samedi 31 octobre 2009

High Voltage
























Les temps sont durs, c’est la crise économique, bientôt la guerre civile et on va tous crever de faim ou dans d’atroces souffrances. Depuis la rentrée de septembre les gens du Sonic font imprimer des tracts communs pour plusieurs concerts. Comme celui-ci, là, juste au dessus, une sorte de mini programme pour la semaine écoulée. C’est sans doute pour faire des économies. Du moment qu’ils ne mettent pas de la flotte pour couper la bière et que la vodka reste fraîche.
Dans cette liste de trois concerts, je n’ai assisté qu’au dernier, obnubilé par la venue d’Electric Electric et après écoutes répétées et intensives de Sad Cities Handclappers - pour l’instant unique album de ce trio de Strasbourg mais quel album ! Pour les curieux et même pour les autres un camarade d’internet a lui assisté aux deux premières soirées, il raconte ici toute sa déception et son amertume à propos du concert de Swell (ou de Be My Weapon, je ne sais vraiment plus comment il faut désormais appeler ce groupe) et il me ferait presque regretter de ne pas m’être déplacé pour celui de Crocodiles - ça se lit .
Mais maintenant nous sommes le jeudi 29 octobre. J’ai rendez-vous avec un ami qui ne viendra pas, pourtant je croyais bien l’avoir convaincu que la noise disco d’Electric Electric pouvait lui permettre de perdre quelques kilos superflus et j’étais trop désireux d’avoir un solide compagnon de houblonerie pour toute la soirée (le gars en question a une solide réputation, non usurpée). 























Comme d’habitude j’arrive à l’heure indiquée c'est-à-dire en avance et comme d’habitude j’écarquille les yeux parce qu’il n’y a qu’une vingtaine de personnes dans la salle lorsque le premier groupe commence à jouer. J’espère que tout le monde ne va pas avoir le même comportement que mon lâcheur de la soirée et que le Sonic va un peu se remplir.
En fait de premier groupe, il s’agît d’un one man band. Hyacinth Days c’est le nom que s’est choisi un garçon que je croise assez souvent à des concerts, de préférence des concerts avec des guitares qui font mal ou qui assassinent. Il joue de la basse assis, c’est peut être un détail pour vous, devant lui se trouve une petite table sur laquelle est posé un laptop dont il se sert pour envoyer des boucles rythmiques hyper basiques. Il dispose également d’un micro dont il ne se servira que trop peu à mon goût. Son installation est d’un cheap et d’un lo-fi qui font plaisir. Il démarre ses rythmes et les arrête tout aussi brutalement avec une souris, à la punk.
Musicalement, notre garçon joue très technique, expert du point de croix à l’envers, à l’endroit voire même les deux en même temps. Il a surtout un sens mélodique évident et un magnifique son de basse. L’impression de regarder ton meilleur pote en train de jouer pour toi tout seul dans ta chambre s’estompe très rapidement ou alors ton meilleur ami s’appelle Peter Hook et joue comme Pat Morris en pensant à Martin Rev. Vraiment une bonne surprise, avec donc cette réserve qu’un peu plus de chant aurait été le bienvenu pour varier les plaisirs. Et puis l’avant dernier titre joué était tout simplement énorme.























Hyacinth Days ne figurait pas sur le flyer du concert. Par contre Keiko Tsuda oui. On ne présente plus ce duo de rock noise et mathématique mâtiné de schmurtz synthétiques. Les deux premiers enregistrements du groupe sont toujours disponibles sur le site - un et deux - et depuis peu Keiko Tsuda propose également sur son monospace un enregistrement en concert effectué au Clacson. Enjoy.
J’ai toujours été convaincu par les prestations dynamiques et rafraîchissantes du groupe : batteur octopussien, utilisation intelligente des boucles, guitariste plein d’idées, bonne complémentarité entre les deux musiciens (ces deux là quand ils étaient gosses devaient être trop forts dans les cours de récréation à je te tiens par la barbichette) et compositions gorgées d’accroches saisissantes.
Ce soir Keiko Tsuda semble avoir enclenché la vitesse supérieure question énergie et rentre-dedans. Pas de temps morts, des enchaînements haletants, des parties catchy, des breaks impossibles, des cavalcades rythmiques à vous luxer les cervicales. Le batteur qui n’était pourtant pas un feignant en rajoute question force de frappe et exubérance d’enclume. Le guitariste semble également moins se reposer sur ses machines à boucles, gratouille sa guitare plus volontiers et je note un certain durcissement général du son. La musique de Keiko Tsuda que l’on pouvait trouver trop policée et trop pensée - en tout cas sur les enregistrements - a gagné quelques galons supplémentaires dans la catégorie topset et remonté d’organes. Fin du concert et entre temps le Sonic s’est rempli : c’est presque une centaine de personnes qui applaudissent à la fin de la prestation du duo.























Les trois Electric Electric ont installé un bordel pas croyable sur la scène. Trois synthétiseurs, une guitare, une basse, les amplis qui vont avec, des percussions additionnelles et - trônant au beau milieu - la batterie. Encore un groupe qui se prend pour Shellac avec un batteur qui se prend pour Todd Trainer ? Chez ce trio de strasbourgeois la rythmique est effectivement reine, pute juste ce qu’il faut, avec un groove irrésistible (difficile de ne pas danser ou, si on ne sait pas danser comme moi, de ne pas se trémousser stupidement et frénétiquement). Donc un groove allié à une puissance pas loin de faire mal aux oreilles.
Et ce batteur est non seulement doté d’une frappe monstrueuse mais il est également d’une endurance surprenante. Il ne tardera pas à ruisseler de sueur mais gardera toujours ce sourire mi amusé mi surpris de la personne qui a trouvé la bonne formule pour faire danser filles et garçons. Sourire qu’il partage avec son camarade guitariste. Le tout sera à l’avenir de ne pas abuser de cette formule. En attendant les groupes écossais nostalgiques du deuxième reich peuvent aller se rhabiller ou aller s’immoler sur la grande place de Sarajevo en chantant La Dynamite de Martenot. 


















Reconnaissons toutefois que dans la musique d’Electric Electric il n’y a guère de finesses mélodiques, que les titres suivent tous le même schéma et la même tendance, celle, frénétique et turbinée, imposée par une batterie qui jamais ne lâchera l’affaire et que donc faire du beau et du gracieux n’est guère le propos d’un groupe qui a décidé que sur scène rien ne pouvait décidément l’arrêter.
Ainsi lorsque le guitariste pète une corde (la deuxième en partant du bas, le si), il décide de ne pas la changer et de réaccorder autrement sa guitare pour pouvoir poursuivre le concert immédiatement. Immédiatement cela signifie que le set d’Electric Electric n’est qu’une suite de hits qui se télescopent, tous plus affolant les uns que les autres. Des hits il y en avait déjà plein sur Sad Cities Handclappers - comme ce terrible Hydraviolet que le groupe a joué en début de set - mais sur scène l’intégralité de l’album se transforme en grosse machine à danser et à broyer les hésitations, même un titre plutôt bruitiste tel que Electric Electric! est imparable, la faute à cette maudite batterie (je me répète), tenace et explosive. Le concert se termine sur un plan tribal avec les trois membres du groupe qui martèlent en rythme et malgré toute l’insistance d’un public très remonté Electric Electric ne jouera pas de rappel - cette fois ci le batteur semble quand même être au bout du rouleau et il est temps pour moi de remplacer (avantageusement) mon partenaire de crime qui ce soir m’a fait honteusement défaut. Les absents ont vraiment eu tort… à la tienne, mec.