dimanche 6 septembre 2009

Noise Noise Noise























C’est la rentrée. Du moins c’est comme cela que l’on appelle cette période de l’année. Chacun revient (ou pas) de ses vacances et s’élance à corps perdu dans une dernière ligne droite pour achever une année de merde supplémentaire en espérant que la prochaine sera un peu moins pire. Là, tu peux toujours rêver. Le moral est aussi beau et chaud qu’un quinze août caniculaire -c’est l’impression d’étouffer qui prédomine.
La rentrée c’est surtout la reprise des concerts. Après avoir fait l’impasse pendant deux mois sur toutes les manifestations musicales publiques, je me décide enfin à ressortir de chez moi. Ce n’est pourtant pas les occasions qui ont manqué : un concert organisé à Grrrnd Zero début août avec quelques bons groupes du coin (The Rubiks entre autres) ou des concerts de punk/crust/hard core organisés dans un squat du 8ème arrondissement doté d’un très joli nom -Le Chant Des Sirènes- et que je n’aurais même pas pris la peine de visiter… une session de rattrapage semble toutefois encore possible puisque les toujours très impressionnants Asshole Parade y joueront le 20 septembre prochain.
Surtout, pour des raisons diverses et variées, j’ai fait l’impasse sur Heirs (un bon report de la soirée à lire ici) et malheureusement sur le concert de Jello Biafra & The Guantanamo School Of Medecine organisé chez les ploucs de la Tannerie de Bourg-En-Bresse. Je m’en bouffe encore les doigts.























J’ai besoin d’un curetage neuronal (c’est la seule solution qui reste quand on n’arrive plus à penser à rien) et Astro me semble être le bon remède. Astro c’est le pseudonyme qu’à choisi Hiroshi Hasegawa pour son projet solo après la séparation de C.C.C.C. -l’un des groupes harsh parmi les plus virulents et destructeurs de la scène bruitiste japonaise ayant émergé vers la fin des années 80, début des années 90, et à ranger aux côtés des insurpassables Merzbow ou Hijokaidan. Les enregistrements d’Astro ont cette réputation de laisser un peu plus de place aux délires psyche-ambient que ceux de feu C.C.C.C. -désormais Hasegawa utilise beaucoup les synthétiseurs analogiques EMS, voir certains passages vraiment étonnants de l’album Astral Orange Sunshine chez Blossoming Noise- mais en toute logique la quarantaine de personnes réunies ce soir au Sonic devraient s’en prendre plein la gueule. Ou comment se défouler pour pas cher.
C’est justement Astro/ Hiroshi Hasegawa qui commence la soirée, non sans avoir enfilé des mitaines et allumé des brins d’encens : on espère très fort qu’il ne va pas nous refaire le coup du revival patchoulis/brocolis -en fait c’est la bonne vieille méthode du timing à la Fluxus : notre bonhomme a prévu de jouer quarante minutes, c'est-à-dire le temps de combustion des brins d’encens. Derrière ses airs de vieux shaman (cheveux longs et barbichette à rallonge), Hiroshi Hasegawa va nous prouver qu’il est un vrai terroriste.


















Le début du concert est certes peu engageant ou plutôt il est dans le registre nappage et coulis d’atmosphères sauce méditation, Hiroshi Hasegawa cherche le larsen, le trouve mais le laisse repartir. Il flotte une impression pas désagréable du tout, genre mes oreilles sont mes amies, mes neurones sont en stand-by, si je pouvais m’allonger par terre je le ferais, tout ceci est bien confortable et presque relaxant.
Sûr que ce putain de larsen et que les murs de feedback sont revenus au galop, pénétrant dans les esprits endormis comme dans du beurre, avec une énorme débauche d’hyperviolence libératrice. Plus de cervelle = pas de séquelles est la devise d’Astro qui montre alors son côté le plus harsh, s’employant avec maîtrise et efficacité à détruire tout semblant de compréhension musicale au delà même du seuil de la douleur (ce que certains appellent le bruit blanc, générateur d’harmoniques que seuls les sourds peuvent entendre). Un vrai bonheur et tout ça avec trois fois rien de matériel installé sur une petite table : quelques effets, une mixette, deux plaques de métal reliées à des micros et c’est tout. La grande classe. 























C’est la pause. Kouhei Matsunaga s’apprête à jouer à son tour. Il aurait mieux fait de continuer à fumer de l’herbe catégorie A comme pendant tout l’après midi. Ce japonais installé à Berlin n’est pas un inconnu puisqu’il est membre du collectif NHK. Il pratique une musique électro chargée de sonorités froides oscillant entre le hip-hop et le break beat et s’amuse de temps en temps à jouer avec des amuseurs publics notoires tels que Mika Vaino ou Merzbow (oui, encore lui).
Les premières secondes du set joué par Kouhei Matsunaga sont instantanément pleines de promesses : on y décèle sans peine une très forte odeur de Scorn/Mick Harris. Malheureusement il ne se passe vraiment rien, le musicien est bloqué derrière son laptop comme s’il cherchait à localiser la souris sur l’écran, les beats sont laids, les sons tombent à plat -dans le sens littéral du terme : façon pets foireux- et j’ai largement le temps de faire quelques allez et retours entre la salle et l’extérieur pour me rendre compte que sur scène c’est le désert le plus complet, Kouhei Matsunaga n’a pas bougé d’un poil et sa musique ressemble de plus en plus à un blob réfractaire à la cryogénisation sous azote liquide.
Je suis bien décidé à rester dehors avec mes deux meilleures amies dans chaque main lorsque un rythme plus soutenu et une voix attirent mon attention. Je redescends derechef pour voir un escogriffe tout maigre freestylant au micro tout en s’appuyant sur une canne. Merde. J’ignorais totalement que Grand Corps Malade devait également être de la partie. Le tchatcheur en question est membre de Puppetmastaz, je fuis aussitôt. Et je ne suis pas le seul. Le set n’a heureusement duré qu’une demi heure.
Hiroshi Hasegawa et Kouhei Matsunaga avaient prévu de jouer ensemble pour une troisième partie. Mais comme ils avaient oublié de prévenir l’orga, celle-ci n’a pas retenu les personnes du public quittant la salle. C’est ballot. C’est parmi un parterre de poivrot(e)s que se termine la soirée, avec en prime quelques anecdotes concernant le concert de Jello Biafra & The Guantanamo School Of Medecine de la semaine précédente -ouah au moment où ils ont joué California Über Alles et Holidays In Cambodia j’ai fait dans ma culotte, trop énorme- anecdotes qui achèvent de me ronger de regrets. Loser.