mardi 6 octobre 2009

Keelhaul's Triumphant Return To Obscurity























Je vais presque regretter tout le mal que j’ai pu dire de You Waited Five Years For This ?, précédent single fini à l’urine et annonciateur du nouvel album de Keelhaul. Oui, j’éprouve quelques regrets en plus d’une pitié bien compréhensible - non, pas de la pitié, c’est le sentiment des fiables, disons un léger dédain - pour ces deux titres aussi mous qu’un genou de cul de jatte. Mais Keelhaul’s Triumphant Return To Obscurity, l’album tant attendu, est dans les bacs et sur toutes les bonnes plateformes de téléchargement illégal depuis de nombreuses semaines déjà (bientôt également en version double LP pour les geeks, merci Hydra Head).
Donnons d’abord raison aux esprits chagrins et aux pisseux compulsifs : Keelhaul a vieilli. Keelhaul est moins foutraque, moins incandescent. La tornade s’est muée en orage. Mais quand même parfois très violent, l’orage. Le tonnerre c’est celui du premier titre, Pass The Lampshade, sur lequel ce gros bras de Will Scharf fait des siennes à la batterie avec toute l’aisance qu’on lui connaît déjà. Le tonnerre c’est également celui de Bandolero De Perros De Maiz, plus matheux dans l’âme et tout aussi instrumental. Si la décontraction du début de Glorious Car Activities surprend (en plus d’un chant beuglard pas très en place), la suite dévoile le visage non botoxé de Keelhaul : toujours les plans enchevêtrés, toujours les accélérations venues de très loin derrière et toujours ces riffs accrocheurs bien que refusant toute facilité mélodique - le coup du harpon avec des dents en sens inverse histoire de déchirer impitoyablement les chairs comme il faut au moment de l’enlever. High Seas Viking Eulogy fait un peu plus hésiter, trop long et à nouveau affublé d’un chant maladroit tout comme Kirby Wurm, la grosse erreur ronflante, ventrue et progressive de l'album à égalité avec l’horripilant et indicible Waiting For The Moon To Speak - ennui et bâillements.
Thc For One
est gentiment faiblard : ce n’est pas la voix féminine au moment du simili refrain qui relève le niveau - Thc = tétra hydro cannabinol ? faut arrêter tout de suite la moquette les gars. The Subbtle Sound Of An Empty Milkshake est à ranger dans la catégorie des titres trop facilement identifiables avec ce plan d’intro d’une banalité très post hard core (et c’est encore un titre chanté, la pire ligne de chant de tout l’album…) puis, comme la fin d’un titre de Keelhaul ne ressemble jamais à son début pas plus qu’elle ne ressemble à son milieu, The Subbtle Sound Of An Empty Milkshake évolue vers plus de complexité et de rage, enfin, avant de laisser la place à un excellent El Matodor.
Il reste deux titres à cet album. Un album irritant et qui l’est d’autant plus que le Keelhaul que l’on aime est là, tout près, qu’il n’en faudrait pas beaucoup plus pour qu’il pointe le bout de son nez. On disait qu’une composition de ce quartet autrefois systématiquement génial de violence et de fougue ne se ressemblait pas entre son début et sa fin : c’est ce qui explique que l’on finit toujours par tendre l’oreille, vrillé par un plan, un enchaînement, une chausse-trape ou un tremplin (c’est pourtant dur de trouver quelque chose à sauver sur Brady’s Lament tout comme sur Kfb qui n’est même pas une composition). Mais sur la longueur Keelhaul’s Triumphant Return To Obscurity déçoit forcément, à trop jouer les atermoiements, à valser avec les hésitations, à sodomiser le diptère capricieux. Les quatre gars de Cleveland ne sont plus ce qu’ils ont été. Quand je vous disais que je n’éprouvais aucune pitié. Ah si, quand même : les Keelhaul s’apprêtent à tourner en Europe cet automne, ne les ratez quand ils passeront près de chez vous, un album en demi teinte n’a jamais empêché de faire de bons concerts.