Il y avait de quoi s’enthousiasmer à propos du premier disque de Jessica93, un 12’ de quatre titres seulement redéfinissant la
mélancolie plombée des années 80 (tout comme ses extensions du début des 90’s…)
et reprenant à son compte l’utilisation abusive des machines à brumiser les
synapses et à déterrer les cadavres de chats crevés. Une musique à la fois puissante
mais irrésistiblement belle, aussi commotionnante qu’émouvante.
JESSICA93 continue
sur cette voie avec Who Cares,
un deuxième enregistrement que cette fois on peut réellement qualifier d’album
(six titres seulement mais 38 minutes de musique) tout en apportant quelques
menus changements et améliorations à sa formule de départ. Who Cares est un enregistrement d’apparence plus directe,
moins brumeuse et moins opiacée que son prédécesseur ; cela ne signifie
pas que Jessica93 soit désormais adepte de la gaudriole techno-dark mais, en
mettant plus que jamais ses programmations de boite-à-rythmes toujours plus en
avant, ce one man band – parce que Jessica93 est l’œuvre d’une seule et unique
personne, rappelons-le – Jessica93, donc, prend le pari de plus de dansabilité
et d’encore plus de puissance entrainante.
Le côté massif façon Sisters Of Mercy est ainsi
renforcé (réécoutez un peu les programmations de First And Last And Always pour vous en convaincre un peu mais
surtout ne restez pas à un niveau aussi terre-à-terre de comparaison) or
ce qui frappe également ce sont ces quelques effluves curistes qui
s’échappent de Who Cares, des
effluves comme à l’époque où le groupe de Robert Smith optait pour les rythmes
tribaux tout en sortant enfin les guitares au grand jour. Who Cares n’est certainement pas Pornography – et sûrement que Jessica93 s’en fout complètement de
Robert & C° – mais, musicalement, on retrouve ici quelques unes de ces
pistes d’antan que Jessica93 revisite avec d’autant plus de goût qu’il le fait surtout
avec inventivité (French To The Bones
fait d’ailleurs plus curiste que nature). Si certains pensent désormais que
la création musicale actuelle en matière de rock et de pop music ne peut être
qu’un éternel recommencement et qu’une relecture du passé, il y a tout à se
réjouir de l’existence et de la vivacité créative d’un groupe tel que Jessica93
qui propulse ses envies suffisamment loin dans les airs pour donner naissance à
une musique aussi passionnante que réelle.
Derrière les tubes aussi évidents qu’irrésistibles
que sont Away, Poison (incroyable single avec sa ligne de basse-bulldozer sans
pitié) ou Junk Food, Jessica93 nous
offre également quelques déviances à son orthodoxie supposée : Origine est un titre plus squelettique, plus
désarticulé et donc moins inexorable que le reste de l’album, il possède ce
côté presque ethnique qui pourtant lui confère une force de persuasion tout
aussi imposante ; composition complètement instrumentale et d’une lourdeur
que n’aurait pas renié un Godflesh, Sweet
Dreams brille dans le noir avec ses guitares à l’unisson, des guitares à la
limite d’un golgoth métal proche des kitscheries d’un Katatonia ayant renoncé
aux mises en plis à frisettes et aux balayages californiens – pas besoin d’avoir
une longue chevelure de surfeur des neiges pour avoir envie de se secouer
lentement la tête au son d’une composition finalement plutôt sombre et presque
génialement éprouvante.
Avec Who
Cares Jessica93 signe un album certes extrêmement connoté et balisé
mais d’une personnalité certaine et sincère et, donc, d’une richesse ensorcelante pour qui
sait – ou ose – plonger dedans. Seuls les ayatollahs du bon goût, les gentils
donateurs de l’UMP, les anti-mariages pour tous et les fanatiques de grindcore
ou de punk à roulettes devraient y trouver quelque chose à redire. Mais ici, on
aime vraiment beaucoup ce disque qui illumine déjà cette année 2013 d’éclats
aussi sombres que magiques.
[Who Cares est
publié en vinyle par trois labels parisiens aussi différents et
complémentaires et ça aussi on trouve ça beau : Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, Music Fear Satan et Teenage Menopause records ; en
outre Who Cares est disponible en téléchargement libre et gratuit, ce qui te donnera peut-être, à toi cher lecteur,
l'envie d’acquérir en vrai et en dur l’un des cinq cents exemplaires pressés de ce LP…
c’est tout le mal que l’on te souhaite, finalement]