lundi 20 septembre 2010

Du sax, des bits, du sexe et du fun

















Vendredi 17 septembre : deuxième et dernier concert pour le sixième anniversaire de Grrrnd Zero, cela se passe toujours au Rail Théâtre de Lyon Vaise et l’affiche proposée est au top de l’éclectisme made in Grrrnd Zero : Andy Moor (de The Ex) et Christiane Sehnaoui pour un duo d’improvisation free, DVD (batterie et Wii), Chevignon (grind noise sexuel) et Melt Banana (Nintendo core). Comme la veille le Rail Théâtre va être bien rempli : Melt Banana continue de rameuter du monde alors que les japonais ne proposent rien de réellement neuf depuis des lustres, il parait qu’ils seraient même en pleine voie de ramonisation.
La soirée s’annonce donc belle. J’évite consciencieusement les tables de marchandising même si ce split 10 pouces de Mary Poppers et Chevignon sorti il y a une éternité chez S.K. records dans la collection des Douze Salopards me fait toujours autant de l’œil. Je n’ai jamais craqué depuis tout ce temps mais je reste aussi un peu surpris qu’il en reste encore en vente libre.
















En attendant que la salle se remplisse un peu Andy Moor et Christine Abdelnour Sehnaoui montent sur scène. Lui on ne le présente plus : guitariste de The Ex depuis le début des années 90, auparavant guitariste des miraculeux Dog Faced Hermans – un groupe à découvrir ou à redécouvrir d’urgence – et on en passe sur tous ses autres projets, multiples collaborations, etc. Elle je n’en avais jamais entendu parler, elle joue du saxophone alto (depuis environ 1997) et a partagé la scène avec tellement de musiciens et de musiciennes œuvrant dans les musiques improvisées qu’elle a un curriculum vitae aussi long que mes deux bras ou que l’étrange tuyau qu’elle a enfilé dans son saxophone pour en jouer.
Le duo est une agréable surprise, le jeu d’Andy Moor, sa façon unique d’appréhender la guitare, le son particulier de son instrument (qu’il aime bien désaccorder en jouant directement sur les clefs) on connaissait déjà mais donc la nouveauté vient de Christine Sehnaoui et de son phrasé subtil et délicat. Les deux musiciens s’expriment et dialoguent plutôt avec modération, pas de tornade free ni d’effervescence douloureuse pas plus qu’ils ne s’éternisent ou ne se complaisent dans l’étalage virtuose. La musique du duo reste toujours simple et immédiate et j’aime aussi imaginer qu’elle a été capable de réconcilier avec plus de free tout comme elle a été capable de séduire les fanatiques des très carrés Melt Banana venus en nombre ce soir. Un set assez court (deux improvisations) et c’est déjà fini.
















D.V.D., un acronyme qui signifie Drums, Video & Drums. Ils sont japonais et ont mis au point un petit show interactif qui va divertir son monde cinq minutes mais pas plus (le problème étant qu’ils vont jouer bien plus longtemps que ça). Au milieu de la scène un écran. A gauche un batteur. A droite un second batteur. Et perdu quelque part au fond une troisième personne dont on se demandera ce qu’elle fait exactement mis à part avoir les yeux rivés sur son laptop et jouer avec une télécommande.
Le principe est simple : les deux batteurs jouent (encore heureux) et semblent déclencher des sons annexes et surtout des images apparaissant en interactivité sur l’écran. C’est assez amusant, frais, rigolo et ludique mais cela devient très vite lassant. Une fois que les deux batteurs se sont échauffés sur un premier titre qui met en scène un flipper géant, tout est dit. Et les images provenant de l’écran dévoilent souvent toute la laideur dont le monde numérique est de nos jours capable. Et la musique ? Et bien… une sorte d’electronica rebondissante, froide mais fleuri allant du glitch à la techno minimale. Un concert certainement bien plus amusant pour ceux qui le font que pour ceux qui y assistent.
















Avec Chevignon (dans la version 2010 du groupe) je m’attendais à de l’explosif et je vais être servi. Le groupe joue clairement sur la provocation : avec des titres de chansons tels que Dans Ta Chatte et des paroles comme avec ma moustache je vous encule à sec on sait à quoi s’attendre… et bien pas vraiment. Entre ceux qui ont réagi aux roses accrochées aux pieds de micro (c’est quoi ces gauchistes ?), ceux qui ont pris le groupe pour des fachos (bouh le chanteur il a un brassard bleu-blanc-rouge), celles et ceux qui ont pris les paroles sexistes au tout premier degré c'est-à-dire pour un insulte écœurante aux femmes et les autres qui y voyaient au contraire une dénonciation par l’exemple le combat a été rude. Je passe encore sur les olibrius qui parait-il auraient tenté de débrancher la sono.
Le chanteur est à peine monté sur scène et a à peine entonné Chevignon/La marque au canard/Le canard est mort/Mais les connards sont toujours là qu’il se prend quelques jets de bières en provenance du public et les insultes fusent de part et d’autre. Plus tard, sans que je comprenne exactement comment tout a commencé ça se bastonne direct dans la fosse, l’un des deux guitaristes de Chevignon saute dans le public et l’hystérie et la violence du concert déjà bien palpables deviennent explosives. Un grand happening, une performance collective comme je n’en avais pas vue depuis des années, la baston générale en guise de concert.
Que l’on soit d’accord ou pas avec Chevignon, que l’on soit choqué ou non par les textes, force est de constater que la technique mise au moins par Jello Biafra (se mettre, au niveau de ses paroles, dans la position du salaud intégral au lieu de dénoncer avec des slogans au premier degré) fonctionne toujours aussi bien. Seulement comme de l’autre côté Chevignon ne pratique vraiment aucun didactisme et que le chanteur possède un talent certain pour se faire haïr et pour se faire traiter de gros connard, cela passe donc très mal avec pas mal de gens. Il y a encore du boulot à faire. Et pour un descriptif complet de la musique du groupe, je vous renvoie directement à son monospace, puisque le concert a été gâché. On va dire que c’était la même chose mais en bien plus fort. On en reparlera une autre fois.
















Arrivent les japonais de Melt Banana. Ils mettent un temps fou à s’installer et après l’ambiance pourrie du concert de Chevignon l’excitation est à son comble. Melt Banana c’est aussi le spectacle assuré et le défouloir pour tous. J’ai écrit plus haut que le groupe ne propose plus rien de nouveau depuis des lustres et bien j’ai eu tort. Le concert démarre avec uniquement Yako et Agata (soit respectivement la chanteuse et le guitariste de Melt Banana) tous seuls sur la scène. Yako chante et utilise son pad désormais habituel – elle l’avait déjà la fois précédente – tandis qu’Agata utilise un laptop et un pad lui aussi. Les deux jouent dans le noir, juste avec une lampe frontale qui leur donne des airs de fantômes. Je comprends alors qu’en première partie Melt Banana joue dans sa version lite, celle que l’on avait pu découvrir en écoutant le Live version.0.0. Alors que le disque n’était pas très intéressant Melt Banana Lite est plus convaincant sur scène bien que ce fut un poil trop long.
Arrivent ensuite bassiste et batteur et c’est parti pour un vrai concert du groupe. Cette fois rien de nouveau, Agata est toujours ce guitariste maniaque, précis, efficace et tranchant. Melt Banana est définitivement une machine bien huilé, le concert de ce vendredi soir était quasiment la copie conforme de celui que le groupe avait donné au même endroit il y a deux ans et les japonais ressortent leur armada de tubes (anciens et nouveaux) pour le plus grand bonheur de leurs fans surexcités. Ils nous refont même pour la énième fois le coup des dix compositions jouées en deux minutes, haha ha.
Il est donc arrivé à Melt Banana ce qu’il est arrivé à The Locust : les concerts du groupe se sont transformés en performances ultra carrées et prévisibles, le fun en plus. Ce fun a toujours été un côté non négligeable chez Melt Banana mais je préférais lorsque le groupe mélangeait son sens du cartoon à un côté plus rêche et plus punk. Trop de gimmicks mis en scène tuent la musique mais ce fut l’occasion d’une belle suée et l’unique tentative mensuelle de faire un petit peu de sport. Mais je ne suis pas sûr cependant que j’y retournerai la prochaine fois, à moins d’être réellement en manque.