vendredi 9 octobre 2009

Maninkari / Un Souffle De Voix





















Un Souffle De Voix est déjà le troisième album publié par Maninkari depuis 2007, après Le Diable Avec Ses Chevaux (un double CD sur Conspiracy) et Art Des Poussières (toujours chez Conspiracy et uniquement en vinyle). Neuropa records est la maison de disques des parisiens pour ce nouvel enregistrement, aux côtés d’autres signatures qui - au choix - donnent envie de rire ou de fuir : Death In June, Brighter Death Now ou Nordvargr. Mais Maninkari ne s’adonne pas pour autant au dark folk douteusement nazillon ou à l’indus d’opérette pour garçons coiffeurs gothiques. Au contraire, l’univers du groupe, les sonorités mises en avant, les instruments utilisés, les compositions progressives, les tonalités inhabituelles - ce que certains appelleraient sans aucun complexe de la world music sauf qu’ici tout est parfaitement digéré et restitué sous une nouvelle forme, originale et décalée qui n’a rien à voir avec le décorum exotique pacotillé à la mode occidentale - tout donc est immédiatement reconnaissable, à la virgule près. Une syntaxe bien établie, un vocabulaire bien défini, des portes aventureusement ouvertes et d’autres sciemment fermées parce que débouchant sur des pistes déjà explorées avec des groupes précédents ou tout simplement jugées trop banales. Manikari nous ressort les mêmes recettes que sur ses deux premiers albums et pratiquement dans les mêmes plats. Encore me direz vous.
Et oui encore, Maninkari ne cherche pas vraiment à s’extraire de son petit monde, celui que le groupe a construit pierre après pierre, note après note, improvisation après improvisation, à l’abri des regards scrutateurs et des oreilles indiscrètes. Je crois pour ma part que ce n’est pas que Maninkari ne souhaite pas faire autre chose, c’est tout simplement que ce duo pourtant imaginatif composé de deux frères laborantins ne pourrait pas le faire, à la fois prisonnier et libéré par ce que l’on appelle une création extrêmement personnelle. Bientôt, si ce n’est pas déjà fait, on ne saura ni ne pourra plus différencier Maninkari de sa musique, ne plus savoir qui a donné naissance à l’autre tant cette dernière, céleste et magique s’impose d’elle-même comme un secret colossal et mystérieux - la vieille histoire de la poule et de l’œuf : l’impérieuse nécessité est là mais d’où vient elle ? d’une musique que l’on sent profondément encrée en soi ? d’une formation réduite (le duo) utilisant des instruments disparates et inconnus ? Qu’importe, en voici le résultat, une forme parfaite et un vecteur mystérieux, presque une construction lynchienne.
Ceci dit, Un Souffle De Voix laisse plus de place encore aux atmosphères étrangement en suspens, s’installe dans un doux flottement stellaire et délaisse presque totalement le côté noise tribal pour batterie et violon - il y a bien des parties avec ces deux instruments mais toute forme trop lisible en a été comme délibérément froissée, déviée, presque éliminée - et des neuf titres de ce disque entre mantras free et mystique vaporeuse se dégage à nouveau toute la magie à la fois solaire et ombrée d’une musique inclassable et profondément belle.