mardi 6 août 2013

Hey Colossus / Cuckoo Live Life Like Cuckoo




Si j’ai bien tout compté – ce qui n’est absolument pas certain – Cuckoo Live Life Like Cuckoo est le huitième album de HEY COLOSSUS*. Une longue liste à laquelle il faut ajouter le même nombre de mini albums, maxis, splits ou singles. En moins de dix ans ces anglais ont construit une œuvre plus qu’imposante et singulière. Singulière parce que Hey Colossus ne s’est jamais définitivement enfermé dans un genre précis, faisant évoluer son doom metal mâtiné de noise-rock (et inversement) au gré d’albums toujours plus teintés d’expérimentations et de bizarreries. Hey Colossus a toujours été un groupe des plus barrés – pour s’en convaincre, il faut absolument écouter les albums Project : Death (2006) et Happy Birthday (2007) qui représentent en quelque sorte le summum de la première période du groupe – mais a eu l’intelligence ou plutôt l’inconscience de toujours se remettre en question. Le changement s’est surtout opéré à partir à partir de l’album Eurogrumble Volume 1 (publié sous le nom de Hey Colossus And The Van Halen Time Capsule) puis s’est intensifié jusqu’à atteindre un niveau d’excellence – excellence dans le mal, bien sûr – avec l’insurpassable RRR, disque de tous les excès et de toutes les folies.
On imaginait assez mal Hey Colossus faire machine arrière et revenir à plus de concision mais, tout au contraire, on se demandait aussi comment le groupe pourrait aller encore plus loin après un tel disque. Pourtant, d’une certaine façon, les anglais parviennent encore et toujours à surprendre avec Cuckoo Live Life Like Cuckoo. Un disque totalement schizophrène puisque comprenant nombre de plages chargées d’un metal noise lourd et méchamment vicieux tout en prenant un plaisir certain à brouiller les pistes : ainsi Hot Grave est-il presque complètement parasité par des synthétiseurs au kitsch envahissant tandis que English Flesh  bénéficie lui d’un groove maléfiquement motorik. On a déjà dit que Hey Colossus avait peur de rien et Cuckoo Live Life Like Cuckoo le confirme une fois encore.
En guise de tête de gondole, le chant principal fait tout pour être irritant – c’est amusant mais sur les titres les plus rentre-dedans du disque il me fait plus que penser à celui de Marc Desmarets/Desmare/Du Marais (etc.) c’est-à-dire le chanteur des excellentissimes La Muerte – puis chant comme musique s’engagent sur des terrains plus mouvants et plus psychotiques (Oktave Dokkter au passage doté d’une grosse ligne de basse des cavernes) avant de partir complètement dans des délires sans fin (les quelques dix minutes de How To Tell Time With Jesus qui virent à l’hypnose kraut façon Can, un peu dans la lignée du précédent 12’ Witchfinder General Hospital b/w The Butcher). Comme son chanteur, Hey Colossus n’hésite pas à passer d’un registre à l’autre, avec une aisance confondante et un à-propos certain, ce qui permet au groupe de toujours conserver la même passion dévorante et la même folie contagieuse.
Mais le plus beau reste la deuxième face de Cuckoo Live Life Like Cuckoo : confondant de niaiserie apparente, Pit And Hope est un slow qui ferait presque penser au Planet Caravan de Black Sabbath mais profite de ses neuf minutes pour dégénérer en une longue déambulation d’ivrogne/junkie : le chant est complètement faux mais pas vraiment à côté de la plaque, Pit And Hope s’apparentant à une redescente d’acide, sorte de chill-out redoutable de crasse mais finalement presque rédempteur. Un grand final pour un grand disque.

[Cuckoo Live Life Like Cuckoo est publié en vinyle et en CD par Mie Music, Hey Colossus délaissant ainsi le label Riot Season qui avait pourtant accompagné le groupe sur ses trois albums précédents]

* la chronique de RRR affirmait déjà que ce disque était la huitième référence de Hey Colossus : je ne sais donc définitivement pas compter…