Un mois sans aucun concert à se mettre entre les oreilles c’est particulièrement dur à supporter mais c’est pourtant exactement ce qu’il vient de se produire : après un mois de novembre puis une première quinzaine de décembre 2010 particulièrement chargés – avec en point d’orgue un concert extraordinaire de Borbetomagus que les trop rares spectateurs présents ce jour là ne sont pas près d’oublier – il ne s’est plus passé grand-chose dans cette bonne vieille ville de Lyon. Mais si on en croit les infos circulant sur le net ou ailleurs, la trêve des concerts a été générale. A noël on bouffe. Entre noël et le jour de l’an on digère. Le 31 décembre on espère. Le 1er janvier on gerbe et débande.
Pas de bonnes résolutions pour 2011 mais déjà quelques bonnes perspectives de concerts. En avril aura lieu le FuckFest #3 (on espère bien en être) puis ce sera le tour du Festival Africantape (là, on y sera, c’est sur). Deux évènement incontournables histoire de prouver – mais à qui ? – que question vitalité et activisme les scènes do-it-yourself et indépendantes n’ont rien à envier à personne et qu’au contraire elles restent à la pointe. On souhaite également que d’ici ce fantastique mois d’avril d’autres concerts tout aussi captivants auront lieu. Quelques prévisions pour Lyon : Goudron, Gay Beast, Shub, Lucertulas, Alaska Pipeline, les Welldone Dumboys (enfin !) et surement d’autres encore dont on ne manquera pas de vous reparler en temps et en heure.
En ce mardi 18 janvier c’est donc en quelque sorte la rentrée. Est-ce le manque insoutenable ? La variété exemplaire des groupes à l’affiche ? Le charme indéniable de la jeune fille postée aux entrées ? La forme pour le moins kabbalistique du flyer officiel imaginé par les esprits tordus de Maquillage & Crustacés ? Toujours est-il que le compteur frôlera de très très près les 120 entrées payantes. Détail amusant, ce soir nous allons uniquement entendre et voir des duos.
Kaumwald commence alors à jouer devant une audience non négligeable. Ils sont donc deux dont un garçon que je reconnais pour avoir joué auparavant dans l’incarnation à cinq de Kandinsky, l’un des projets free impro de Franck Gaffer/Sheik Anorak. Nos deux garçons se sont installés devant une avalanche de matériel (tables de mixage, pédales d’effet, pads, claviers, etc) : le concert sera statique mais absolument pas rébarbatif – les mystères de la musique et comme quoi on peut avoir le jeu de scène d’une algue marine ballotée au gré des marées et réussir à captiver une partie non négligeable du public.
La musique de Kaumwald est des plus étranges : synthétique et industrielle, bruitiste mais harmonique, expérimentale mais accessible, claustrophobe mais attirante, froide mais belle. Quelques choses comme du Throbbing Griste (plutôt fin de partie : 20 Jazz Funk Greats) ou du Ike Yard avec des aspirations plus contemporaines, tripes hop et fission moléculaire à froid. Des interventions au micro confèrent rapidement un côté émouvant à la musique de Kaumwald. Parfois une sorte de tribalisme donne froid dans le dos. Le duo a peut être joué un peu trop longtemps mais il a réussi à ne pas trop s’essouffler pour autant. Les extraits musicaux mis en ligne sur la page bandcamp (désormais incontournable pour tout groupe qui se respecte) sont bien décevants en comparaison. Un groupe à revoir rapidement.
Autre duo, à cheval entre St Etienne et le Canada, et œuvrant cette fois dans le « post rock » : .Cut featuring Gibet, prononcez [dot cut], merci. Un groupe de post rock… enfin je dis ça mais si vous demandiez à Albérick, le garçon au laptop et par ailleurs maître d’œuvre du label [Walnut + Locust] depuis une douzaine d’années maintenant, il vous répondrait que les étiquettes il s’en fout et que pour qualifier la musique de .Cut il préfère employer le simple terme d’« expérimental », terme qui a l’avantage certain de ne pas vouloir dire grand-chose et surtout d’en énerver plus d’un et plus d’une.
Certes, lorsque vous assistez à un concert de Cut Featuring Gibet vous entendez beaucoup de choses : les textures et autres manipulations sonores orchestrées par Mr .Cut et les nappes de brouillard ou arpèges célestes que Mr Gibet extirpe avec une certaine nonchalance de sa guitare ainsi que de quelques effets. Des projections visuelles permettent d’habiller une musique très magmatique et mouvante et qui finalement doit autant aux murs du son du harsh qu’aux paysages éthérés du « post rock ». Surtout .Cut featuring Gibet s’évite toute grandiloquence et joue même jusque sur le terrain de l’agression. Il est toujours très agréable de revoir le duo en concert une fois l’an – lorsque celui de ses deux membres installé au Canada revient faire un petit tour au pays natal – même si d’une année sur l’autre on n’a que peu de surprises et qu’on ne découvre pas de changements notoires dans la formule musicale proposée. Mais mine de rien .Cut featuring Gibet reste l’un des rares groupes du genre à envisager une approche originale de celui-ci et c’est bien tout ce qui compte.
Les stars de la soirée ce sont eux mais on ne le sait pas encore. Loup, duo composé de Clément Lunatic Toys et de Franck Sheik Anorak, a déjà donné quelques concerts, sorti un bon disque et avec ce concert à Grrrnd Zero ils s’apprêtent à inaugurer une tournée de dix jours qui les mènera jusqu’en Angleterre. Autant dire que les deux petits loups sont chauds comme des lapins.
Le dispositif des deux musiciens ne change pas : Franck à la batterie, à la guitare, aux boucles et à la bidouille. Clément au saxophone alto et à la bidouille également – il a un joli pad électronique qui fait plein de couleurs différentes et dont il se sert pour triturer le son de son saxophone. Autant dire tout de suite que l’album de Loup ainsi que les précédentes prestations scéniques du duo n’étaient qu’une mise en bouche tout juste bonne à égailler nos fins de soirée d’hiver : Loup va en effet procéder dès le début de son set à un décollage fulgurant, ira immédiatement effectuer quelques loopings dans la stratosphère, passera par la case gratouilles et frottements mais sans se donner un air intelligent et surtout sans s’appesantir et le groupe reviendra au ras du sol pour une série d’explosions finales qui conduiront le public à réclamer un rappel – ce à quoi Loup consentira de bonne grâce.
Le plus impressionnant et le plus enthousiasmant est que l’on ne peut pas discerner les parties pré-écrites des parties improvisées, que si le duo s’embarque sur un nouveau plan ou décide d’en faire durer un autre un peu plus longtemps ou même de le dévier, on ne se rend compte de rien. Homogénéité et conviction dans l’interprétation : on peut dire que Loup est le croisement hybride d’un désir noise et d’une logique free mais que le duo ne laisse ni l’un ni l’autre prendre le dessus, préférant aller au delà et y arrivant parfaitement.
Alors que le public réclame un deuxième rappel à Loup, les deux musiciens tout sourire expliquent qu’il y a encore un dernier groupe après eux. De l’autre côté de la salle Black Packers s’est en effet déjà installé. La salle se vide, tout le monde comprenant que Loup ne jouera pas une note de plus mais personne ne reviendra pour écouter le duo franco-norvégien. Black Packers est composé de Jean-Philippe Gross et de John Hegre, ce dernier étant plus connu pour faire partie des énormes Jazkamer.
Le pedigree des deux musiciens parle de lui-même, Black Packers pratique le harsh noise : Jean-Philippe Gross s’affairant à un appareillage analogique, générant du feedback et bidouillant des micros contact et John Hegre faisant peu ou prou la même chose mais avec sa guitare. Voilà un descriptif bien banal serait-on tenté de dire… et bien oui, le résultat l’étant tout autant. Black Packers est un groupe harsh travailleur et sans originalité qui arrivera de temps à autres à inspirer une certaine nausée sonore plus que bienvenue mais rien de renversant non plus.
Pourtant les deux sont très rigolo à regarder, surtout Jean-Philippe Gross avec ses grands écarts et autres génuflexions limite rock’n’roll. Et puis le son n’était pas assez fort ni assez agressif et donc manquait de richesse : il a bien fallu au bout d’un moment enlever les bouchons d’oreilles si on voulait vraiment entendre quelque chose d’un peu outrageux et malgré cela il n’y a eu aucun sifflement ni acouphène à déplorer le lendemain. Je reste persuadé que ces deux malades peuvent faire bien plus fou et bien plus dangereux.
[quelques photos de cette soirée duo à regarder ici]
Pas de bonnes résolutions pour 2011 mais déjà quelques bonnes perspectives de concerts. En avril aura lieu le FuckFest #3 (on espère bien en être) puis ce sera le tour du Festival Africantape (là, on y sera, c’est sur). Deux évènement incontournables histoire de prouver – mais à qui ? – que question vitalité et activisme les scènes do-it-yourself et indépendantes n’ont rien à envier à personne et qu’au contraire elles restent à la pointe. On souhaite également que d’ici ce fantastique mois d’avril d’autres concerts tout aussi captivants auront lieu. Quelques prévisions pour Lyon : Goudron, Gay Beast, Shub, Lucertulas, Alaska Pipeline, les Welldone Dumboys (enfin !) et surement d’autres encore dont on ne manquera pas de vous reparler en temps et en heure.
En ce mardi 18 janvier c’est donc en quelque sorte la rentrée. Est-ce le manque insoutenable ? La variété exemplaire des groupes à l’affiche ? Le charme indéniable de la jeune fille postée aux entrées ? La forme pour le moins kabbalistique du flyer officiel imaginé par les esprits tordus de Maquillage & Crustacés ? Toujours est-il que le compteur frôlera de très très près les 120 entrées payantes. Détail amusant, ce soir nous allons uniquement entendre et voir des duos.
Kaumwald commence alors à jouer devant une audience non négligeable. Ils sont donc deux dont un garçon que je reconnais pour avoir joué auparavant dans l’incarnation à cinq de Kandinsky, l’un des projets free impro de Franck Gaffer/Sheik Anorak. Nos deux garçons se sont installés devant une avalanche de matériel (tables de mixage, pédales d’effet, pads, claviers, etc) : le concert sera statique mais absolument pas rébarbatif – les mystères de la musique et comme quoi on peut avoir le jeu de scène d’une algue marine ballotée au gré des marées et réussir à captiver une partie non négligeable du public.
La musique de Kaumwald est des plus étranges : synthétique et industrielle, bruitiste mais harmonique, expérimentale mais accessible, claustrophobe mais attirante, froide mais belle. Quelques choses comme du Throbbing Griste (plutôt fin de partie : 20 Jazz Funk Greats) ou du Ike Yard avec des aspirations plus contemporaines, tripes hop et fission moléculaire à froid. Des interventions au micro confèrent rapidement un côté émouvant à la musique de Kaumwald. Parfois une sorte de tribalisme donne froid dans le dos. Le duo a peut être joué un peu trop longtemps mais il a réussi à ne pas trop s’essouffler pour autant. Les extraits musicaux mis en ligne sur la page bandcamp (désormais incontournable pour tout groupe qui se respecte) sont bien décevants en comparaison. Un groupe à revoir rapidement.
Autre duo, à cheval entre St Etienne et le Canada, et œuvrant cette fois dans le « post rock » : .Cut featuring Gibet, prononcez [dot cut], merci. Un groupe de post rock… enfin je dis ça mais si vous demandiez à Albérick, le garçon au laptop et par ailleurs maître d’œuvre du label [Walnut + Locust] depuis une douzaine d’années maintenant, il vous répondrait que les étiquettes il s’en fout et que pour qualifier la musique de .Cut il préfère employer le simple terme d’« expérimental », terme qui a l’avantage certain de ne pas vouloir dire grand-chose et surtout d’en énerver plus d’un et plus d’une.
Certes, lorsque vous assistez à un concert de Cut Featuring Gibet vous entendez beaucoup de choses : les textures et autres manipulations sonores orchestrées par Mr .Cut et les nappes de brouillard ou arpèges célestes que Mr Gibet extirpe avec une certaine nonchalance de sa guitare ainsi que de quelques effets. Des projections visuelles permettent d’habiller une musique très magmatique et mouvante et qui finalement doit autant aux murs du son du harsh qu’aux paysages éthérés du « post rock ». Surtout .Cut featuring Gibet s’évite toute grandiloquence et joue même jusque sur le terrain de l’agression. Il est toujours très agréable de revoir le duo en concert une fois l’an – lorsque celui de ses deux membres installé au Canada revient faire un petit tour au pays natal – même si d’une année sur l’autre on n’a que peu de surprises et qu’on ne découvre pas de changements notoires dans la formule musicale proposée. Mais mine de rien .Cut featuring Gibet reste l’un des rares groupes du genre à envisager une approche originale de celui-ci et c’est bien tout ce qui compte.
Les stars de la soirée ce sont eux mais on ne le sait pas encore. Loup, duo composé de Clément Lunatic Toys et de Franck Sheik Anorak, a déjà donné quelques concerts, sorti un bon disque et avec ce concert à Grrrnd Zero ils s’apprêtent à inaugurer une tournée de dix jours qui les mènera jusqu’en Angleterre. Autant dire que les deux petits loups sont chauds comme des lapins.
Le dispositif des deux musiciens ne change pas : Franck à la batterie, à la guitare, aux boucles et à la bidouille. Clément au saxophone alto et à la bidouille également – il a un joli pad électronique qui fait plein de couleurs différentes et dont il se sert pour triturer le son de son saxophone. Autant dire tout de suite que l’album de Loup ainsi que les précédentes prestations scéniques du duo n’étaient qu’une mise en bouche tout juste bonne à égailler nos fins de soirée d’hiver : Loup va en effet procéder dès le début de son set à un décollage fulgurant, ira immédiatement effectuer quelques loopings dans la stratosphère, passera par la case gratouilles et frottements mais sans se donner un air intelligent et surtout sans s’appesantir et le groupe reviendra au ras du sol pour une série d’explosions finales qui conduiront le public à réclamer un rappel – ce à quoi Loup consentira de bonne grâce.
Le plus impressionnant et le plus enthousiasmant est que l’on ne peut pas discerner les parties pré-écrites des parties improvisées, que si le duo s’embarque sur un nouveau plan ou décide d’en faire durer un autre un peu plus longtemps ou même de le dévier, on ne se rend compte de rien. Homogénéité et conviction dans l’interprétation : on peut dire que Loup est le croisement hybride d’un désir noise et d’une logique free mais que le duo ne laisse ni l’un ni l’autre prendre le dessus, préférant aller au delà et y arrivant parfaitement.
Alors que le public réclame un deuxième rappel à Loup, les deux musiciens tout sourire expliquent qu’il y a encore un dernier groupe après eux. De l’autre côté de la salle Black Packers s’est en effet déjà installé. La salle se vide, tout le monde comprenant que Loup ne jouera pas une note de plus mais personne ne reviendra pour écouter le duo franco-norvégien. Black Packers est composé de Jean-Philippe Gross et de John Hegre, ce dernier étant plus connu pour faire partie des énormes Jazkamer.
Le pedigree des deux musiciens parle de lui-même, Black Packers pratique le harsh noise : Jean-Philippe Gross s’affairant à un appareillage analogique, générant du feedback et bidouillant des micros contact et John Hegre faisant peu ou prou la même chose mais avec sa guitare. Voilà un descriptif bien banal serait-on tenté de dire… et bien oui, le résultat l’étant tout autant. Black Packers est un groupe harsh travailleur et sans originalité qui arrivera de temps à autres à inspirer une certaine nausée sonore plus que bienvenue mais rien de renversant non plus.
Pourtant les deux sont très rigolo à regarder, surtout Jean-Philippe Gross avec ses grands écarts et autres génuflexions limite rock’n’roll. Et puis le son n’était pas assez fort ni assez agressif et donc manquait de richesse : il a bien fallu au bout d’un moment enlever les bouchons d’oreilles si on voulait vraiment entendre quelque chose d’un peu outrageux et malgré cela il n’y a eu aucun sifflement ni acouphène à déplorer le lendemain. Je reste persuadé que ces deux malades peuvent faire bien plus fou et bien plus dangereux.
[quelques photos de cette soirée duo à regarder ici]