Vous avez aimé Revolutions Per Minute de Jean
Ferraille ? Vous avez aimé 9 Pictures de Mistress Bomb H ? Et bien,
sur ce mini album du nom de Manifeste A
Son(s), on retrouve précisément et avec grand plaisir ces deux artistes et
musiciens. Et si ce disque sort sous l'appellation de JEAN FERRAILLE et que toutes les
compositions sont créditées du seul nom de ce garçon, on peut quand même parler
– au moins pour la première face de Manifeste
A Son(s) – d’une véritable et fructueuse collaboration.
Les trois titres enregistrés par Jean Ferraille et
Mistress Bomb H font même des merveilles : les bidouilles en forme de
pachinko electro-punk voire bruitiste du monsieur contrastent mieux que jamais
avec la voix décidément délicatement suave mais ferme et profonde de la dame.
Une voix à la fois blanche, presque distante, mais teintée de ce supplément
d’âme qui la rend captivante. On avait déjà affirmé que Mistress Bomb H était
une vraie chanteuse et la preuve en est à nouveau faite sur Born et (un peu moins) sur Weeds et Crumbs. D’autre part Jean Ferraille confirme qu’il aime le fracas
du metal et la vieille musique industrielle avec Radiator, un titre complètement instrumental réussissant à nouveau
l’alliage de l’organique voire de l’humain et de la machine.
On regrette un temps que Mistress Bomb H
n’apparaisse pas sur tous les titres de Manifeste
A Son(s) et qu’elle soit donc totalement absente de sa face B. Un regret
persistant mais largement atténué par la qualité indéniable de Phantom puis de Dialogue (With The Machine). Sur le premier Jean Ferraille taille à
coups de hachoir dans un magma sonore protéiforme et envahissant. La drôlerie d’un
certain psychédélisme bruyant (à la pipo-bimbo japonais, quoi) transforme Phantom en un titre très visuel, on
imaginerait presque Jean Ferraille dans sa cuisine/laboratoire en train de
batailler, couper, trancher, retrancher, rabattre et lutter contre des vagues
sonores plus ou moins immersives dont il est pourtant le concepteur. De quoi
rendre la musique électronique tendance extrémiste/indus/breakcore toujours
plus passionnante, tout simplement parce qu’elle se teinte sur Phantom d’une indéniable poésie et,
finalement, de folie délicate.
Le côté machine folle est encore plus accentué sur
Dialogue (With The Machine) dont on
apprend en lisant les notes au recto de la pochette du disque qu’il est inspiré
du Dialogue Ordinaire Avec La Machine
du compositeur Luc Ferrari. Même sans avoir connaissance de cette référence
et/ou même sans connaitre la pièce en question de Ferrari (ce qui est mon cas),
Dialogue vire à la jubilation ;
les flux de sons/bribes de textes deviennent autant de gags et le résultat est
à la fois faussement sérieux et sérieusement débile – la musique
acousmatique de Luc Ferrari n’est peut-être ici qu’un prétexte mais Dialogue (With The Machine) est à la
hauteur d’une foutraquerie aussi imaginative que manifeste. Une vraie réussite
en matière d’humour musical tout comme de recherche sonore.
[Manifeste A Son(s) est publié en vinyle par Bruits De Fond/Résistance Des Matériaux,
il s’agit d’un 12’ qui tourne à la vitesse magique de 45rpm ; l’artwork
très réussi est signé Mélanie Bourgoin]