Malgré tout le bien que l’on a pu dire d’Atavist Of Mann, le premier (double)
album de HUATA publié en 2012, un
disque que l’on écoute encore et toujours aujourd’hui avec un plaisir certain,
on pensait quand même qu’il manquait un tout petit quelque chose à ce groupe
originaire de Bretagne pour être définitivement crédible. Oh… pas
grand-chose : une pointe supplémentaire d’humour lugubre ? du sang et
du sexe pour de vrai ? un peu moins de visibilité au niveau des références
musicales supposées de Huata ? un peu moins de sérieux et un peu moins
d’application ?
En ne choisissant pas de durcir à outrances son
doom 70’s post Electric Wizard, Huata a réellement fait le bon choix : celui
de ne surtout pas avoir l’air de ce que le groupe ne peut pas être (autrement
dit un ramassis de serials killers
amphétaminés et cannibales) et mettre un peu de rêve, même perturbé par
quelques visions incontrôlables, dans sa musique. On le sentait ça et là sur Atavist Of Mann grâce à quelques
passages teintés d’un psychédélisme magmatique et oppressant genre je plane en
plein milieu d’un orage magnétique, Huata fait plus que le confirmer avec Retaliator et Hercolobus : ces garçons, même s’ils ont toujours l’intention
de se déguiser sur scène en schtroumpfs satanistes, ont grandi, ont mûri et ont
découvert les plaisirs savoureusement occultes de la surdose psychédélique. Le
doom du groupe se fait donc de moins en moins doom et de plus en plus labyrinthique
et planant, tout en gardant cette sensation de menace imminente et désormais
Huata peut aussi bien tutoyer les cieux que les enfers.
Ce disque est un split et lorsqu’on le retourne
pour en écouter sa deuxième face on découvre BITCHO, un groupe de joyeux
hollandais déjà auteurs d’un premier double album en 2010 (Toybox). Un groupe qui verse encore plus dans le psyché que Huata,
ne craint pas non plus les compositions à rallonges (10050 Cielo Drive atteint les treize minutes) mais fait preuve d’un
lyrisme encore plus appuyé et limite wagnérien pour cette insistance presque
swanesque et tribale dans la lourdeur conquérante. Bitcho reste une
chouille en deçà de la réussite opiacée de Huata mais ici on est quand même
devenus subitement fanatiques de ce groupe de hippies-warriors métallisés et
que l’on ne connaissait pas jusqu’alors.
Tu auras sans aucun doute également compris, cher lecteur,
que sur ce split les deux groupes sont plus que complémentaires : ils se font
étrangement écho. Souvent ce genre de pratique hégémoniste et absolutiste visant
à imposer qu’un seul style de musique alors que l’on pourrait en profiter
pour faire découvrir quelque chose d’autre à l’auditeur naïf et inculte tombe à
plat. La diversité, c’est mieux. Or il s’avère que dans ce cas l’alliance de
Huata et de Bitcho n’est pas une faiblesse ou une maladresse mais constitue
bien la force de ce disque ; avoir la chance de pouvoir réunir deux
groupes de cet acabit ne se refuse pas, chacun ayant apporté des compositions
de haute volée et personnelles et, finalement, les nuances entre Huata et
Bitcho se font toujours plus évidentes et enrichissantes. Voilà un disque qui s’écoute
inlassablement, avec attention voire avec dévotion.
[ce split quasi incontournable est publié par Music Fear Satan. L’artwork est
splendidement kitsch (et l’œuvre d’un des membres de Huata), la pochette est
gatefold et le vinyle est noir ou, pour les inconditionnels de sensations
fortes, d’une jolie couleur vomi translucide et irisé, un peu comme de la
cervelle de licorne magique passée au presse-purée]