Je crois que la fois où Sasha Andrès, chanteuse d’Heliogabale, s’est saisi d’une canette de bière à moitié vide et, dans un geste brutal et un peu théâtral, l’a jetée droit devant elle et que cette cannette et son contenu me sont arrivés directement dessus, je crois que cette fois là constitue l’un de mes meilleurs souvenirs de concerts. Non pas que j’aime bien me prendre des objets divers et variés dans la gueule lorsque je vais quelque part pour écouter de la musique mais cette tentative désespérée de faire réagir un public lyonnais bien trop clairsemé et peu attentif à la musique d’Heliogabale – le groupe venait de publier son deuxième disque, le mini album To Pee – ne m’a pas fait broncher d’un iota, tout hypnotisé que j’étais par le quatuor et sa musique.
C’était la première fois que je voyais les parisiens en concert et ils avaient tout fait pour justifier leur réputation énervante de parfait groupe prétentieux, à commencer par la robe de soirée noire très classe de Sasha Andrès et le logo des Cahiers Du Cinéma étalé en très grand sur la grosse caisse de la batterie. Le groupe jouait à fond ses hymnes noise rock et décadents, Billy The Silly, Naked Blue ou Bone Structure Matters. Il y avait peu de groupes aussi violents et aussi commotionnant qu’Heliogabale. Il n’y en a toujours pas beaucoup.
Je ne comprendrais jamais pourquoi ces quatre musiciens n’ont pas eu davantage les honneurs d’une scène française particulièrement bouillonnante dans les années 90. Heliogabale faisait partie des meilleurs. Ou plutôt je ne le comprends que trop bien : une discographique erratique, un album (Mobile Home) particulièrement incompris à sa sortie (alors qu’il est en tous points excellent, son seul tort était d’être trop différent de ses prédécesseurs), des apparitions en concert plutôt rares, un silence de plus de cinq années avant un retour fracassant et un album gigantesque en 2004 (Diving Rooms) et une certaine perversité à jouer d’une aura arty et hautaine – que voulez vous les gens n’ont aucun humour ni aucun sens du sarcasme, particulièrement les punks et les incultes.
Nouveau silence. En 2009 Heliogabale fait savoir que le groupe a à son actif suffisamment de compositions prêtes et déjà enregistrées – Heliogabale en auraient 21, seules 10 vont être retenues pour le nouvel album – pour pouvoir enfin sortir un nouveau disque et le groupe lance donc un appel aux labels éventuellement intéressés. Quelle misère. Finalement ce sont deux structures activistes et désormais incontournables du paysage musical local qui répondent présent : le collectif A Tant Rêver Du Roi et Les Disques Du Hangar 221, les premiers s’occupant de la version vinyle*, les seconds de la version CD.
Ce nouvel album tant attendu d’Heliogabale s’appelle Blood. Sa parution officielle est prévue pour le 15 septembre prochain. Autant dire que comme à chaque fois avec Heliogabale, le groupe ne s’est pas contenté de refaire à l’identique ce qu’il avait déjà gravé sur ses précédents disques. On retrouve bien sûr la patte d’Héliogabale, dès le premier titre du disque, Q For Qing et son noise rock vampirique et lancinant, conduit par une ligne de basse tournante comme le groupe en a le secret**. On retrouve également la voix incroyable de Sasha Andrès, tour à tour rauque et venimeuse, passant de l’inquiétant à des choses plus virevoltantes et papillonnantes (Ô My Friends, Zigzag). Mais pour celles et ceux qui aimeraient réentendre encore une fois le nihilisme sanglant des débuts du groupe ou la recrudescence rageuse de Diving Room, le mieux est d’aller directement réécouter les disques concernés. Car Blood, malgré son nom, est un album calme, très mid tempo, pas vraiment bruyant mais flirtant avec bonheur avec une indie-pop classieuse et impériale (Foolish If). Il n’y a pas de dérapages hystériques ni d’explosions soniques ici mais une collection de chansons aussi basiques qu’évidentes, des compositions qui tournent autour de deux ou trois idées simples mais percutantes, un songwriting de haute volée.
Knocked Out est l’un des sommets de Blood. Heliogabale y distille un blues lancinant, hanté par la ligne de chant et la voix grave de Sasha Andrès, un titre qui n’est pas sans rappeler certains accents d’Oxbow et d’Eugene Robinson. On note également sur ce même Knocked Out ainsi que sur deux ou trois autres titres l’apparition d’un saxophone, il s’agit de celui de Raul Colosimo***. Juicy Fruit et Drink This Jab réjouiront pour leur part les éventuels grincheux qui trouvent Blood un brin trop pop mais cela n’empêche pas Heliogabale d’y faire toujours preuve d’une certaine retenue, si tension il y a elle est sous-jacente, insidieuse et d’ailleurs c’est bien sur ce terrain là que joue également Rewind, superbe conclusion d’album, avec son lyrisme acide et son émotion palpable.
C’était la première fois que je voyais les parisiens en concert et ils avaient tout fait pour justifier leur réputation énervante de parfait groupe prétentieux, à commencer par la robe de soirée noire très classe de Sasha Andrès et le logo des Cahiers Du Cinéma étalé en très grand sur la grosse caisse de la batterie. Le groupe jouait à fond ses hymnes noise rock et décadents, Billy The Silly, Naked Blue ou Bone Structure Matters. Il y avait peu de groupes aussi violents et aussi commotionnant qu’Heliogabale. Il n’y en a toujours pas beaucoup.
Je ne comprendrais jamais pourquoi ces quatre musiciens n’ont pas eu davantage les honneurs d’une scène française particulièrement bouillonnante dans les années 90. Heliogabale faisait partie des meilleurs. Ou plutôt je ne le comprends que trop bien : une discographique erratique, un album (Mobile Home) particulièrement incompris à sa sortie (alors qu’il est en tous points excellent, son seul tort était d’être trop différent de ses prédécesseurs), des apparitions en concert plutôt rares, un silence de plus de cinq années avant un retour fracassant et un album gigantesque en 2004 (Diving Rooms) et une certaine perversité à jouer d’une aura arty et hautaine – que voulez vous les gens n’ont aucun humour ni aucun sens du sarcasme, particulièrement les punks et les incultes.
Nouveau silence. En 2009 Heliogabale fait savoir que le groupe a à son actif suffisamment de compositions prêtes et déjà enregistrées – Heliogabale en auraient 21, seules 10 vont être retenues pour le nouvel album – pour pouvoir enfin sortir un nouveau disque et le groupe lance donc un appel aux labels éventuellement intéressés. Quelle misère. Finalement ce sont deux structures activistes et désormais incontournables du paysage musical local qui répondent présent : le collectif A Tant Rêver Du Roi et Les Disques Du Hangar 221, les premiers s’occupant de la version vinyle*, les seconds de la version CD.
Ce nouvel album tant attendu d’Heliogabale s’appelle Blood. Sa parution officielle est prévue pour le 15 septembre prochain. Autant dire que comme à chaque fois avec Heliogabale, le groupe ne s’est pas contenté de refaire à l’identique ce qu’il avait déjà gravé sur ses précédents disques. On retrouve bien sûr la patte d’Héliogabale, dès le premier titre du disque, Q For Qing et son noise rock vampirique et lancinant, conduit par une ligne de basse tournante comme le groupe en a le secret**. On retrouve également la voix incroyable de Sasha Andrès, tour à tour rauque et venimeuse, passant de l’inquiétant à des choses plus virevoltantes et papillonnantes (Ô My Friends, Zigzag). Mais pour celles et ceux qui aimeraient réentendre encore une fois le nihilisme sanglant des débuts du groupe ou la recrudescence rageuse de Diving Room, le mieux est d’aller directement réécouter les disques concernés. Car Blood, malgré son nom, est un album calme, très mid tempo, pas vraiment bruyant mais flirtant avec bonheur avec une indie-pop classieuse et impériale (Foolish If). Il n’y a pas de dérapages hystériques ni d’explosions soniques ici mais une collection de chansons aussi basiques qu’évidentes, des compositions qui tournent autour de deux ou trois idées simples mais percutantes, un songwriting de haute volée.
Knocked Out est l’un des sommets de Blood. Heliogabale y distille un blues lancinant, hanté par la ligne de chant et la voix grave de Sasha Andrès, un titre qui n’est pas sans rappeler certains accents d’Oxbow et d’Eugene Robinson. On note également sur ce même Knocked Out ainsi que sur deux ou trois autres titres l’apparition d’un saxophone, il s’agit de celui de Raul Colosimo***. Juicy Fruit et Drink This Jab réjouiront pour leur part les éventuels grincheux qui trouvent Blood un brin trop pop mais cela n’empêche pas Heliogabale d’y faire toujours preuve d’une certaine retenue, si tension il y a elle est sous-jacente, insidieuse et d’ailleurs c’est bien sur ce terrain là que joue également Rewind, superbe conclusion d’album, avec son lyrisme acide et son émotion palpable.
* une grande première pour Heliogabale puisque mis à part Billy The Silly publié sur un split single avec The Crooner Of Doom et les deux titres du groupe en compagnie de Didier Petit sur le LP File Under Music publié en 1996 par le label Rectangle, Heliogabale n’avait jamais sorti de vinyle
** malheureusement Viviane Morrison, qui joue sur Blood, a depuis quitté Heliogabale et il sera remplacé par Brice Pirotais des Hurleurs
*** il joue dans un duo appelé Map Jazzy ainsi que dans MysterYProd, un groupe plus protéiforme auquel a déjà collaboré Philippe Thiphaine, guitariste d’Heliogabale
** malheureusement Viviane Morrison, qui joue sur Blood, a depuis quitté Heliogabale et il sera remplacé par Brice Pirotais des Hurleurs
*** il joue dans un duo appelé Map Jazzy ainsi que dans MysterYProd, un groupe plus protéiforme auquel a déjà collaboré Philippe Thiphaine, guitariste d’Heliogabale