Ah ce disque est une excellente surprise. Du free jazz bouillonnant mais avec une légère pointe de modernité : de quoi satisfaire l’amateur intransigeant et conservateur de freeture tout en lui évitant l’ennui récurrent occasionné par une musique désormais fossilisée par pas moins de cinquante années d’existence et de quoi lui éviter également les quelques commentaires acerbes qui vont avec - par exemple : ce genre d’improvisation collective à quatre voix se pratiquait déjà dans la scène loft new-yorkaise dans les années 70 ou les européens n’ont rien inventé en matière de free, devant tout à Saint Albert Ayler.
Déjà, la liste des participants à ce Hairy Bones est un bon indice : le patriarche Peter Brötzmann aux saxophones (alto et ténor) et à la clarinette basse, Toshinori Kondo à la trompette amplifiée et aux effets électroniques, Massimo Pupillo à la grosse basse électrique et Paal Nilssen-Love à la batterie. En résumé nous avons les deux solistes du Die Like A Dog quartet de Brötzmann - l’une des meilleures formations jamais conduite par notre géant allemand préféré du free - et la section rythmique de Offonoff. Nous avons surtout deux instrumentistes acoustiques et deux instrumentistes électriques. Hairy Bones se pose donc d’emblée sur les territoires d’un jazz électrique, cette grande pute qui a engendré tant de méfaits impardonnables (Miles Davis s’y est cassé les dents alors qu’il avait si bien tout commencé avec In A Silent Way, Ornette Coleman mériterait l’euthanasie pour ses disques avec Prime Time) et d’hymnes de variétoche funky. L’électricité dans le jazz est un sujet fort épineux pour ne pas dire désagréable, Harold Alexander et son Sunshine Man (pour le côté le plus soul) et Luther Thomas et ses Funky Donkey volume 1 et 2 (pour le versant le plus free bien que très groove là aussi) sont les deux balises au delà desquelles il vaut mieux ne pas trop s’étendre. John Coltrane lui-même aurait il fait quelque chose de la fée électrique ? Pas sûr. Parmi Les meilleurs disques en la matière on compte un album sans titre du Rashied Ali quintet paru en 1973 avec James Blood Ulmer à la guitare et surtout le Black Woman de Sonny Sharrock - de toutes façons ce génie de la guitare moderne transformait en or tout ce qu’il touchait, voir les albums de Last Exit (avec Brötzmann faut il le rappeler ?), dans une moindre mesure l’album Tauhid de Pharaoh Sanders et même certains Miles Davis.
Déjà, la liste des participants à ce Hairy Bones est un bon indice : le patriarche Peter Brötzmann aux saxophones (alto et ténor) et à la clarinette basse, Toshinori Kondo à la trompette amplifiée et aux effets électroniques, Massimo Pupillo à la grosse basse électrique et Paal Nilssen-Love à la batterie. En résumé nous avons les deux solistes du Die Like A Dog quartet de Brötzmann - l’une des meilleures formations jamais conduite par notre géant allemand préféré du free - et la section rythmique de Offonoff. Nous avons surtout deux instrumentistes acoustiques et deux instrumentistes électriques. Hairy Bones se pose donc d’emblée sur les territoires d’un jazz électrique, cette grande pute qui a engendré tant de méfaits impardonnables (Miles Davis s’y est cassé les dents alors qu’il avait si bien tout commencé avec In A Silent Way, Ornette Coleman mériterait l’euthanasie pour ses disques avec Prime Time) et d’hymnes de variétoche funky. L’électricité dans le jazz est un sujet fort épineux pour ne pas dire désagréable, Harold Alexander et son Sunshine Man (pour le côté le plus soul) et Luther Thomas et ses Funky Donkey volume 1 et 2 (pour le versant le plus free bien que très groove là aussi) sont les deux balises au delà desquelles il vaut mieux ne pas trop s’étendre. John Coltrane lui-même aurait il fait quelque chose de la fée électrique ? Pas sûr. Parmi Les meilleurs disques en la matière on compte un album sans titre du Rashied Ali quintet paru en 1973 avec James Blood Ulmer à la guitare et surtout le Black Woman de Sonny Sharrock - de toutes façons ce génie de la guitare moderne transformait en or tout ce qu’il touchait, voir les albums de Last Exit (avec Brötzmann faut il le rappeler ?), dans une moindre mesure l’album Tauhid de Pharaoh Sanders et même certains Miles Davis.
Sur Hairy Bones, l’électricité n’est pas utilisée comme un simple renfort pour la rythmique - pour trouver ici une once de groove élastique c’est peine perdue - ni comme matière démonstrative à solo. Massimo Pupillo s’essaie à un jeu plus en retrait que celui qu’il pratique avec Zu mais constituant toujours une solide assise (associé à Paal Nilssen-Love ils forment l’une des meilleures sections rythmiques du genre improvisé). C’est du côté de Toshinori Kondo que l’on trouve l’influence la plus directe de l’électricité tant le jeu de trompettiste en est radicalement modifié, faisant passer sa pratique de l’instrument à un tout autre stade, interstellaire, bien loin de l’effet pittoresque de l’expérimentation pour pas cher. Mieux : le jeu sinueux et coulant de Kondo s’accorde parfaitement avec celui - tout en flux également - de Brötzmann et finit même par influencer celui-ci, qui sur la deuxième moitié du disque altère le son de son instrument (mais tout au long du disque j’ai trouvé qu’il était plus étouffé que d’habitude), lui cherche des similitudes avec celui de la trompette électrique du japonais. On sait depuis les expériences en solo de Peter Brötzmann (comme le très bel album Right As Rain dédié à son vieil ami Werner Lüdi) que le saxophoniste allemand a un phrasé inimitable également lorsqu’il souffle dans le registre du ténu et presque de la pudeur - loin de sa réputation non usurpée d’artificier du free. Il nous livre là une performance passionnée et toute en contrastes, réellement l’une de ses meilleures depuis bien longtemps, et évite de se faire voler le rôle de la vedette par Toshinori Kondo que d’extrême justesse.
Hairy Bones a tout donc tous les éléments pour glisser d’un free jazz hargneux vers quelque chose de plus pâteux et de plus transformiste, le quartet en oublie parfois les idiomes classiques du (free) jazz sans tomber dans les pièges du contemporain et installe une atmosphère captivante et épidermique. Enregistré en concert en 2008 à Amsterdam et publié par Okka Disc, Hairy Bones capte un instantané fulgurant de grâce et d’invention permanente. Peter Brötzmann et ses trois camarades donneront quelques concerts en Europe au mois d’octobre dont le 25 au festival Densités de Fresnes-en-Woëvre (dans la Meuse, pas très très loin de Nancy) et le 26 octobre à la Cave 12 de Genève*.
[*c’est un lundi, et merde…]