On va encore parler des Melvins, sujet inépuisable s’il en est. Voilà en effet un groupe - considéré comme le meilleur du monde par quelques fanatiques, haï au plus haut point par ses détracteurs mais laissant rarement indifférent* - qui continue d’alimenter les conversations depuis vingt ans. La méthode de la bande à King Buzzo et Dale Crover est très simple : les Melvins vous emmerdent. Dernière fumisterie en date, l’album de remix. Toujours sur Ipecac, ce nouveau méfait s’intitule Chicken Switch, est orné d’un artwork rose à gerber (le poulpe tagada à l’intérieur était pourtant bien plus joli) et propose quinze réinterprétations/reconstructions de chaque album des Melvins. Oui, on y croit très fort, chaque titre est un remix non pas d’un hymne melvinsien mais d’un album (entier ?) de cette bande de nerds malfaisants.
La liste des bouchers charcutiers qui ont opéré sur Chicken Switch est un who’s who du bruit et de l’expérimental, aucun nom inconnu en ce qui me concerne mais quelques surprises comme la présence de Farmersmanual - je croyais le groupe défunt depuis fort longtemps - ou Lee Ranaldo qui devait sûrement avoir un après midi de libre lorsque on lui a demandé de s’occuper d’Eggnog (qui n’est pas un album mais un 10 pouces 4 titres et l’un de mes Melvins préférés). Quelques uns - Christoph Heemann (le vétéran de H.N.A.S. ?), Sunroof! aka Matthew Bower de Skullflower en version ambient mushrooms, RLW aka Ralf Wehowski (vielle gloire de la musique industrielle avec P16D4), Panacea (mauvais électronicien bodybuildé) et $peedranch (le DJ malade ayant entre autres officié aux côtés de James Plotkin au sein d’Atomsmasher) - ont essayé de faire quelque chose de différent du matériel originel. Différent mais sans grand intérêt.
On ne peut pas dire non plus que ces cinq là ont été hors sujet tout simplement parce que de sujet il n’y en a pas. Ou plus basiquement, le sujet c’est les Melvins, gros bloc de musique dont on ne peut pas retrancher grand-chose ni ajouter quoi que ce soit. Tous les autres intervenants l’ont bien compris et ont l’air terriblement gênés aux entournures, conscients de l’impossibilité d’une démarche qui a tout du canular. Ainsi, copié-collés de gros riffs et de rythmiques pachydermiques agrémentés d’effets débiles (c’est trop bien de jouer avec le pitch) se suivent et se ressemblent. Quelques passages atmosphériques ou cassures et le - mauvais - tour est joué. Seul Merzbow s’en sort à peu près, non pas en montant tous les potards dans le rouge mais en reconstruisant tant bien que mal un semblant de composition dotée d’une étrangeté reptilienne, c’est la meilleure contribution de Chicken Switch. Il y a aussi Matmos qui nous pond un titre d’electro rock vaguement couillu et spatial, sauf qu’encore une fois on s’en fout un peu.
Jusqu’ici il y avait deux albums des Melvins particulièrement détestés par les fans du groupe : l’album Prick publié sur Amrep en pleine période Atlantic records uniquement pour faire chier la maison mère et le live Colossus Of Destiny et sa ragougnasse bruitiste. Comme j’arrivais à supporter voire à apprécier ces deux disques, j’ai enfin trouvé en Chicken Switch le disque des Melvins que j’abhorre. Merci les mecs.
* les Melvins font également partie de cette catégorie de groupes - comme Sonic Youth - que l’on aime détester