vendredi 5 novembre 2010

Heliogabale, les hérauts magnifiques























Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Alors que le Sonic avait réalisé un joli score la semaine précédente pour la venue de Souvaris, en ce mercredi soir c’est quasiment le désert complet. Je n’ai même pas demandé aux organisateurs le nombre exact d’entrées payantes mais au plus fort du concert on n’a pas du être plus de trente personnes. Presque une soirée entre potes réunis pour fêter un anniversaire.
Lorsque on aime autant un groupe, lorsqu’on apprécie autant son dernier album, on n’a pas forcément envie d’être seul à le faire, que je sache la musique c’est avant tout une question de partage. Heliogabale n’aura donc pas attiré les foules lyonnaises en délire pour la seconde date d’une nouvelle mini-tournée (la première date à Lyon depuis bien trop longtemps) et c’est bien dommage. Mais Heliogabale va donner aux quelques rares personnes présentes une grande leçon de classe et de musique. Pas une correction mais quelque chose relevant du vécu. Encore merci.
















Pour l’heure ce sont les jeunes Kiruna qui sont sur la petite scène du Sonic. Nos amis sont tout juste de retour d’une courte mais triomphale tournée franco-germanique qui leur a permis de roder leur nouveau set et de mettre définitivement en place leurs dernières compositions qu’ils ont d’ailleurs enregistrées cet été et que peut être on pourra écouter un jour, lorsque ces quatre garçons se seront mis d’accord sur un éventuel tracklisting et l’orientation d’un disque que malgré tout une petite poignée de fans attendent avec une certaine impatience. Mais c’est pour bientôt, je le sens et je m’en réjouis par avance.
Les Kiruna sont donc sur scène et ça déboite. Je n’avais pas vu ces jeunes gens en concert depuis un bon petit paquet de temps maintenant et je suis surpris du degré d’intensité de la musique du groupe qui certes n’en avait jamais manqué auparavant. Le guitariste (également dans Otarie Club et Apple From Earth) me parait désormais particulièrement bien intégré au groupe, son jeu est épais et puissant – contrastant avec celui de son prédécesseur dans le groupe, tout en enguirlandes – et il a fait passer Kiruna dans la catégorie des poids lourds. La rythmique est foutrement efficace avec une basse bien présente et qui sonne et un batteur qui sait tenir le tout.
Mais Kiruna a un autre point fort : son chanteur dont je ne peux jamais m’empêcher de penser qu’il beugle d’une façon toute personnelle – réécoutez donc Penundaan, le premier mini album du groupe, le chant est pour beaucoup dans l’atmosphère d’étrangeté qui règne sur la musique de Kiruna – et ce garçon avec finalement peu de choses déverse une bonne grosse présence sur scène. On le sent non pas concerné mais bien habité par ce qu’il fait/chante. Et cela devient plutôt rare. C’était donc un bon concert et on attend la suite. Dépêchez-vous les mecs.
















Après la jeunesse impétueuse et fougueuse c’est au tour d’Héliogabale de s’imposer au Sonic, chose que les parisiens vont réussir dès le premier titre, un Inside Forests pourtant extrait d’un album fort décrié du groupe (Mobil Home) et qui se révèle être une parfaite entrée en matière pour un concert bourré en émotions et en feeling et qui va atomiser les quelques personnes présentes. Suit immédiatement une version inespérée de The Slapped And The Slapper (du premier album album Yolk) ainsi que deux premiers extraits du tout récent Blood – à savoir Juicy Fruit et Foolish It – immédiatement suivis d’un Hunting en provenance directe de l’album Diving Rooms et un nouveau retour sur Yolk avec Traumreiz. Que du (gros) bonheur.
La première moitié du concert d’Heliogabale s’achève et on ne peut alors que constater que le groupe est en forme comme jamais, ravi de jouer ensemble (Marcel Perrin, derrière sa batterie, est un véritable plaisir des yeux) tout en faisant preuve d’une économie de moyens et d’un jeu de scène sobre. Pas de flambe ni d’attitude hautaine mais un groupe mis à nu qui n’hésite pas à s’exposer. Que de la musique et rien que de la musique. Surtout, en piochant dans l’ensemble de sa discographie, Heliogabale a tout de suite su mettre les points sur les i et prouver que les quatre parisiens sont toujours ce groupe majeur mais incompréhensiblement boudé et que le dernier album Blood n’a pas à rougir de ses prédécesseurs, qu’il peut figurer en bonne place dans la discographie d’Heliogabale.
















La deuxième partie du concert sera d’ailleurs entièrement consacrée à ce nouvel album, à commencer par une version raide et au cordeau de Q For Qing qui réveille encore plus l’enthousiasme de certains*. Q For Qing est aussi l’occasion pour le nouveau venu Brice Pirotais de faire tourner une de ces lignes de basse qui ont toujours hanté les compositions d’Heliogabale, d’ailleurs il fera preuve pendant tout le concert d’une solidité à toute épreuve, j’en aurais presque oublié l’absence du regretté Viviane Morrison. On admire également le jeu subtil et délicat de Philippe Thiphaine – habillé avec la classe éternelle du dandy – qui change régulièrement de guitare, alterne les prouesses avec une incroyable et apparente facilité et nous gratifie d’un magnifique son, charnel et envoûtant.
Quant à la chanteuse Sasha Andrès, elle est toute en émotions, entre chant et déclamation, avec parfois la voix cassée, en équilibre précaire, comme tirant d’une certaine fragilité toute la force indomptable qu’il faut pour exprimer colère, rage, vie et passion. En guise de final, Knocked Out – titre bluesy, poisseux mais aussi lumineux et rédempteur – est le point culminant du concert. En introduction Sasha explique que Knocked Out parle d’amitié et que l’amitié reste la plus grande et ultime expérience de l’existence humaine. Il y a des jours où se sentir réconforté par une musique est aussi la plus belle des expériences qui soit.

[les photos du concert sont disponibles ici]

* les absents ont toujours tort lance alors un impétueux dans la salle et, oui, cela n’a jamais été aussi vrai… tant pis pour eux