mardi 16 novembre 2010

Loup / self titled


Loup est un duo composé de musiciens lyonnais venant à priori d’horizons assez différents puisque on y retrouve Clément Edouard des Lunatic Toys et Franck Garcia aka Sheik Anorak. L’un vient du jazz et de la musique improvisée tout en faisant partie de l’équipe qui s’occupe du Périscope, une chouette salle de concert pas aussi sage qu’elle en a l’air. L’autre vient de la noise et tient d’une main de fer le désormais bien connu label Gaffer records, label qui au fil du temps est devenu pour certains une référence quasiment incontournable du paysage musical et ce n’est pas moi qui vais leur donner tort. Le catalogue de Gaffer records a suivi la même évolution que les activités musicales de son patron : alors que ce dernier s’investit de plus en plus dans des projets tournant autour du free et de la musique improvisée*, Gaffer records a multiplié les références hors-normes (tout en continuant à pratiquer un peu la noise) au point de monter une nouvelle collection intitulée Free Jazz Series – des CD tout simples emballés dans des pochettes cartonnées aussi arty qu’élégantes – et dont le premier album de Loup est précisément la deuxième référence.





















Clément Edouard joue du saxophone alto et de la bidouille. Franck Garcia est guitariste et batteur plus quelques autres trucs. Sur le papier ils ne sont peut être que deux mais ils sont la plupart du temps trois voire quatre à jouer dans Loup : soit des boucles de guitare ou un son de basse (?) apparaissent ici ou là (Theology, Timeline) soit le saxophone est démultiplié (Cut And Paste) quand ce n’est pas les deux en même temps. Loup n’a donc pas uniquement pensé sa musique au sens d’un strict duo avec deux musiciens qui dialoguent et se répondent mais a également envisagé, au-delà du travail d’improvisation, de réelles constructions bien que le côté vignette des premiers titres tendraient à le démentir. L’album démarre en effet au quart de tour par un Porcelaine violent et âpre qui surprend par son côté free jusqu’au-boutiste et son bourdonnement synthétique qui vrombit dans les oreilles. Directement enchainé, Cut And Paste est un parfait exemple de manipulations et d’altérations sonores. Enfin The Number renoue avec un peu plus de lisibilité. Ces trois titres sont très courts – entre une et deux minutes – et exposent très complètement toute la palette musicale free de Loup.
Il faut donc attendre Theology pour goûter à un peu plus de lyrisme (belle partie de saxophone) et surtout I Could Have Guessed What About To Happen pour comprendre pourquoi Loup se revendique aussi de la musique drone. D’une longueur tranchant avec tous les autres titres du disque, I Could Have Guessed What About To Happen dépasse en effet les dix minutes et débute par une plage très calme sur laquelle nappes synthétiques et saxophone s’entrecroisent sans jamais se bousculer. Soudain Loup semble avoir trouvé la formule pour suspendre le temps mais les deux musiciens sont facétieux et ont imaginé un final autrement supersonique pour remettre tout le monde d’accord. Le saxophone y fait à nouveau preuve de toute sa beauté sonore tandis que la batterie l’accompagne de ses pulsations. On rejoint presque la fureur du début du disque, celle de Porcelaine, mais avec le côté poignant que l’on avait découvert avec Theology. Loup confirme ainsi toutes les très bonnes impressions que l’on avait eues du duo en concert – notamment en première partie de The Thing & Otomo Yoshihide. Clément et Franck confirment également qu’ils sont des musiciens vraiment doués et qu’ensemble ils pourraient vraiment faire de grandes choses. A suivre.

* le meilleur exemple en date étant le trio Weasel Walter/Mario Rechtern/Sheik Anorak à nouveau en tournée en ce mois de novembre, les trois musiciens joueront au Périscope de Lyon le jeudi 18 novembre et toutes les autres dates sont consultables ici