Tu la vois cette setlist ? Celle qui figure juste là, au dessus ? Regarde-la bien. Tu as vu tous les chefs-d’œuvre incontournables de Spacemen 3 que Sonic Boom et sa bande de mercenaires nous ont joués en concert jeudi soir au Sonic ? J’en suis purement et simplement sur le cul. Sans être un inconditionnel ni un fervent admirateur de Spacemen 3 et de ses rejetons toujours inconciliables (Spiritualized de Jason Pierce d’un côté et Spectrum de Peter Kember de l’autre), il fallait bien que j’aille vérifier par moi-même l’état de décomposition ou non de Peter Kember aka Sonic Boom. Et donc je ne le regrette pas. Mais n’allons pas trop vite.
Après quelques tergiversations de programmation suite à de fausses informations données par un tourneur peu scrupuleux – en gros : je te jure mec, Pierce et Kember se sont enfin rabibochés, le deal que je te propose c’est carrément un concert de Spacemen 3 et tu vas te faire des couilles en or mon pote ! – c’est bien à un concert de Spectrum auquel nous allons assister au Sonic. Spectrum c'est-à-dire Peter Kember accompagné d’un guitariste, d’un bassiste et d’un batteur. Un vrai groupe de rock quoi. Mais là où ce tourneur malhonnête – et qui depuis s’est fait virer – avait en fait raison c’est que malgré l’absence de Jason Pierce (certains n’hésitent pas à dire qu’il était l’âme du groupe, d’ailleurs Spacemen 3 n’avait il pas été nommé d’après son pseudo à lui, c’est à dire J. Spaceman ?) ce concert aura répondu quasiment en tous points à l’idée et au fantasme que je pouvais me faire d’un concert de Spacemen 3. OK il n’y avait pas de stroboscopes. Mais c’est tout.
Sans doute rendu nerveux par le fait d’assurer la première partie d’un musicien qu’il admire profondément, le jeune Tamagawa n’en mène pas large et c’est tout naturel. Il a beau après coup se déclarer mécontent de son concert, je trouve pour ma part qu’il s’en est très bien sorti. Deux petites critiques cependant : le volume sonore m’a semblé insuffisant, certes la musique de Tamagawa est fine et délicate et ne nécessite pas de faire péter la sono outre mesure mais entendre les habituels poivrots accoudés au bar faire des concours de biroutes en même temps que la musique jouait était des plus agaçants. Ensuite, puisque Tamagawa ne développe (volontairement ?) aucun jeu de scène particulier, puisqu’on sent même qu’il aimerait peut être se soustraire aux regards pourquoi ne joue t-il pas plus dans l’obscurité ? Je suis sûr que cela rendrait sa musique encore plus prenante tout en lui permettant de se détendre et de se concentrer davantage.
Sinon, fidèle à son habitude, Tamagawa nous a gratifié d’un seul et unique long morceau, pas vraiment drone mais doucement répétitif. Une intro en douceur au synthétiseur, la mise en place de boucles, puis l’arrivée de la guitare chargée de delay et un léger beat en fond, presque subliminal. L’impression souple et agréable de flottement et de psychédélisme sur coussins d’air. Quelques applaudissements accueillent la fin du concert de Tamagawa, le Sonic est déjà bien rempli, et je me dis que c’est pas mal venant d’un public qui s’est avant tout déplacé pour Spectrum.
Peter Kember a une bonne réputation de chieur et il est vraiment à la hauteur de cette réputation. Je vous passe les détails sur la bouffe française qui est dégueulasse alors qu’il n’a même pas daigné y goûter et sur ses réclamations incessantes pendant le concert sur le faible niveau des lumières lorsqu’il jouait, en réclamant toujours plus – on peut avoir plus de lumière sur scène ? c’est possible en France ? (sic). Bonne ambiance et petits rires sardoniques dans le public.
Kember est du genre perfectionniste ça on le sait et il passera son temps pendant tout le concert à surveiller ce que font ses trois acolytes, surtout le pauvre guitariste, n’hésitant pas à lui faire des remarques à l’oreille en plein milieu des morceaux, à toucher au réglage de son ampli et de sa pédale de fuzz. Cela se produira tellement souvent que s’en est même devenu comique, Kember apparaissant de plus en plus comme un personnage complètement flippé voire névrosé mais quelque part aussi attachant parce qu’ambivalent. S’il manifeste toujours son mécontentement dès que l’un de ses musiciens joue une connerie ou fait tout simplement quelque chose qui ne lui plait pas, il se confond pareillement en mille excuses dès que c’est lui qui se plante. Humain, donc. Et puisque on parle de considérations techniques, Kember a exigé du soundman du Sonic qu’il coupe toutes les fréquences inférieures à 100 Hz, autrement dit pas de basses : oui c’est notre son sur scène, ça l’a toujours été et c’est aussi le son de nos disques (re-sic). Après tout c’est lui le chef. Et il sait mieux que quiconque comment son groupe doit sonner. La suite va prouver qu’il avait parfaitement raison et que nous sommes tous des petits cons.
Bon revenons à cette setlist de Spectrum. Il n’a échappé à personne qu’elle est composée de standards et encore de standards de Spacemen 3. On note quelques reprises également – Kember, Pierce and C° en truffaient déjà leur répertoire à la bonne époque, considérant que c’était un passage obligé pour leur musique – parmi lesquelles Che (du premier album de Suicide et déjà repris par Spacemen 3 en face B de Revolution), l’énorme When Tomorrow Hits (de Mudhoney, également dans les setlists de Spacemen 3 et extrait de leur album Recurring) ou War Sucks qui a donné son nom au dernier EP en date de Spectrum et qui est une reprise de Red Crayola (sur leur premier album de 1967, The Parable Of Arable Land).
Parmi les surprises il y a Set Me Free qui n’est pas le titre de Spacemen 3 auquel on pouvait s’attendre le plus – c’est un autre extrait de Recurring, ce dernier album sur lequel Kember et Pierce n’avaient que trop peu joué ensemble, s’octroyant chacun une face du LP. Il y a également How You Satisfy Me ? de l’album Soul Kiss (Glide Divine) de Spectrum. Surtout, on attendait Peter Kember au tournant sur les reprises tant attendues mais néanmoins promises de Revolution ou de Suicide. Et on les a bien eu ces reprises d’anthologies.
Le début du concert a toutefois été quelque peu laborieux et légèrement mollasson. Le côté velvetien sous Tranxene de Kember, mid tempos et balades sixties avec maracas et jolies mélodies lysergiques. Un tour de chauffe pour Sonic Boom et ses boys, lesquels se gardent bien de toute attitude démonstrative sur scène, respectant les codes de conduites des Spacemen 3 – le guitariste joue assis sur une chaise et de profil par rapport au public, le bassiste reste droit comme un piquet et tous évitent soigneusement de sourire. Oui ce qui se passe sur scène est, comment dire, bien mais il n’y a rien de passionnant non plus.
C’est lorsque Kember enclenche sa Fender Jaguar en mode scie électrique, que Spectrum commence à noyer sa musique sous une marée de feedback et que la batterie passe en mode martelé que le concert décolle enfin. C’est tout ce que j’attendais, c’est tout ce que toutes les personnes présentes au Sonic attendaient et le concert, explosant littéralement sous les assauts du mythique Revolution ne redescendra pas en intensité. Le spectacle de quatre types stoïques jouant un réel mur du son est tout bonnement sidérant. Seul Kember se permet quelques fantaisies et le concert atteint son point culminant sur ce qui va être le dernier titre joué, une incroyable version de Suicide. Les musiciens quittent la scène alors que larsens et feedback continuent de tourner dans les enceintes, ils sont rappelés par le public en furie, ils reviennent, achèvent Suicide (si je puis dire) et le concert dans un maelstrom bruitiste à vous décoller les tympans pour le restant de vos jours puis ils quittent à nouveau et définitivement la scène, chacun à leur tour cette fois ci, dans un fade out d’instruments plus que bien vu – c’est d’abord Kember qui s’en va et se tait, ensuite le bassiste, puis le guitariste et enfin le batteur. Exultation générale et bonheur intégral. Ah, et puis pour le son, pour cette histoire de fréquences coupées en dessous de 100 Hz, c’était effectivement parfait.
Sans doute rendu nerveux par le fait d’assurer la première partie d’un musicien qu’il admire profondément, le jeune Tamagawa n’en mène pas large et c’est tout naturel. Il a beau après coup se déclarer mécontent de son concert, je trouve pour ma part qu’il s’en est très bien sorti. Deux petites critiques cependant : le volume sonore m’a semblé insuffisant, certes la musique de Tamagawa est fine et délicate et ne nécessite pas de faire péter la sono outre mesure mais entendre les habituels poivrots accoudés au bar faire des concours de biroutes en même temps que la musique jouait était des plus agaçants. Ensuite, puisque Tamagawa ne développe (volontairement ?) aucun jeu de scène particulier, puisqu’on sent même qu’il aimerait peut être se soustraire aux regards pourquoi ne joue t-il pas plus dans l’obscurité ? Je suis sûr que cela rendrait sa musique encore plus prenante tout en lui permettant de se détendre et de se concentrer davantage.
Sinon, fidèle à son habitude, Tamagawa nous a gratifié d’un seul et unique long morceau, pas vraiment drone mais doucement répétitif. Une intro en douceur au synthétiseur, la mise en place de boucles, puis l’arrivée de la guitare chargée de delay et un léger beat en fond, presque subliminal. L’impression souple et agréable de flottement et de psychédélisme sur coussins d’air. Quelques applaudissements accueillent la fin du concert de Tamagawa, le Sonic est déjà bien rempli, et je me dis que c’est pas mal venant d’un public qui s’est avant tout déplacé pour Spectrum.
Peter Kember a une bonne réputation de chieur et il est vraiment à la hauteur de cette réputation. Je vous passe les détails sur la bouffe française qui est dégueulasse alors qu’il n’a même pas daigné y goûter et sur ses réclamations incessantes pendant le concert sur le faible niveau des lumières lorsqu’il jouait, en réclamant toujours plus – on peut avoir plus de lumière sur scène ? c’est possible en France ? (sic). Bonne ambiance et petits rires sardoniques dans le public.
Kember est du genre perfectionniste ça on le sait et il passera son temps pendant tout le concert à surveiller ce que font ses trois acolytes, surtout le pauvre guitariste, n’hésitant pas à lui faire des remarques à l’oreille en plein milieu des morceaux, à toucher au réglage de son ampli et de sa pédale de fuzz. Cela se produira tellement souvent que s’en est même devenu comique, Kember apparaissant de plus en plus comme un personnage complètement flippé voire névrosé mais quelque part aussi attachant parce qu’ambivalent. S’il manifeste toujours son mécontentement dès que l’un de ses musiciens joue une connerie ou fait tout simplement quelque chose qui ne lui plait pas, il se confond pareillement en mille excuses dès que c’est lui qui se plante. Humain, donc. Et puisque on parle de considérations techniques, Kember a exigé du soundman du Sonic qu’il coupe toutes les fréquences inférieures à 100 Hz, autrement dit pas de basses : oui c’est notre son sur scène, ça l’a toujours été et c’est aussi le son de nos disques (re-sic). Après tout c’est lui le chef. Et il sait mieux que quiconque comment son groupe doit sonner. La suite va prouver qu’il avait parfaitement raison et que nous sommes tous des petits cons.
Bon revenons à cette setlist de Spectrum. Il n’a échappé à personne qu’elle est composée de standards et encore de standards de Spacemen 3. On note quelques reprises également – Kember, Pierce and C° en truffaient déjà leur répertoire à la bonne époque, considérant que c’était un passage obligé pour leur musique – parmi lesquelles Che (du premier album de Suicide et déjà repris par Spacemen 3 en face B de Revolution), l’énorme When Tomorrow Hits (de Mudhoney, également dans les setlists de Spacemen 3 et extrait de leur album Recurring) ou War Sucks qui a donné son nom au dernier EP en date de Spectrum et qui est une reprise de Red Crayola (sur leur premier album de 1967, The Parable Of Arable Land).
Parmi les surprises il y a Set Me Free qui n’est pas le titre de Spacemen 3 auquel on pouvait s’attendre le plus – c’est un autre extrait de Recurring, ce dernier album sur lequel Kember et Pierce n’avaient que trop peu joué ensemble, s’octroyant chacun une face du LP. Il y a également How You Satisfy Me ? de l’album Soul Kiss (Glide Divine) de Spectrum. Surtout, on attendait Peter Kember au tournant sur les reprises tant attendues mais néanmoins promises de Revolution ou de Suicide. Et on les a bien eu ces reprises d’anthologies.
Le début du concert a toutefois été quelque peu laborieux et légèrement mollasson. Le côté velvetien sous Tranxene de Kember, mid tempos et balades sixties avec maracas et jolies mélodies lysergiques. Un tour de chauffe pour Sonic Boom et ses boys, lesquels se gardent bien de toute attitude démonstrative sur scène, respectant les codes de conduites des Spacemen 3 – le guitariste joue assis sur une chaise et de profil par rapport au public, le bassiste reste droit comme un piquet et tous évitent soigneusement de sourire. Oui ce qui se passe sur scène est, comment dire, bien mais il n’y a rien de passionnant non plus.
C’est lorsque Kember enclenche sa Fender Jaguar en mode scie électrique, que Spectrum commence à noyer sa musique sous une marée de feedback et que la batterie passe en mode martelé que le concert décolle enfin. C’est tout ce que j’attendais, c’est tout ce que toutes les personnes présentes au Sonic attendaient et le concert, explosant littéralement sous les assauts du mythique Revolution ne redescendra pas en intensité. Le spectacle de quatre types stoïques jouant un réel mur du son est tout bonnement sidérant. Seul Kember se permet quelques fantaisies et le concert atteint son point culminant sur ce qui va être le dernier titre joué, une incroyable version de Suicide. Les musiciens quittent la scène alors que larsens et feedback continuent de tourner dans les enceintes, ils sont rappelés par le public en furie, ils reviennent, achèvent Suicide (si je puis dire) et le concert dans un maelstrom bruitiste à vous décoller les tympans pour le restant de vos jours puis ils quittent à nouveau et définitivement la scène, chacun à leur tour cette fois ci, dans un fade out d’instruments plus que bien vu – c’est d’abord Kember qui s’en va et se tait, ensuite le bassiste, puis le guitariste et enfin le batteur. Exultation générale et bonheur intégral. Ah, et puis pour le son, pour cette histoire de fréquences coupées en dessous de 100 Hz, c’était effectivement parfait.