mardi 15 septembre 2009

Tapetto Traci / Neurula


















A Tant Rêver Du Roi c’est le label qui a sorti la magnifique version en vinyl rouge du Heavy de Kourgane. C’est à peu près le seul point de repère auquel j’ai pu me raccrocher lorsque ce Neurula a débarqué, point de repère bien ridicule il faut l’avouer et qui s’explique sûrement par le fait qu’A Tant Rêver Du Roi comme Kourgane viennent du même bled : Pau. Bien malin qui pourrait en tirer des conclusions pertinentes à propos de Tapetto Traci. Des points communs, mise à part la nature du nom des deux groupes, pas très courants ? Pas vraiment… quoique… va savoir. La feuille de chou accompagnant le disque indique sobrement que la musique de Tapetto Traci est à situer entre Magma, Zu, Sweep The Leg Johnny et Primus, ce qui pour moi ne veut absolument rien dire du tout puisque dans cette petite liste j’exècre tout particulièrement deux de ces groupes tout comme j’apprécie particulièrement les deux autres (je vous laisse deviner lesquels ?). Faudrait jamais lire ces trucs. Faudrait jamais les imprimer non plus, messieurs dames des labels, ça ferait des arbres en plus dans les forêts du Béarn ou d’ailleurs.
Tapetto Traci
, donc. Une formation pas très courante dans nos contrées sauvages : saxophone /guitare/basse/batterie. Un sérieux niveau d’instrumentistes. Une musique que l’on aurait plutôt imaginée naître du côté du downtown new-yorkais dans la deuxième moitié des années 90, on pense évidemment à Gutbucket, parfois au Alas No Axis de Jim Black ou à Tiny Bell Trio mais également aux deux premiers albums du Vandermark 5, à l’époque où Jeb Bishop (ex Flying Luttenbachers) sortait encore sa guitare électrique pour foutre le bordel dans les compositions un rien trop sages du grand Ken. Tapetto Traci ne joue pas vraiment du jazz mais pas du rock non plus. Et heureusement pour nous Tapetto Traci ne joue surtout pas du jazz rock.
Du jazz le groupe a tiré un sens mélodique poussé, des thèmes forts et accrocheurs, des mesures qui se divisent par trois (je suis nul en mathématiques) et naturellement une partie de son instrumentation, ce foutu saxophone qui vous pirouette les sens sans vous perdre en route ni vous donner mal à la tête. Du rock, Tapetto Traci a pris tout le reste, c'est-à-dire une sacrée rythmique qui vous groove le sacrum à l’énergie, du binaire qui vous arrache une cervicale à chaque break et des poussées de fièvres hargneuses qui n’en démordent pas, font monter la pression de manière insistante et jouissive jusqu’au pinacle -ce truc inaccessible et perdu au loin qui, s’il a tout à coup disparu de votre vue, c’est tout simplement parce que vous êtes précisément en équilibre au dessus par un inexplicable phénomène de lévitation. Le point commun avec Kourgane est peut être là, dans cette insistance ascensionnelle, cette tension inexorablement croissante défiant les lois de la gravitation (écoutez donc attentivement Déraison).
Pour compléter le tableau, signalons la présence de quelques cris, précisons également que si la basse claque parfois sous les doigts de celui qui en joue c’est toujours avec élégance et que le son de la guitare, s’il n’outrepasse pas les règles explosives de la saturation hard core, est suffisamment affûté pour déchirer. Tapetto Traci n’est définitivement pas un groupe de jazz rock ou de neo prog comme il en fourmille tant en ces temps d’obscurantisme post moderne, Trapetto Traci est un groupe de jazz fougueux qui joue comme un groupe de rock bruyant. Bravo.
[Le groupe est en mini tournée dans la moitié sud de notre beau pays au cours de la fin octobre. Par exemple il jouera le 25 octobre au Lyon’s Hall en compagnie des inratables Poutre et des furieux Jubilé.]