Je ne sais pas grand-chose de 202project mis à part que JP Marsal, l’homme qui se cache derrière cette appellation contrôlée, joue tout seul et de tous les instruments sur ce premier album intitulé Total Eclipse. En y réfléchissant bien j’ai même du voir 202project un jour en concert et il me semble aussi avoir vu JP Marsal il y a très longtemps aux côtés de Tamagawa lors d’un concert des plus réussis mais comme on me souffle dans mon oreillette que depuis ces deux là se sont brouillés à mort je préfère ne pas m’étendre davantage sur le sujet – alors que pourtant les questions d’ego démesuré, en général, ça me connait bien.
202project vient donc de St Etienne/France et Total Eclipse (sortie très officielle le 25 novembre prochain sur le label Le Son Du Maquis) est son premier véritable album alors que notre homme a déjà énormément d’expérience accumulée et d’enregistrements derrière lui comme peut en témoigner sa page bandcamp sur laquelle on peut trouver quelques uns de ceux-ci parmi les plus récents (avec du live et un album complet datant d’un an et uniquement disponible en digital). Ce tout nouvel enregistrement est présenté de la façon suivante : « Total Eclipse est né de l’idée que le monde se trouve à l’heure actuelle dans une situation similaire à une éclipse de soleil, ni soleil, ni lune… Une sorte d’entre deux… A la fois excitant mais aussi un peu tragique (…) La lumière réapparaitra elle et si oui, que verrons nous ? ». Soit une philosophie de l’inconnu abyssal à laquelle je n’adhère absolument pas puisque je suis plus que jamais convaincu que la fin du monde est proche, que l’humanité mérite de disparaître, que seule la souffrance éternelle pourra sauver les civilisations humaines en perdition et que bientôt le règne du chaos arrivera. Un peu plus sérieusement, Total Eclipse peut absolument se passer d’une telle présentation – même si elle semble tenir à cœur à son auteur – car ce disque est plus qu’une bonne surprise de fin d’année ou un enregistrement prometteur : Total Eclipse est un excellent disque, certes sombre mais envoutant et passionnant. Et pourquoi pas même excitant.
Les références les plus évidentes de 202project sont très certainement à chercher du côté de Spacemen 3, remontons même jusqu’au Velvet Underground en passant par les tout premiers Cure, ajoutons y une dose conséquente de kraut rock et de la noisy pop pour assurer un solide pendant mélodique au côté psychédélique de la chose et nous aurons une vague idée des territoires brassés par 202project. Mais à bien y réfléchir la musique de JP Marsal est surtout profondément désabusée pour ne pas dire triste, voire dépressive. Il ne fait vraiment pas chaud là dedans, on n’y voit pas très clair, on ne sait pas trop ce qu’il y a dehors/après – comme lors d’une éclipse totale de soleil, donc – mais on s’y sent bien aussi. L’envoutement est quasi immédiat à l’écoute du très psychédélique premier titre (Hallucination Collective) et ne redescendra pas d’un cran tout du long d’un album qui pourtant va emprunter divers chemins pour nous conduire toujours plus loin dans ce qui semble être un long tunnel sans fin, impression donnée par le final et glauquissime Tuner, titre instrumental de plus de onze minutes lorgnant du côté d’une cold wave poisseuse et d’une musique industrielle primitive du meilleur effet.
Entre ces deux extrêmes 202project/JP Marsal aura fait la preuve de tout son talent de compositeur et d’arrangeur, passant sans complexe d’une pop assombrie et magnifique (Total Eclipse) à un simili electro rock (Raw Club et sa ligne de basse irrésistible), sortant les influences garages du réfrigérateur où elles ont eu le temps de bien macérer et nous gratifiant de lignes de chant qui ne s’oublieront pas de sitôt (La Face Cachée Du Soleil, vraiment très bon). Le chant n’est pas superflu chez 202project, notre homme a su l’habiller d’effets (Drug Me !) pour le rendre plus pertinent mais il sait aussi se passer de sa voix sans que l’on ait la désagréable impression qu’il manque quelque chose (Le Voyage Immobile, In The Air). Et puis il y a les entre-deux comme Bloody Map où le chant est tellement lointain qu’il résonne juste comme un instrument supplémentaire.
On croit deviner que Total Eclipse est un travail au long court, le résultat élaboré par un orfèvre passionné et enfermé dans son atelier pendant des années. Alors on gage que 202project saura confirmer ce coup d’éclat aux allures de brumes délétères ou, mieux, qu’il saura nous surprendre en allant pourquoi pas dans de nouvelles directions tout en ne gardant que la justesse d’une pensée renouvelée.