Avec Wonder, Knut ne déroge pas à la règle : ce groupe est tout simplement unique et monstrueux. Et pour celles et ceux qui avaient regretté les changements et tournants trop atmosphériques opérés sur Terraformer, le précédent album paru en 2005, ainsi que les errements d’Alter, l’album de remix et réinterprétations publié l’année d’après, qu’ils soient tout de suite rassurés : Knut – ça se prononce [qunoute], cela a le mérite de faire rire les fans du monde entier, quelle que soit leur langue maternelle – Knut donc revient à des compositions plus touffues, plus construites, plus violentes, plus lourdes et surtout plus chantées.
Toujours emmené par Roderic, ce batteur vraiment incroyable et impressionnant qui joue les trucs les plus hallucinants au monde avec une aisance et une zenitude de moine-guerrier Shaolin, Knut ne nous laisse pas vraiment le choix : avec Leet, Damned Extroverts, Suckers et Calamity, véritable carré d’as de hardcore chaotique ouvrant la première face de l’album, le groupe rassure et en même temps appelle à la bienveillance complice – oui c’est bien Knut que nous écoutons, le grand et irremplaçable Knut… que demander de plus ? De l’originalité ? Knut est justement l’un des inventeurs historiques de la musique qu’il joue alors n’en parlons même pas. Ou plutôt si, parlons-en : si ces cinq garçons n’avaient été qu’un ramassis de bouseux éthyliques, amateurs d’armes à feu et originaires d’un bled du Middle West américain et non pas tout simplement un groupe suisse basé à Genève, Knut serait devenu le groupe de metal core le plus important de la planète et non pas un groupe bénéficiant de l’admiration de ses pairs et d’un succès d’estime de la part des connaisseurs. Ce n’est donc pas peu dire que le bien nommé Wonder remet les pendules à l’heure, même si c’est aussi peut être trop tard et même si certains savaient déjà.
Le point de non retour et d’accablement hystérique semble être atteint avec Calamity, titre à la densité et à violence vitales telles qu’à sa toute fin Knut nous a déjà épuisés de bonheur. Et, encore une fois, que demander de plus ? Toutes les réponses dont Knut est capable se trouvent dans Ultralight Backpacking : toujours aussi glacial et intraitable, le metal de Knut y troque sa frénésie contre l’inquiétude, la frontalité contre les sables mouvants. Dès lors – si on excepte la dernière poussée tribale que constitue Lemmings – Wonder bascule dans le mid-tempo torturé (Fast Forward Bastards) voire le ralenti extrême (If We Can’t Fly There, We’ll Take The Boat) pour finir dans les bras d’un post hardcore ultra convainquant c'est-à-dire sans pathos ni mélodrame (Wonder/Daily Grind). Alors que son tempo s’est considérablement ralenti, le hardcore de Knut s’est élevé dans les airs, non sans flirter avec un certain mysticisme en réalité bien difficile à définir. Wonder est bien un pur joyau et l’un des albums de l’année 2010. Dommage que pour la parution de celui-ci le groupe soit passé de Hydra Head à Conspiracy records, label tout aussi méritant mais internationalement moins « visible ».