a influencé celui de la face B. Tout cela est d’une limpidité indiscutable… Lou
Barlow/Dumb Numbers, Thurston Moore/Talk Normal et David Yow/Child Bite, l’idée
est bonne mais sa concrétisation reste uniquement au stade des bonnes intentions.
On verra bien s’il y aura une amélioration l’année prochaine puisque Joyful
Noise Recordings a l’intention de publier un nouveau volume de Cause & Effect tous les ans,
histoire donc de faire connaitre un peu mieux son catalogue grandissant…
* soit dit en passant, une crise économique qui
s’éternise depuis plus de trente années (au bas mot) ce n’est plus du tout une
crise mais un mode de fonctionnement systémique propre et intrinsèque au modèle
économique dominant l’économie mondiale
** ce qui ressemble à la définition chromatique du
seul cocktail que j’ai jamais réussi à boire de ma vie : vodka et liqueur
de café (plus évidemment de la glace pilée) – comme chacun sait, la vodka est
une boisson d’homme qui normalement se boit pure, pas comme cette merde sudiste
de Pastis mais le Nuage Noir, Black Russian pour les anti-Lebowski, est la
seule exception à cette règle pourtant inébranlable ; pour en revenir à la
couleur de ce triple single, il existe également en vinyle moitié transparent
moitié argenté, ce qui est la couleur d’aucune boisson de ma connaissance, même
non alcoolisée
*** qu’est ce que je disais…