lundi 26 octobre 2009

Last Action Zëro *























Des concerts comme ça j’en veux bien toutes les semaines. Je veux dire des concerts avec une programmation variée et intelligente qui ne donne pas l’impression qu’on se fout de votre gueule - pas en plaçant un groupe saturé et psychotique à la fin d’une soirée consacrée à du hip-hop poppy de blanc-becs neurasthéniques en converses.
Comme d’habitude j’arrive à l’heure indiquée sur le flyer, ça fait plus de vingt ans que je n’ai pas encore compris qu’un concert ne commence jamais à l’heure et je me retrouve tout seul comme un con devant la porte fermée du Clacson, ce qui me laisse allègrement le temps de refroidir et de fumer un demi paquet de cigarettes. C’est que pour arriver en vélo* jusqu’à Oullins la route est un peu longue et en pente et est surtout semée d’embûches (comme les éboulis le long du quai de Saône - certains prétendent même qu’il n’y a pas que les infiltrations d’eau qui sont responsables de ces glissements de terrain mais que les infrabasses des éditions passées des Nuits Sonores à la Sucrière y sont aussi pour quelque chose).
A l’entrée de la salle on me demande si je veux bien prendre la carte de membre : son prix est équivalent à celui du concert de ce soir et donne droit à une place gratuite pour le jour même et à des réductions pour les concerts à venir - pourquoi pas ? je ne fous pas souvent les pieds au Clacson (une fois par an ?) mais quand même. Me voilà donc encarté, camarade.

















Ils ne sont plus très jeunes mais ils sont toujours aussi beaux, surtout le guitariste. Les Rubiks démarrent donc la soirée, je me demande bien pourquoi je m’étais mis dans la tête que mon trio topaloffien préféré jouerait en milieu de programme. Mais il y a une certaine logique dans tout ça : on commence par la déconnade et après seulement on pourra écouter de la musique sérieuse, pensée et réfléchie.
Sed Radix (basse et chant), Nico Poisson (guitare-hero et chant) et André Duracell (batterie et grimaces de Droopy) aiment bien qu’on les prenne pour des imbéciles mais - à défaut de bosser comme des brutes ou comme des hard rockers - il faut être sacrément intelligent pour avoir l’air idiot à ce point là. Le trio joue quelques extraits de son seul et unique album Universal Satisfaction publié cette année par Rejuvenation et compagnie mais également quelques inédits tel ce Iron Pavement dont ils nous disent qu’il aurait aussi bien pu s’appeler Pavement Iron mais que cela n’aurait rien voulu dire du tout… Iron Pavement comme son nom l’indique c’est une première partie en forme de pop mollassonne à la façon de l’ex futur ex bande de Stephen Malkmus puis une accélération avec breaks qui en foutent de partout : Duracell se prend pour Clive Burr tandis que les deux autres te massacrent à la punk une jolie collection de riffs maideniens.
Autre temps fort, c’est lorsque The Rubiks se lancent dans Manhattan, long titre qui occupe toute la première face de leur LP. On ferme les yeux sur le bassiste qui arrive les doigts dans le nez à péter une corde (faut le faire quand même, non ? quel loser) pour se concentrer sur les quelques moments de bravoure d’une composition fleuve et dont je ne me lasse pas : la guitare en tapping sur fond de rythmique disco fuck, les breaks sabbathiens et les postures héroïques qui voient guitariste et bassiste se prendre pour Buck Dharma et Eric Bloom. Ils s’aiment, ils se sourient, ils s’embrassent.
Moi aussi je souris, bêtement, comme un vieux schnarkbull amoureux de post modernisme et de musique festive - je suis définitivement fan du pot-pourri punk pop disco metal des Rubiks, j’ai comme un retour d’acide alterno.






















Ils sont trois également et ils jouent une musique magnifique qui n’a pas d’âge. Il faut être particulièrement ronchon et/ou ne pas aimer le Gun Club et autres psychoteries des marais pour rester insensible à la musique de The Good Damn. Par rapport aux concerts précédents, on remarque que le guitariste de gauche n’a plus de micro mais que par contre il possède désormais une jolie petite collection de guitares, ne se contentant plus de sa seule Hofner rouge. Le batteur a également perdu son Farfisa.
La musique de The Good Damn s’est donc resserrée, est devenue un tantinet plus nerveuse. Le groupe joue plein de titres que je n’ai encore jamais entendus en concert (ou alors je ne m’en souviens pas…) et si on peut regretter la perte du côté romantique et ténébreux, le groupe y gagne en densité, en maîtrise instrumentale, variant donc ses sons de guitares, alternant rythmes et ambiances - dont un magnifique blues épaissi au goudron et au booze comme là bas dit. Quelques rares soli mais surtout des harmoniques à vous couper le souffle. Le batteur a toujours ce sourire incroyable de plaisir lorsqu’il joue et les deux guitaristes semblent eux de plus en plus à l’aise sur scène, à jouer une musique somme toute sophistiquée et exigeante bien que s’appréciant directement à l’instinct.
Sur les deux derniers titres The Good Damn renoue avec un certain lyrisme sans rien perdre de son énergie et offre à un public médusé un final en forme de crescendo noisy et de monté chaotique. Ce groupe a déjà une grande classe mais je suis sur qu’ils peuvent faire mieux encore. Et au fait : il en est où cet album dont j’avais entendu parler ? Il serait définitivement prévu pour cette fin d’année et en complète autoproduction - donc je l’attends de pied ferme les gars. 



















Il a l’air toujours aussi jeune : Eric Aldea et Zëro sont de retour sur Lyon après quelques dates en compagnie de Marvin (groupe de bal populaire talentueux originaire de Montpellier) en Suisse et ailleurs. Ce soir ils ont l’intention de jouer les titres de leur nouvel album Diesel Dead Machine à paraître en début d’année prochaine - le 25 janvier 2010 nous dit le flyer officiel édité par Ici d’Ailleurs, les lyonnais semblent s’être réconciliés avec le label nancéen qui annonce même une parution en vinyle. On reparlera en temps et en heure, et forcément en bien, de ce Diesel Dead Machine qui va encore en énerver quelques uns. Mais il faudrait peut être arriver à comprendre que Deity Guns et Bästard c’est de l’histoire ancienne. Je les entends déjà les petits malins qui vont affirmer qu’avec un passé pareil c’est difficile de faire abstraction et de considérer qu’il faut repartir à zéro (haha). D’accord, on ne peut pas nier qu’il y a un certain lien de parenté - ce n’est pas pour rien si Zëro rejoue encore et toujours Rock’n’Roll Star en concert - mais voilà, avant/après qu’importe puisque c’est juste différent. Les mêmes (ou presque) mais autrement.
Franck Laurino et Eric Aldea en ont sûrement marre qu’on leur parle toujours de leurs anciens groupes au lieu d’évoquer leur présent et Zëro mais il n’empêche : c’est dans cette même salle du Clacson (sauf qu’à l’époque cela s’appelait Musiques A L’Ouest, une appellation tout aussi pourrie) qu’il y a une vingtaine d’année j’ai du voir les Deity Guns en concert pour la première fois - et si mes souvenirs sont bons ils jouaient en première partie de Treponem Pal, un concert à vous faire arrêter d’écouter du metal pour au moins quinze jours. Je verse une larme d’ancien combattant et je noie mon émotion en descendant en moins de deux la bière que l’on vient gentiment de m’offrir.



















Après l’instrumental introductif d’usage (le bien nommé The Opening), Zëro attaque très fort avec Dreamland Circus Side Show, un extrait du EP Bobby Fischer et qui figurera également sur l’album à venir. Un petit détour par Cars, Buses, etc…, l’un de mes titres préférés du premier album, et Zëro effectivement étale ses nouveaux titres avec au milieu Pigeon Jelly, un titre que le groupe joue depuis longtemps maintenant et qui ne cesse d’évoluer - c’est sans doute pour cette raison que je commence à réellement apprécier une composition avec laquelle j’ai toujours eu un peu de mal. Ce soir, je suis définitivement conquis par ce titre court et incisif dont Zëro donne une interprétation nerveuse et très convaincante.
Par contre je regrette que le son se dégrade quelque peu au moment de Cheeeeese, un titre instrumental du prochain album et dominé par les synthétiseurs, une composition drôle et délicieusement kitsch, sous forte influence Sea And Cake, un de mes nouveaux titres préférés. Dommage car cette fantaisie délicate et richement élaborée aurait méritée un meilleur traitement en concert. La première partie du set se termine avec le désormais incontournable The Cage.
























Pseudo interruption et pseudo rappel, en jetant un coup d’œil sur la playlist on peut s’apercevoir que le groupe a encore prévu de jouer quatre titres. Le premier n’est autre que le Rock’n’Roll Star déjà mentionné, un survivant de l’époque Bästard dont Zëro ne donne pas ce soir la meilleure version qu’il m’ait été donnée d’entendre jusqu’ici. Suit directement un Drag Queen Blues désaxé et pelvien en diable, titre sur lequel Elvis Aldea s’en donne à cœur joie : les soutient gorges volent et les filles s’évanouissent. Logiquement, Zëro enchaîne avec Jocko Homo, l’hymne mongoloïde à la gloire de la devolution composé par les frères Mothersbaugh et hymne non officiel des jeux para olympiques.
Voilà, c’est presque terminé, il n’y aura pas de Bobby Fischer ou de Go Stereo au programme. A la place Eric Aldea annonce un titre que nous ne sommes pas censé reprendre avant d’ajouter vous nous direz ce que vous en pensez. Et Zëro de se lancer dans un truc grandiloquent, presque progressif et avec de fortes tentations symphoniques sur fond de rythmique tribale et avec solo de guitare d’Ivan Chiossone (qui joue très bien, là n’est pas le problème) à hurler. La reprise en question c’est la bande originale de Conan Le Barbare (le type qui a composé ça, Basil
Poledouris, a également bossé pour Paul Verhoeven et John Waters, c’est dire s’il ratissait large) et plus particulièrement le titre introductif, Anvil Of Crom… Les gars, je vous aime bien, mais je ne pense pas que terminer votre concert sur une horreur pareille était une très bonne idée. Conan Le Barbare et Schwarzenegger c’est peut être de votre âge (et du mien) mais ce n’est pas une raison… Bon, allez : mise à part cette incartade, on peut dire que Zëro n’est toujours pas près de nous décevoir.

* un titre que n’aurait pas renié The Rubiks
** mais nous repartirons en voiture, moi et mon vélo, pris de pitié par l’heureux proprio d’un kangoo rouge alors que j’étais prêt à repartir dans l’autre sens pour recracher toutes les cigarettes fumées et les quelques bières de la soirée, merci !