mercredi 9 septembre 2009

Jesu / Infinity





















Même les plus sarcastiques commençaient à s’inquiéter : Justin Broadrick a ralenti le rythme en cette première moitié de l’année 2009, s’abstenant de publier un nouvel enregistrement (sous le nom de Jesu ou autres) tous les deux mois. Cela ne veut pas dire qu’il ne bossait pas tout seul dans son coin. Certes non. La preuve, après avoir enfin fait publier le premier album de Greymachine il annonce un nouveau mini album de Jesu pour cet automne -Opiate Sun est prévu pour le 27 octobre sur le label californien Caldo Verde- et tant qu’à faire il se sert de son propre label Avalanche pour nous balancer en pâture cet Infinity dont l’artwork forestier digne d’un groupe de black metal écolo crust est particulièrement apaisant. Jesu en compagnie des loups ? Jesu buccolique ? Jesu in the sky with diamonds ? Jesu mais je sais plus ? Toutes les déconvenues des derniers enregistrements du groupe remontent aussi sec à la surface. Première surprise, Infinity est composé d’un seul titre d’une cinquantaine de minutes. Les notes imprimées à l’intérieur du digipak nous apprennent également que Broadrick a bidouillé Infinity tout seul à la maison (pas de Diarmuid Dalton ou autre à l’horizon).
Cela commence de façon assez inquiétante par un mauvais gimmick electro vite complété par une guitare légère. Cette courte intro laisse la place à la boite à rythmes (beat très ralenti mais double grosse caisse) et à une basse et une guitare rythmique presque typiques des années Godflesh. On tend donc l’oreille et on ne lâchera plus trop l’affaire jusqu’à la fin de ces cinquante minutes. Infinity ne retrouve pas la teneur tour à tour lourde et aérienne du premier mini album de Jesu ni même le brouillard du premier long format sans titre du groupe mais Justin Broadrick renoue enfin avec quelques tics de langages qui commençaient sérieusement à nous manquer. Typiques de Jesu, il y a par contre toujours ces lignes de guitare cristallines et ce chant niais noyé sous les effets mais à partir de la dixième minute Infinity tend inexorablement à épaissir son propos, gardant toujours ses marques mélancoliques, multipliant les arpèges de guitare et variant subtilement les ambiances. Lorsque le chant hurlé apparaît on n’y croit tout d’abord pas, presque choqué par cette incongruité surgissant sans crier gare au milieu de ces beaux paysages sauvages. La double grosse caisse en profite pour refaire parler d’elle elle aussi et déjà on passe à autre chose (de belles harmoniques avec un synthé lointain). Sur Infinity Broadrick ne se contente donc pas de faire tourner ses plans en roue libre ou plus que nécessaire -au risque de donner une impression de composition catalogue- et lorsque la musique vire à de l’ambient ténu on suit sans se poser trop de questions.
Il faut toutefois avouer que l’ennui finit par guetter, manque d’homogénéité d’un enregistrement parfois maladroit. Ainsi la fin du disque souffre d’une baisse de tension évitée que de justesse grâce à une certaine grandiloquence ou grâce à un beau motif simple et efficace à la guitare avant un final qui lui traîne beaucoup trop en longueur (mais on admire le son particulièrement pur puis saturé de la six cordes). Justin Broardick a ainsi presque réussi son pari : faire tenir un titre de Jesu debout pendant cinquante minutes, multipliant les parties tout en gardant un certain minimalisme dans la composition. On est à mille lieues d’un pudding progressif. Malgré l’aspect catalogue déjà évoqué on est loin aussi de la démonstration compositionnelle. Non, il y a une sorte d’humilité dans Infinity, une humilité qui confine à l’apaisement et au recueillement. Malgré les quelques attributs empruntés à Godflesh et que l’on retrouve ici, les vieux fans de Broadrick risquent encore de se sentir frustrés et/ou de hurler à la trahison.