Je ne vous raconte pas la surprise que j’ai eu ce jour là en recevant le message d’un vieil ami qui me proposait de m’emmener jusqu’à Saint Etienne pour assister à un concert de The Ex. L’argument était imparable (il reste une place dans la voiture) et l’offre ne pouvait pas se refuser puisque lors du dernier passage de The Ex à Lyon – fin décembre 2009 au Grrrrnd Zero – j’avais du faire l’impasse pour des raisons… professionnelles. Travailler un samedi soir ça devrait être interdit et d’ailleurs, depuis, je me le suis justement interdit.
Après une prise de contact auprès de l’Equipe du Fil (merci !) pour savoir si j’avais le droit de me pointer au concert avec mon appareil photo pour immortaliser ce moment et la réponse ayant été positive, il ne m’a pas fallu réfléchir très longtemps pour me dire que, oui, j’allais faire la route jusqu’à Sainté et revoir The Ex pour la première fois depuis au moins sept ans. Joie. Catch My Shoe, le dernier album en date du groupe et le premier avec Arnold De Boer au chant, tient du miracle : beaucoup ne croyaient pas les hollandais encore capables de faire aussi bien. Et, pour être honnête, avec cet album The Ex a fait mieux que bien, le groupe est tout simplement revenu à un niveau d’excellence.
Après quelques appels de phares, insultes campagnardes, doigts d’honneur, excès de vitesse, dépassements hasardeux et cascades en série sur l’autoroute qui mène de Lyon à Saint Etienne nous voilà donc tous arrivés sains et saufs. La salle du Fil est moderne mais super agréable – bien que je n’en verrai que le club (aka le bar) puisque la grande salle restera fermée, un concert de The Ex ne justifiant semble t-il pas une capacité démesurée. Le Fil est une Smac donc voit défiler des musiciens d’horizons très divers, lesquels peuvent également y effectuer des résidences d’artistes. Cette spécificité est bien française et pourvu que ça dure. Entre les affiches très variées et collées au dessus du bar je remarque celle de The Ex ou celle de Zëro. Il en faut pour tous les goûts et je suis heureux de constater que malgré les craintes des organisateurs la salle se remplit de plus en plus.
En première partie Bob Log III vient faire son chaud. Bob Log est un paysan basé à Tucson/Arizona qui joue tout seul sur scène un blues punk rudimentaire et dévoyé avec quelques artifices bien trouvés : il assure la rythmique avec ses pieds (pour un résultat assez casserole métallique) et pour le chant il a collé un combiné de téléphone sur un casque d'aviateur (?). Il ressemble ainsi à un gros insecte un peu inquiétant. Il joue en slide et en finger picking – il va même s’amuser un moment à expliquer sa façon de jouer au public – et plutôt bien ma foi. S’il démarre le concert tout engoncé dans un costard digne d’un vieux rocker décadent nostalgique d’Elvis Aaron Presley (période pré service militaire), il va très vite l’enlever pour laisser apparaitre une combinaison bien moulante avec incrustations de faux brillants digne cette fois d’un homme canon nostalgique lui aussi du King mais plutôt de sa période Las Vegas. Bob Log III c’est un drôle de mélange de kitch et de clinquant et de cheap cradingue.
Une fois la surprise du folklore bobloguien passée et la répétitivité de la musique aidant, le spectacle finit par contre par tourner en rond. On imaginerait plus Bob Log dans une mare de pisse et de bière et dans l’épaisse fumée bleue d’un bar à putes de Tijuana que sous les lumières de scène omniprésentes et les fumigènes d’une salle de concerts subventionnée de la vieille Europe. Je me désintéresse très rapidement du bonhomme et de sa musique qui trop souvent sonne un peu facilement comme du Pussy Galore anesthésié, même lorsque Bob Log fait monter sur scène et assoir sur ses genoux une jeune fille gironde du public pour interpréter son single interplanétaire I Want Your Shit On My Leg'. Heureusement pour Bob que je ne suis qu’un grincheux psychorigide et qu’une bonne partie des gens qui se sont déplacés ce soir l’ont fait pour lui et semblent apprécier son trip. Il a sûrement donné un bon concert mais ce fut sans moi. Je me dirige donc vers le bar commander la première bière de la soirée, m’étonne un peu de son prix mais découvre rapidement que c’est parce que mon verre est consigné contre un euro. Une bonne idée pour éviter la corvée d’après concert de ramassage des gobelets en plastique.
Cela s’active sur la scène. Normalement c’est au tour de Xavier Charles de jouer mais tout le matériel de The Ex est également mis en place, prêt à l’emploi. Je comprends que le clarinettiste va commencer tout seul avant d’être rejoint par le groupe. Les deux effectuent ensemble toute une série de dates entre le 20 et le 26 novembre en France et ce n’est pas la première fois qu’ils le font. Malgré une présentation chaleureuse de Xavier Charles par Arnold De Boer l’attention n’est pas à son comble lors de l’improvisation solo du clarinettiste. Même lorsqu’on est collé à la scène on entend distinctement les bavardages et les rires derrière, en provenance du bar.
Ils sont donc là, tous les quatre sur la scène du Fil : The Ex. Et l’effet est immédiat. Cela fait un peu drôle de voir The Ex avec un nouveau chanteur, sur une scène aussi belle et haute et avec une telle profusion de lumières lorsqu’on les a découverts pour la première fois en concert il y a presque vingt ans dans un squat des pentes de la Croix Rousse à Lyon mais le groupe est resté égal à lui-même, en dépit des années et des changements de musiciens. The Ex, le groupe positif par excellence, le groupe qui s’engage sans virer au dogmatisme, le groupe qui te donne un sentiment profond du collectif sans transformer ses concerts en grande messe festive pour alternos du samedi soir.
Bien évidemment l’album Catch My Shoe est uniquement à l’honneur pendant le concert or quoi de plus normal : Arnold De Boer apporte du sang frais à The Ex tout en assurant une certaine continuité dans la musique du groupe et Catch My Shoe est le seul enregistrement de cette « nouvelle » formation de The Ex mais – comme on l’a déjà dit – l’album étant particulièrement bon, qui s’en plaindrait ? Xavier Charles est rapidement de retour sur scène, son jeu s’intègre parfaitement à celui de The Ex, que ce soit pour exposer une mélodie, un thème ou pour partir en vrille lors des improvisations explosives qui terminent chaque titre joué avec un entrain grandissant. Katrin chante Eolyo, sa voix bien qu’ayant un peu vieilli est toujours aussi émouvante et en fin de set The Ex nous gratifie d’une version démentielle de 24 Problems.
Le public en redemande et les cinq musiciens reviennent sur scène. Cette fois ils joueront des titres anciens et très loin de calmer les ardeurs ils seront obligés de revenir une seconde fois. Ils joueront alors State Of Shock, leur titre le plus emblématique avec un public chantant en même temps que Xavier Charles aura la lourde tâche d’exposer la mélodie autrefois jouée par le violoncelle du grand Tom Cora auquel il ne sera pas manqué de rendre hommage. Et c’était tout simplement magique. State Of Shock fait toujours le même effet, complètement irrésistible. Cet effet qui te colle des étoiles dans les yeux pour plusieurs jours encore après le concert.