J’avais presque oublié l’existence de MARIA GORETTI QUARTET. Bien sûr
je me souvenais encore vaguement qu’il existait un trio de ce nom là du côté de
la face nord du monde civilisé (Lille – Belgique ? – et alentours) mais, comme on dit, loin
des yeux loin du cœur, et n’ayant jamais recroisé le chemin de ce groupe depuis
son précédent album sans titre, hop-la, Maria Goretti Quartet avait fini par se
transformer inexorablement en un joli fantôme, une idée vague en provenance
d’un possible mais nébuleux au-delà. Quand 14 :
02 est arrivé dans la boite-aux-lettres de 666rpm, je me suis soudainement
rappelé de ces jeunes gens. Mais absolument pas de leur musique… voilà une
chronique qui commence sous de très mauvais auspices, non ? Mais ne nous
emballons pas, ça ceci va très bien finir, comme dans les vrais romans d’amour.
Avec toute la conscience professionnelle qui me
caractérise, j’ai immédiatement écouté 14 :
02 et là les bras m’en sont tombés : mais qu’est ce que c’est bon ce
truc ! Quelle aisance ! Quelle énergie ! Par contre je n’arrivais toujours pas à faire
le lien exact entre ce que j’écoutais alors et les éventuels souvenirs que
j’aurais pu précédemment garder du groupe. Il m’a même fallu réécouter le
premier album histoire au moins de pouvoir faire un peu semblant de savoir de
quoi j’allais parler. Avoir l’air intelligent du type qui sait tout, celui qui
sort toujours les bonnes références au bon moment et qui a évidemment une
anecdote croustillante vaguement en rapport et à raconter sur un concert
mythique qui a eu lieu il y a au moins une vingtaine d’années devant un public
de trente personnes dont la moitié était déjà complètement bourrées dès le
début de la soirée.
Mais pas d’anecdotes, pas de souvenirs ni de
visites guidées de mausolées pour évoquer Maria Goretti et 14 : 02. Juste quelques constatations et quelques bonnes
surprises : le son du groupe s’est épaissi – je vous avais bien dit que
j’avais réécouté le disque d’avant – et a gagné à la fois en clarté et en
puissance (Thai Nana est même à la
limite du hard rock pour esthètes à mèches). Du coup le post-punk de Maria
Goretti Quartet passe de la catégorie collection de bourre-pifs vivifiants à
celle d’usine à tubes foldingues et parfois, voire très souvent, écervelés. La
musique de ces trois garçons ne se contente plus d’être frénétique, elle gagne
toujours plus en matière de frivolité obligatoire mais libérée, alliant
désormais ses rythmiques et plans à la The Ex/Dog Faced Hermans/Dawson avec une
diversité élégante qui ratisse toujours plus large : 14 : 02 donne également à entendre du post punk robotique
voire glacial, un peu de tropicalité de ci de là, du blues urbain à la Gun
Club, du punk hardcore à la Biafra/Dead Kennedys, de la mélopée arabisante mais
Maria Goretti Quartet ne se perd jamais en route, n’hésite jamais sur la marche
à suivre et fédère tout ce merdier en un joyeux bordel explosif sans avoir
jamais l’air de racoler qui que ce soit ni de jouer aux promesses électorales.
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Et vive le mariage pour
tous.
[14 : 02 est publié en vinyle et CD par Hovercraft, Love Mazout records, Rockerill records et Tandori records – maintenant
j’espère bien un de ces jours voir Maria Goretti Quartet en concert, ça
m’évitera d’avoir à faire de efforts de mémoire, trois ans après]