Je me rappelle encore très bien de ce mail que j’avais reçu d’un type que je ne connaissais absolument pas et qui me demandait si cela m’intéressait de chroniquer le premier album de son groupe. Un lien permettait aussi de télécharger tout l’album en question mais comme le mail me proposait également l’envoi d’un CD juste au cas où mes oreilles en chou-fleur ne supporteraient pas les mp3 j’ai aussitôt sauté sur l’occasion et exigé le disque en format physique – sinon pas de chronique, oui cela s’appelle du chantage – et quelques jours plus tard j’ai bien reçu Ruban De Möbius, le premier album de Ed Wood Jr. Et je ne l’ai absolument pas regretté.
Si j’ai bien tout compris, Ruban De Möbius aurait également du sortir plus tard en LP avec deux ou trois titres bonus enregistrés avec des invités lors de la release party du CD. Voilà une idée vraiment bonne qui malheureusement n’a pas pu se concrétiser, j’imagine à cause de la crise financière internationale, de Jérôme Kerviel et de Bernard Madoff (rien à voir du tout avec moi) et de l’effondrement – pas pour tout le monde – de l’économie de marché. On vit une époque formidable. Je vous rassure tout de suite, la release party de Ruban De Möbius a bien eu lieu le 1er mai 2010 et quelques invités ont bien joué en compagnie de Ed Wood Jr sur différents titres. Mais donc pas de LP et à la place un CD trois titres intitulé Feats. Chienne de vie. Je ne suis pas totalement sûr que ce sont précisément ces versions d’alors que nous pouvons maintenant écouter sur Feats ou si Ed Wood Jr est plutôt retourné enregistrer après coup quelque part avec ses potes mais l’effet est le même : chaque titre de Feats possède son lot d’invités pour des versions retravaillées.
Zemzon est le premier titre à bénéficier d’une relecture presque totale et malgré l’adjonction d’un Cercueil et d’un Tang ce n’est pas à une mise en bière/bouteille de soda à laquelle nous assistons mais bien à un décollage impressionnant, pied au plancher : la version initiale était déjà très bonne mais avec toutes ces nouvelles bulles en plus – soit une basse et une guitare – Zemzon dépasse largement l’effet Canada Dry. Mais le meilleur titre c’est celui d’après, Art Brut, avec comme invité Mathieu Deprez qui joue de la contrebasse. Je ne sais pas tout vient ce garçon ni où il va mais ses adjonctions offrent une épaisseur et une dynamique fort appréciables à Art Brut qui frise alors l’excellence. Seul le dernier morceau – dont le titre reste intranscriptible ici, on dirait du cyrillique et mon clavier est bêtement en azerty – surprend moins bien qu’il ne démérite pas. C’est seulement qu’il y a ici moins de différences et d’ajouts par rapport à la version de base mais on reste dans le haut de gamme. Précisons que sur ce dernier titre c’est un membre de Klang qui joue.
Feats est donc très loin d’être un EP anecdotique, une vague suite à un premier album remarqué et prometteur. Et décidemment Ed Wood Jr est bien la preuve vivante que l’on peut encore faire avancer le schmilblick math-rock toujours un peu plus loin. Les labels qui se sont cotisés pour sortir Feats sont deux petites maisons que nous rencontrons très souvent dès qu’il s’agit de parler de la production locale, en l’occurrence Swarm records et Whosbrain. Et alors que l’on remarque que la pochette blanche qui contient le CDr a été tout bêtement tamponnée (comme les premiers singles de Shellac) on tombe sous le charme de l’objet, un CD artisanal aura toujours beaucoup plus de gueule qu’un CD manufacturé en boitier cristal.
[et pendant que j’y suis voici les liens des groupes des musiciens invités sur Feats : Cercueil, Tang et Klang – am, stram gram ?]