On retrouve sur Plume
des musiciens de haut vol et aux pedigrees, si on peut parler ainsi, absolument
impeccables question musiques expérimentales et improvisées : la pianiste MAGDA MAYAS (dont on a déjà parlé à
propos de son très beau duo en compagnie de Christine Abdelnour) et le guitariste BURKHARD STANGL (Polwechsel, Efzeg et
quantités d’autres projets) ; deux musiciens aux côtés desquels
apparaissent TONY BUCK (Ground Zero, Peril, The Necks, Kletka Red, etc.) à la
batterie et JOHN BUTCHER
(Polwechsel, Phil Minton, The Ex, la liste est incroyablement longue) aux
saxophones. Plus exactement les deux derniers musiciens cités représentent en
quelque sorte le noyau dur qui a enregistré Plume ;
par contre Burkhard Stangl joue sur le premier titre uniquement alors que Magda
Mayas n’apparait que sur le second.
Plume
n’a pourtant rien d’une compilation absurde de deux trios distincts et de deux
espace-temps musicaux différents qui n’auraient en commun que Tony Buck et John
Butcher. Flamme (avec Burkhard
Stangl) a beau être un enregistrement en concert de 2007 et Vellum (avec Magda Mayas) date peut-être
d’avril 2011 mais on écoute ici un vrai disque, c’est-à-dire un projet.
Peut-être – et même sûrement – celui-ci est-il né à postériori, lorsque les
bandes enregistrées ont été réécoutées, comparées, mises en parallèles et
finalement réunies mais cela n’a désormais que bien peu d’importance. On
rêverait même d’entendre une prochaine fois les quatre musiciens jouant
ensemble, bien que l’on comprenne également à l’écoute de Plume que la formule du trio est souvent une formule optimale en matière de musique improvisée.
Flamme a
longtemps été mon titre préféré du disque parce que l’alchimie entre Buck,
Butcher et Stangl y est de prime abord la plus évidente mais aussi la plus
drôle et la plus imagée. John Butcher, véritable poète des sons et expert en
roule-libre de la pratique du saxophone est ici particulièrement inventif et
déchainé. Cela ne signifie pas qu’il tire systématiquement toute la couverture
à lui mais il reste celui dont l’instrument s’expose le plus, y compris
lors des passages très ténus et proche d’une esthétique de l’effacement. D’un
autre point de vue, Burkhard Stangl fait preuve d’admirables nuances avec sa
guitare en mode abstrait bien qu’il souffre également parfois de la complémentarité
percussive de la paire Buck/Butcher. En fait l’évidence alchimique mentionnée
un peu plus haut s’explique avant tout par la prédominance motrice de l’un des
trois musiciens sur les deux autres (ce n’est donc pas une alchimie à proprement
parler…).
Vellum
est en définitive le titre qui recèle le plus de surprises. Magda Mayas, dont
on apprécie énormément la sensibilité, s’impose davantage avec son piano
(préparé) que ne le fait Stangl et sa guitare. L’explication pourrait être
purement technique, liée aux capacités de résonnances et – à nouveau –
percussives d’un piano. Même si le saxophone brille encore beaucoup ici,
le trio Buck/Butcher/Mayas est celui qui s’équilibre le plus et celui où les
sonorités des différents instruments interagissent le plus entre elles. Vellum est une pièce moins immédiate que
Flamme parce que plus
« conflictuelle » et peut-être même tordue ou en tous les cas
labyrinthique mais elle est du coup infiniment plus riche et fait logiquement
moins appel à l’humour instantané ou à la fantaisie immédiate. Sur la longueur, le temps et les
écoutes passant, c’est bien Vellum
qui finit par s’imposer comme la pièce centrale de Flamme, son final tout d’abord très frontal puis s’effaçant temporairement
mais toujours mené à trois étant des plus passionnants.
[Plume
est publié en CD par Unsounds]