Difficile de faire abstraction d’une telle pochette – dont on dira par pure politesse qu’elle n’est que laide – mais par contre il est impossible de ne pas s’émerveiller en écoutant le deuxième album de Zëro, Diesel Dead Machine. Dès que le diamant se pose sur le sillon et dès que retentissent les premières notes de Bobby Fischer et son synthétiseur surmonté d’un égrainage de guitare trainouillante, la machine Zëro opère à plein régime, discrète, tout en finesse, avec élégance, précision, pertinence et conviction tout en gardant cette aura de mystère/magie qui font les grands disques qui ne nous quittent plus. A quoi cela peut il bien tenir ? Justement on ne le sait pas et c’est tant mieux comme ça. On ne veut pas savoir. Jamais. On s’en fout donc complètement de cette illustration – la prochaine fois les gars demandez quand même à mes filles, les gribouillis c’est de leur âge – alors qu’on la regarde en large et en (de ?) travers sur une pochette de trente centimètres, vinyle oblige, on s'en fout puisque l’important c’est que ce disque existe, pour de vrai, sur support, que son son vous enveloppe, chaud, dégraissé, épuré, ciselé. Une sorte de petit miracle.
La première face de Diesel Dead Machine est ainsi un pur bonheur. Celui d’entendre un groupe en pleine possession de ses moyens mais n’en faisant jamais trop. Une face remplie de cinq chansons – Eric Aldea chante de façon toujours plus décomplexée même si on ne comprend toujours pas ce que ses textes veulent dire (et d’ailleurs veulent ils vraiment dire quelque chose ?) – avec en ouverture l’incroyable Bobby Fischer*, on l’a déjà dit, immédiatement suivi de quatre pépites aux premiers rangs desquelles le fulgurant Pigeon Jelly* et sa montée en puissance ainsi que le très pelvien Load Out (Zëro nous avait déjà fait plus ou moins le coup sur l’album précédent avec Drag Queen Blues) et le mystérieux Dreamland Circus Side Show*, rappelant quelques réminiscence de Bästard, dans le sens truffé de petits détails mélodiques surgissant ça et là, et finissant sa course dans un terrain vague désertique, réservoir à sec et freins hors service. Enough Never Enough conclue cette première moitié de disque : c’est le titre le plus sombre ou tout du moins le plus tordu de Diesel Dead Machine, ayant lui aussi quelque chose de l’ancien groupe de ces jeunes gens, le même genre d’atmosphère tendue, rêche et abrupte, un côté hypnotique qui ne vous lâche pas, c’est le point d’orgue de ce disque.
La deuxième face est moins miraculeuse que la première mais elle n’en est pas moins excellente. Cette seconde moitié est surtout plus largement instrumentale. Seuls deux titres ont des parties chantées : un très bon The Cage* et Sick To The Bone, hoquetant et soubresautant, sorte de vieux rockabilly synthétique et ralenti. Le reste est partagé entre un presque vindicatif The Opening, un Viandox juteux et un poil trop appliqué et surtout Cheeeeese, rouleau compresseur tortoisien ou plus exactement à la Sea And Cake en mode mega acidulé et ultra bright, synthétiseurs et avant et banane flambée, la face éclairée de Zëro en complète opposition avec le côté sombre de Enough Never Enough. Un grand écart qui en dit long sur le chemin parcouru par la bande à Eric Aldéa (pour mémoire : Ivan Chiossone, François Cuilleron et Franck Laurino) et que nous laisse espérer d’autres grandes choses encore. On n’est vraiment pas prêt d’en finir avec ces gars là.
[* il n’aura échappé à personne que ces quatre titres figuraient déjà sur le précédent 25 centimètres Bobby Fischer, ce n’est pas une raison pour bouder ce Diesel Dead Machine encore meilleur, et pour cause, qui paraîtra officiellement fin janvier 2010 mais d’ores et déjà disponible sur le site du label Ici D'Ailleurs]