lundi 22 novembre 2010

Zëro dans une cave = septième ciel























Toute petite tournée d’automne pour Zëro avec comme point culminant les quatre dernières dates en compagnie de The Healthy Boy. Personne n’est censé ignorer que ce garçon barbichu et intriguant joue dès qu’il le peut avec les Badass Motherfuckers, backing band entièrement dévoué à sa cause et composé précisément de trois membres de Zëro sur quatre. Les deux dernières dates de la tournée se sont déroulées à Lyon, dans la cave de la librairie Grand Guignol située au 91 montée de la Grande Côte sur les pentes de la Croix Rousse – cette librairie, en plus de proposer des livres et même des disques de qualité et que l’on ne peut dénicher nulle part ailleurs à Lyon, organise aussi régulièrement des concerts et on peut trouver tout le détail de la programmation ici.
Si la première des deux dates lyonnaise a eu lieu le samedi soir, la seconde est prévue pour le dimanche après-midi à l’heure du thé – 17 heures cela me rappelle le siècle dernier lorsqu’il y avait presque systématiquement des concerts au Rail Théâtre de Vaise, exactement au même horaire et le même jour : la raison en était je crois que cela permettait aux groupes alterno parisiens de pouvoir rentrer chez eux avant le lundi matin et c’était une façon assez génialement efficace d’achever un dimanche morose avant que lui ne vous achève. Un horaire idéal pour une journée de merde.
Mais là ça se passe dans le sous-sol d’une librairie underground – ça fait beaucoup de niveaux en dessous – et la cave de Grand Guignol n’est peut être pas particulièrement aménagée pour accueillir des concerts puisque les groupes jouent au sol, que la sono est très rudimentaire mais l’ambiance est bien là, les vieilles pierres de la voute semblant propices à l’électricité.
















The Healthy Boy entame donc la soirée avec ses Badass Motherfuckers. En plus des trois membres de Zëro le backing band comprend un guitariste qu’à ma grande surprise je reconnais pour avoir joué dans un (très) vieux groupe lyonnais, justement parfois à ces concerts qui se déroulaient il y a une éternité en fin d’après midi le dimanche au Rail Théâtre, alors que j’ai toujours été persuadé que le cinquième membre des Badass Motherfuckers était en fait un musicien de Nantes, comme The Healthy Boy. Qu’importe, le bonhomme en question est un guitariste fin et désinvolte qui va grandement colorer le concert de The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers de ses interventions lumineuses.
La plus grande qualité du concert c’est la voix de Benjamin Nerot. Une belle voix grave, chaude et profonde qui vous réchauffe de l’intérieur. Et si vous ajoutez à cela que notre homme maîtrise quelques bons petits secrets pour élaborer un songwriting de haute volée alliant élégance et émotion, vous aurez une certaine idée de la qualité supérieure du folk blues joué cet après-midi là. Le groupe interprète aussi et surtout les quatre compositions de Tonnerre Vendanges, EP quatre titres enregistré l’année dernière à l’Epicerie Moderne de Feyzin lors d’une résidence d’artiste avec concert de clôture à la clef, concert auquel je n’étais bien évidemment pas allé et je me demande encore pourquoi.
Mais là je me rattrape, depuis la découverte du disque j’espérai enfin voir The Healthy Boy sur scène (enfin le sol d’une cave s’est révélé tout à fait suffisant) pour goûter à son lyrisme rural et enfumé entre Bill Callahan et les premiers Tindersticks. En fait c’est particulièrement le titre Remember Me qui me fait penser à chaque fois à la bande de Stuart Staples, ce titre est le tire-larmes absolu de l’année 2010 et l’interprétation donnée ce dimanche en toute fin de set aura été à la hauteur. A noter également une nouveauté (intitulée je crois Our Story’s Grave) du même niveau que les titres du EP. Vivement la suite, que ce soit sur disque ou en concert.
















On prend presque les mêmes et on recommence. Zëro attaque comme d’habitude avec The Opening et enchaine avec Enough… Never Enough. Le ton est donné, le groupe est en excellente forme et le contraste avec le précédent concert de Zëro auquel j’ai assisté aux Abattoirs de Bourgoin est total. Il y a pas vraiment beaucoup moins de monde dans la cave de Grand Guignol que ce jour là à Bourgoin (malheureusement pour les Abattoirs) mais les conditions sont toutes autres : à une salle super moderne et confortable succède une salle pourrie avec conditions aléatoires mais une salle chaleureuse et le son y est rugueux, brut et finalement bien plus vivant, presque sauvage. La tension du public monte immédiatement d’un cran.
Zëro continue avec une série de nouveaux morceaux – « en fait pas si nouveaux que cela » rigolent ils – qui promettent pour plus tard, notamment le deuxième que le groupe a joué (et encore sans titre) et surtout un Clown In A Crowd qui finit d’achever tout le monde. Va falloir enregistrer tout ça bien comme il faut les gars. Suit directement Pigeon Jelly joué au taquet et, petit bonheur pour les plus anciens, une excellente version du Rock’n’Roll Star de Bästard. La fin du concert montrera toutefois que Zëro n’a pas forcément besoin de piocher dans les vieux titres issus d’une vie antérieure pour assurer un bon concert : Viandox, Cheeeese puis surtout The Cage et Bobby Fischer sont joués presque avec de la rage, en tous les cas avec une âpreté renouvelée alors que souvent on reproche à Zëro de justement en manquer.
C’est fini ? Non pas tout à fait : les personnes présentes en redemandent et le groupe qui de toute façon n’était pas parti bien loin – je rappelle que nous sommes entassés dans une cave sous une librairie – revient pour balancer une version absolument délirante de Load Out puis sa très belle reprise du Hello Skinny des Residents. Que du bonheur.

[toutes les photos, ou presque, du concert sont ici]