Ce 2002 – 2010 est le quatrième volume et dernier né de la série des compilations retraçant de manière perpendiculaire les aventures sonores d’Einstürzende Neubauten. Tous les épisodes estampillés Strategies Against Architecture sont très importants dans la chronologie du groupe, établissant soit les fondations (le premier volume publié en 1984 et résumant les années 1980 à 1983), soit décrivant l’apogée du groupe (le second volume paru en 1991 et se concentrant sur les années 1984 – 1990) puis décrivant la dégringolade et la décomposition de Neubauten (le volume 3 à propos des années sombres 1991 – 2001). Emballé dans un élégant digipak malheureusement desservi par des illustrations sans intérêt mais agrémenté d’un épais livret comportant textes et notes techniques nécessaires à tout amateur et fanatique du groupe, ce volume 4 laisse d’abord quelque peu perplexe et ce uniquement pour un tout petit détail : on ne trouve pas sur le recto du disque la sacro-sainte mention du titre Strategies Against Architecture. Comme si Einstürzende Neubauten avait définitivement tourné une page, était passé à autre chose, avait changé d’optique, ne détruisait plus pour reconstruire, était enfin devenu un maitre d’œuvre positif, ne courait plus après le chaos et ne convoquait plus obligatoirement le bruit pour en faire émerger une musique sonnant nouvelle à ses/nos oreilles. Dans les faits, c’est exactement ce qui s’est passé avec la musique d’Einstürzende Neubauten : le groupe n’est plus exactement le même, son approche est différente, ses disques ont fini par sonner autrement – seule la voix de Blixa Bargeld, bien que celui-ci a réellement changé de techniques de chant entretemps, sert de fil conducteur entre les débuts de groupe et maintenant et les in(ter)ventions sonores de N.U. Unruh tel le ressort basse passent de plus en plus au second plan au profit d’un effort certain de composition plus académique.
Mais si on regarde à nouveau le disque de plus près, on finit par découvrir la fameuse mention Strategies Against Architecture IV au verso, comme par défaut. Ce n’est peut être qu’un pur hasard du aux caprices du graphiste qui a composé la pochette de ce disque mais on retrouve là toute l’ambivalence d’Einstürzende Neubauten vis-à-vis de sa propre histoire et de son évolution : Blixa Bargeld, Alexander Hacke et N.U. Unruh vous diraient* qu’il s’agit toujours du même groupe tout en admettant à demi-mots que les départs de Mark Chung puis et surtout de FM Einheit s’étaient révélés inévitables, que les choses n’étaient plus du tout possibles autrement. Cette position est particulièrement intenable lorsqu’on écoute en même temps le volume 3 de Strategies Against Architecture, illustration flagrante de la décrépitude musicale de Neubauten et marqué par le changement de line-up du groupe : c’est justement après ce changement que musicalement rien ne va plus pour Einstürzende Neubauten… L’épisode 2010 de Strategies Against Architecture donne par contre raison aux membres survivants du groupe sur un seul point mais il est primordial : ensemble, avec l’adjonction de Rudolf Moser et Jochen Arbeit, ils ont su/pu reconstruire Einstürzende Neubauten, lui redonner vie, ont fini par rattraper leur passé et ont même à de trop rares occasions recommencé à expérimenter sans plus ressembler aux tristes clowns blancs arty qu’ils avaient fini par devenir. Les Einstürzende Neubauten ont cessé d’être des démolisseurs et des iconoclastes et sont devenus des architectes voire des urbanistes quasi scientifiques – la mention Strategies Against Architecture n’a pas donc effectivement plus lieu d’être.
L’histoire d’Einstürzende Neubauten soulève alors ce nouveau paradoxe : tout en minimisant les effets de la rupture et sa propre désagrégation, le groupe est finalement revenu vers des formes plus intéressantes, du moins intéressantes comme il n’en avait plus créées depuis trop longtemps. C’est comme un parcours elliptique – finalement une histoire bien banale tant on peut la rencontrer chez bien d’autres groupes – et ce qui est d’autant plus amusant c’est que la musique de Neubauten elle-même a suivi cette forme elliptique : si le bruit brut, le fracas industriel et le chaos nihiliste (plus tard convertis en tension et en malaise, cf l’album Fünf Auf Der Nach Oben Offenen Richterskala de 1987) ne sont plus depuis longtemps les trois premières règles d’un groupe démoniaque, ils se retrouvent malgré tout derrière toute la création d’Einstürzende Neubauten de ces huit dernières années, création désormais marquée par des problématiques de maîtrise du bruit et du silence, d’harmonies et de structures parfois très ambitieuses. On avait défendu l’album Alles Wieder Offen en 2007, on avait aimé The Jewels en 2008 et bien ce 2002 – 2010 nous donne entièrement raison.
Comme pour tous ces prédécesseurs, le volume 4 de Strategies Against Architecture reprend des inédits, des versions alternatives et du live. C’est précisément ce qui en son temps rendait le volume 3 malgré tout mille fois supérieur aux albums Ende Neu et Silence Is Sexy – le pire de tous – de Neubauten. Ici on retrouve également quelques titres et extraits de travaux qui n’étaient jusqu’ici parus que sur des disques en souscription et réservés aux membres du fan club du groupe et on retrouve également un montage issu de la série Musterhaus. Il n’est pas faux non plus d’affirmer que ce sont ces programmes interactifs via internet entre Einstürzende Neubauten et les plus grands admirateurs du groupe** qui ont quelque part sauvé la bande à Blixa Bargeld du désastre.
Mais si on regarde à nouveau le disque de plus près, on finit par découvrir la fameuse mention Strategies Against Architecture IV au verso, comme par défaut. Ce n’est peut être qu’un pur hasard du aux caprices du graphiste qui a composé la pochette de ce disque mais on retrouve là toute l’ambivalence d’Einstürzende Neubauten vis-à-vis de sa propre histoire et de son évolution : Blixa Bargeld, Alexander Hacke et N.U. Unruh vous diraient* qu’il s’agit toujours du même groupe tout en admettant à demi-mots que les départs de Mark Chung puis et surtout de FM Einheit s’étaient révélés inévitables, que les choses n’étaient plus du tout possibles autrement. Cette position est particulièrement intenable lorsqu’on écoute en même temps le volume 3 de Strategies Against Architecture, illustration flagrante de la décrépitude musicale de Neubauten et marqué par le changement de line-up du groupe : c’est justement après ce changement que musicalement rien ne va plus pour Einstürzende Neubauten… L’épisode 2010 de Strategies Against Architecture donne par contre raison aux membres survivants du groupe sur un seul point mais il est primordial : ensemble, avec l’adjonction de Rudolf Moser et Jochen Arbeit, ils ont su/pu reconstruire Einstürzende Neubauten, lui redonner vie, ont fini par rattraper leur passé et ont même à de trop rares occasions recommencé à expérimenter sans plus ressembler aux tristes clowns blancs arty qu’ils avaient fini par devenir. Les Einstürzende Neubauten ont cessé d’être des démolisseurs et des iconoclastes et sont devenus des architectes voire des urbanistes quasi scientifiques – la mention Strategies Against Architecture n’a pas donc effectivement plus lieu d’être.
L’histoire d’Einstürzende Neubauten soulève alors ce nouveau paradoxe : tout en minimisant les effets de la rupture et sa propre désagrégation, le groupe est finalement revenu vers des formes plus intéressantes, du moins intéressantes comme il n’en avait plus créées depuis trop longtemps. C’est comme un parcours elliptique – finalement une histoire bien banale tant on peut la rencontrer chez bien d’autres groupes – et ce qui est d’autant plus amusant c’est que la musique de Neubauten elle-même a suivi cette forme elliptique : si le bruit brut, le fracas industriel et le chaos nihiliste (plus tard convertis en tension et en malaise, cf l’album Fünf Auf Der Nach Oben Offenen Richterskala de 1987) ne sont plus depuis longtemps les trois premières règles d’un groupe démoniaque, ils se retrouvent malgré tout derrière toute la création d’Einstürzende Neubauten de ces huit dernières années, création désormais marquée par des problématiques de maîtrise du bruit et du silence, d’harmonies et de structures parfois très ambitieuses. On avait défendu l’album Alles Wieder Offen en 2007, on avait aimé The Jewels en 2008 et bien ce 2002 – 2010 nous donne entièrement raison.
Comme pour tous ces prédécesseurs, le volume 4 de Strategies Against Architecture reprend des inédits, des versions alternatives et du live. C’est précisément ce qui en son temps rendait le volume 3 malgré tout mille fois supérieur aux albums Ende Neu et Silence Is Sexy – le pire de tous – de Neubauten. Ici on retrouve également quelques titres et extraits de travaux qui n’étaient jusqu’ici parus que sur des disques en souscription et réservés aux membres du fan club du groupe et on retrouve également un montage issu de la série Musterhaus. Il n’est pas faux non plus d’affirmer que ce sont ces programmes interactifs via internet entre Einstürzende Neubauten et les plus grands admirateurs du groupe** qui ont quelque part sauvé la bande à Blixa Bargeld du désastre.
* à ce sujet il faut donc lire Pas De Beauté Sans Danger de Max Dax et Robert Defcon aux Editions du Camion Blanc
** idem