mardi 9 novembre 2010

Le Singe Blanc / Babylon























Je sais bien que démarrer la chronique du nouvel album d’un groupe en commençant par évoquer le disque précédent peut avoir un effet définitivement désastreux sur les esprits mais il n’empêche qu’il faut bien reconnaitre que Le Singe Blanc avec l’album Baï Ho – accompagné pour l’occasion d’un DVD retraçant une tournée en Chine en 2007, absolument immanquable – avait atteint une sorte de point d’excellence. Je vous avais bien dit que cette chronique démarrait mal. Heureusement les choses sont bien faites au royaume tordu et désaxé du Singe Blanc et le trio n’est pas du genre à se laisser impressionner par une quelconque gloriette éphémère. Dix ans que le groupe existe et Babylon est également la dixième référence du Singe Blanc (si tu ne me crois pas tu n’as qu’à compter toi même). Et puis « point d’excellence » ne signifie pas fatalement « point de non retour ».
Le Singe Blanc a une nouvelle fois la banane du siècle et se faire prendre par surprise est un plaisir constant à l’écoute de Babylon. Entre onomatopées de primates en rut, tirs à vue sur tout ce qui bouge, groove indécent et funk mongoloïde, le programme des réjouissances n’en finit pas de se dérouler. Une véritable orgie. Ah oui… orgie ça fait pas très sérieux, non ? Exactement : j’en connais qui se donnent un mal fou pour avoir un tant soit peu l’air de grands malades psychotiques et irrécupérables, ils le font avec tellement de conscience professionnelle qu’ils en perdent toute crédibilité. Les garçons du Singe Blanc, eux, ne semblent avoir qu’un seul crédo : la débilité au naturel. C’est à prendre ou à laisser. Je prends.
Ceci posé, Babylon ne déçoit donc pas. Ce qui est formidable c’est que ces trois là jouent une musique incroyable, fantastique – au sens littéral du terme – et semblent pour cela faire appel à de multiples influences elles-mêmes tellement barrées que l’on finit par ne plus s’y retrouver. Allons bon, je ne suis même pas sûr que Le Singe Blanc aime réellement les Ruins, The Ex, Magma, les Mothers Of Invention et pourquoi pas aussi les Molecules (ce bon vieux power trio pataphysicien avec Ron Anderson) mais on sent bien parfois des bouts de ceux-ci à travers les neuf compositions que comporte Babylon. On le devine et puis on s’en fout. De cavalcades en galipettes, de hurlements en frénésies, de dérapages en food fights, Le Singe Blanc atomise à peu près tous les repères rassurants de l’auditeur averti. Et comme un auditeur averti ne vaudra jamais plus de la moitié du quart d’un auditeur innocemment curieux et encore vierge, les conséquences d’une telle méthode de déstabilisation ne peuvent être que bénéfiques. Autrement dit si vous ne voulez pas oublier par vous-mêmes les quelques noms cités faute de mieux ci-dessus, Le Singe Blanc s’en chargera pour vous, vous trépanera le crâne non sans délectation, trempera son doner kebab bananier dans votre petite cervelle en ébullition et vous fera recrachera son mélange foutraque par les orbites. Le meilleur des programmes. Et bon appétit.
Babylon est une coproduction entre les labels suivants : Whosbrain, La Face Cachée et Bar La Muerte. Le Singe Blanc publie en même temps un deuxième disque intitulé By, disponible uniquement en vinyle mais téléchargeable gratuitement et en intégralité quelque part sur le site du groupe et comprenant uniquement des reprises du Singe Blanc par quelques collègues primates que l’on aime parfois beaucoup par ici : Pneu, Dure Mere, Death To Pigs, Headwar, Don Vito plus quelques autres… Qui veut du rab ?