Règle numéro un : après avoir grandement
apprécié un groupe en concert – voire avoir été quelque peu pris au dépourvu –
laissez passer un peu de temps avant de réécouter ce même groupe sur disque.
Règle numéro deux : écouter quelques uns des enregistrements
antérieurs à celui que l’on a l’attention de chroniquer.
Règle numéro trois : se foutre complètement
des règles numéro un et deux et passer directement à la règle numéro quatre.
Règle numéro quatre : écouter la musique
toujours plus fort.
Au lendemain d’un concert
mémorable de NICOFFEINE dans la cave
de Buffet Froid et histoire d’en remettre tout de suite une couche, de ne pas
laisser l’euphorie refroidir et de confirmer (ou pas) tout le bien que je
pensais désormais de ces allemands, j’ai immédiatement mis Au Revoir Golden Air sur la platine. Et je ne l’ai pas regretté.
Nicoffeine c’est donc un guitariste chanteur
(Soheyl Nassary), un bassiste (Guido Lucas) et un batteur (Jörg A. Schneider). C’est
aussi une musique et un son qui partent dans tous les sens mais pas n’importe
comment non plus. Plus que jamais à l’écoute de Au Revoir Golden Air, Nicoffeine me fait l’impression d’être un
cousin pas très éloigné de ces trucs japonais complètement barrés et coincés
entre psychédélisme dévastateur et électricité omnivore. Sauf que Nicoffeine a
quelque chose à apporter en plus, ce genre de foutraqueries héritées des
groupes Skingraft : toujours plus d’exubérances, toujours plus de
clowneries, toujours plus de dissonances et toujours plus de rythmes concassés.
Imaginez Acid Mothers Temple qui copulerait avec les Flying Luttenbachers,
genre.
Au Revoir
Golden Air n’est donc pas à proprement parler une gentille promenade de
santé mais plutôt une plongée longue durée dans un bain d’acide, dans tous les
sens du terme. L’acide c’est d’abord celui d’une musique hyper chargée en
délires continuels et abrasifs et en chaos free ascensionnel ; l’acide c’est
aussi celui du morceau titre du disque, placé en dernière position et
avoisinant le quart d’heure, un acide ouvrant la porte à toutes sortes de visions
dérangées. Nicoffeine n’est pas qu’un groupe qui fait du bruit mieux que la
moyenne générale, c’est surtout un groupe dont la musique déborde de
trouvailles sonores. Ici le son est grésillant mais léché et au gré de tel ou
tel passage on peut apprécier les bidouilles au synthétiseur ou l’inclusion de
« paysages sonores » (le tout assuré par tous les membres de
Nicoffeine sans exception). Un disque qui plus est enregistré et mixé par le
batteur du groupe et masterisé par son bassiste : on est jamais aussi bien
servi que par soi-même et le résultat est à la hauteur de la prestation haute
en couleur et royalement déjantée que Nicoffeine avait donné dans une pauvre
cave lyonnaise devant une vingtaine de personnes scotchées au plafond. Addiction.
[Au Revoir Golden Air est publié en
CD et en vinyle (pochette gatefold) par Blunoise,
un label dont le bassiste Guido Lucas s’occupe déjà depuis près d’une vingtaine
d’années]