vendredi 26 février 2010

Bästard / Blind Sink






















Blind Sink est le deuxième enregistrement notoire de Bästard, après un premier album ahurissant et sans titre paru en 1994 – celui dont la pochette pourrait bien représenter une morte avec les yeux grands ouverts. Les cinq lyonnais – cinq mais plus pour très longtemps encore – sont plus que jamais en appétit et comme à l’époque des Deity Guns enchainent les enregistrements. Blind Sink, joyau de l’année 1995 (à égalité avec le 10 pouces China Town sorti quelques mois après et marquant un changement certain dans l’orientation musicale du groupe en même temps que le rétrécissement du line-up d’origine) avait été publié par Zeitgeist, un micro label monté par les gens de Semantic distribution et s’occupant également des disques des petits camarades de Sister Iodine. Il me semble aussi me rappeler d’une histoire comme quoi à l’époque Bästard voulait plus ou moins changer de nom pour ne pas risquer d’être confondu avec un homonyme américain*, ce qui explique que sur la version originale du disque les mots Blind et Sink entourent le nom de Bästard mais l’infographiste n’ayant pas renouvelé cette manipulation typographique sur la tranche du CD et le groupe décidant que finalement cela n’avait rien d’important, Bästard est finalement resté Bästard et Blind Sink est le meilleur disque des lyonnais. Le meilleur ? Allez, je veux bien concéder qu’il ne s’agit là que de mon préféré.
Le label Killed By An Axe records a eu cette idée complètement folle quinze années après d’éditer Blind Sink en vinyle pour la première fois et à trois cent exemplaires. L’objet est magnifique, l’illustration de la pochette plus belle que jamais, le vinyle est confortablement épais et au risque de passer une nouvelle fois pour un réactionnaire, le support vinyle est vraiment celui qui va le mieux à l’incroyable musique de Bästard – on espère donc que le premier album (n’étant à l’époque sorti lui aussi qu’en format CD**) bénéficiera du même traitement. Il n’est jamais trop tard.
Aujourd’hui, à la réécoute des six titres de Blind Sink, ce qui frappe le plus c’est la brutalité – si bruitalité existait c’est ce terme là qu’il faudrait employer – d’un groupe ne s’embarrassant guère d’artifices et de mises en bouche. Death Party débarque à peine que l’on est subjugué par les guitares, les bidouilles de J-M Berthier et l’énergie d’une rythmique qui n’a rien à envier à celle que développaient auparavant certains de ces jeunes gens au sein de Deity Guns. Si Mud est moins rentre dedans, on y apprécie la mise en place reptilienne, les percussions qui rappellent les copains de Cop Shoot Cop et le mélodica qui vient brouiller les pistes avant l’intervention d’une guitare en mode gratouillis. Daddy’s Lipstick c’est un peu ces deux aspect là réunis, c'est-à-dire la ténacité d’une véritable énergie alliée à un sens de plus en plus poussé de l’expérimentation – le même J-M Berthier se fait une nouvelle fois plaisir en balançant même une ritournelle sixties dont il a toujours eu le secret.
On change de face et on se retrouve nez à nez avec Veil Of Light, donc une reprise des Pain Teens (de l’album Case Stories de la bande à Bliss Blood, jumelé en CD avec Born In Blood), un choix judicieux et une interprétation parfaite de la part de Bästard, malade, entêtante et irrésistible avec son gimmick à la guitare. Gladiator est le titre le plus sauvage de Blind Sink, hystérique et tribal, laissant malgré tout suffisamment de place à la fausse doublette Warriors/Friends, plus raffinée et marquée par les rondeurs d’une basse toute en force et en même temps toute en souplesse. Aujourd’hui encore Blind Sink s’impose comme un très grand disque, un pur instantané de grâce brute et d’invention et démontre toujours que personne à l’époque ne pouvait espérer rivaliser avec Bästard.

* à moins que cette idée saugrenue n’ait été le fait de Zeitgeist… Blind Bästard Sink c’était de toutes façons trop long et trop laid comme nom
** edit : ceci s'avère être complètement faux... mais on aimerait bien une réédition en vinyle de ce premier album quand même

jeudi 25 février 2010

Loverman / Human Nurture























Si vous voyez un jour en vrai ce mini album de Loverman*, vous aurez la surprise de constater qu’il s’agit d’un double 12’ : le premier est celui qui est représenté là, juste au dessus, un magnifique picture disc qui me rend complètement chèvre, avec cinq titres et tournant en 45 rpm, tandis que l’autre est un vinyle noir tout ce qu’il y a de plus classique avec exactement les mêmes cinq titres. Human Nurture : plutôt deux fois qu’une ? Quelle idée… Loverman a donc imaginé le vinyle qui sert en même temps de pochette et que l’on peut accrocher au mur pour épater la galerie. Tu écoutes une seule fois le picture disc pour en avoir le cœur net et après tu laisses tomber, tu te contentes du vinyle noir pour goûter au blues noise gothique des anglais tout en regardant la jolie image punaisée au dessus de ton feu de cheminée. Young And Lost Club doit vraiment être un label très généreux pour avoir acquiescé à cette superbe fantaisie. Mais cela en valait il vraiment la peine ?
Là, on peut être nettement moins enthousiaste. Ou mesurer ses propos. Le premier titre, Crypt Tonight, ranime la flamme d’un rock’n’roll goth et théâtral – rien de fondamentalement exubérant non plus, le clip de Crypt Tonight développerait plutôt ce maniérisme qui donne envie de fuir alors que la chanson en elle-même est vraiment bonne. Une musique à situer du côté d’un psycho punk volontairement dark, quelque part entre les Cramps et Bauhaus (pour faire vraiment très large) et semblant reprendre le flambeau dont les compatriotes d’Eighties Matchbox B-Line Disaster n’ont plus réellement l’air de s’occuper (qu’il est loin l’album The Royal Society, ne parlons même pas de Horse Of The Dog). On note en effet quelques similitudes entre Loverman et le groupe de Guy McKnight, cette voix grave de crooner destroy à faire mouiller les petites culottes en particulier. Gasp, le deuxième titre de cette première face est pas mal non plus, malgré un semblant de refrain qui donne envie à votre petit frère de hurler en chœur et vous donne donc envie à vous de lui foutre quelques baffes bien placées pour lui apprendre à vivre. Non mais.
Là où ça se gâte vraiment c’est avec Shoot The Pig, une horreur lourdingue frisant la complainte hard FM – voyons voir… Iggy Pop + Brian Adams ? – et que l’on ne peut décemment pas tolérer. Une faute de goût totale. Fort heureusement Barbs relève immédiatement la moyenne générale malgré une très forte tentation pour la guimauve pleurnicharde pour corback largué par sa gothopouffe d’amour. Alors oui, on patiente, on a peut être tort mais on patiente, faisant fi de la production surdimensionnée du disque, une production cosignée Joe Barresi – un ponte capable du pire (Queens Of The Stone Age, Isis, Backyard Babies, Bad Religion, Tomahawk) comme du meilleur (Saviours, les Melvins et encore les Melvins) – et Atticus Ross qui n’est pas un centurion homosexuel échappé de La Vie De Brian mais un type qui a produit des groupes qui me sont encore plus étrangers que ceux figurant dans la liste des pires de son collègue Baressi. Gros son = grosse bouse, voilà une équation simpliste qu’il est trop tentant d’appliquer à Human Nurture dont on sent qu’il aurait pu décoller bien plus que ça avec un minimum de cradeur supplémentaire, avec quelque chose ressemblant à du foutre et de la sueur et non pas à une vodka/redbull pour teuffeur peinant à bander. Un dernier titre, le bien nommé Miracle, redonne heureusement espoir – entre espoir et illusion il y une différence que même le punker lambda astigmate, myope et bourré arrive à détecter – et Human Nurture évite de justesse de finir sa course folle dans la fosse à purin. Avec Loverman tous les espoirs sont donc désormais permis mais toutes les déceptions sont également possibles.

* le monospace du groupe ne sert à rien puisqu’il n’y a rien dessus, une histoire de censure suite à la pochette de ce disque

mardi 23 février 2010

Jim O'Rourke / The Visitor


Un disque qui vous pose un gros problème (pas si gros, n’exagérons rien …), c’est quand même plus palpitant qu’un disque dont on sait à l’avance – et sans l’écouter, tu ne crois quand même pas que je passe réellement tout ce temps dans la vraie vie à me taper autant de disques/mp3 que ce que je veux bien raconter – donc un disque qui pose un problème c’est finalement beaucoup plus amusant qu’un disque pour lequel on n’a pas besoin de se triturer le cortex plus de deux écoutes et demi pour décider qu’on l’aime, qu’on le déteste ou qu’on en a rien à foutre. Oui, OK, l’instinct c'est souvent très bien et ça marche quasiment à tous les coups : chair de poule + boner irrépressible = disque de l’année, lavage de la vaisselle en retard depuis deux jours + sieste du guerrier fatigué = disque qu’on s’en tape le coquillard, balade en vélo avec les gosses + bonnes résolutions pour la nouvelle année ou ce qu’il en reste = disque que l’on va s’empresser de revendre à quelqu’un que l’on déteste. Une nomenclature facile et efficace qui vous avale n’importe quelle galette. Les exceptions à cette méthode de rangement testée et approuvée ne courent pas les plateformes de téléchargement illégales mais lorsque on tombe sur l’une d’elles, la catastrophe personnelle n’est pas très loin.
The Visitor, livraison 2009 de Jim O’Rourke pour Drag City était, est toujours cette couille dans le potage. Voilà un disque qui m’est littéralement tombé des mains et des oreilles dès la première fois mais que je n’ai pas cessé de réécouter depuis, pas trop souvent mais régulièrement, tout en y repensant de temps à autre dans l’intervalle. Un disque qui vous colle aux oreilles comme une grosse merde à la queue d’un chien ou comme une réputation de social traître à un ancien directeur de publication de Charlie Hebdo. La poisse. La chienlit. Une vraie malédiction. Et en même temps un titillement qui fait plaisir. Parce qu’il faut bien se rendre à l’évidence: si The Visitor, objet sonore au départ insignifiant et rébarbatif, montre des effets secondaires aussi persistants c’est bien qu’il a quelque chose. Oui mais quoi ? Je me ressers un godet de schnaps et je reviens tout de suite.























J’ai lu ici ou là que The Visitor est le premier album solo de Jim O’Rourke depuis I'm Happy, And I'm Singing, And A 1, 2, 3, 4 paru en 2001 chez Mego (réédité en 2009). Ce qui est totalement faux. Notre petit génie a fait plein de truc perso à lui depuis 2001, t’as qu’à aller voir chez discogs si j’y suis (il a aussi bossé pour les autres, produisant Wilco ou servant de déambulateur à Sonic Youth pendant cinq années). C’est vrai que depuis tout ce temps il n’a rien publié sous son nom dans une veine strictement pop sucrée et tropicale – genre Bad Timing, Eureka, etc – or c’est précisément à cela que l’on pense en inspectant The Visitor sous toutes les coutures : comme tous les enregistrements poppy d’O’Rourke parus chez Drag City le dernier né reprend l’artwork du recto sur son verso, allant même jusqu’à imiter les rainures du boîtier du CD. Une filiation visuelle en quelque sorte. Mais cela s’arrêtera là.
Prenant l’auditeur à contre-pied, O’Rourke a composé un long titre de trente huit minutes, changeant donc apparemment son fusil d’épaule sans prévenir. Qu’est ce Jimmy nous a fait cette fois ci ? Un truc genre Disengage ou Tamper (d’ailleurs également réédité plus tôt en 2009) ? Ou alors du néo contemporain pour quatuor à cordes ou ensemble bigarré (Terminal Pharmacy) ? Rien de tout cela : The Visitor commence par un vibrant hommage au maître John Fahey* avant de se lancer dans une longue suite instrumentale pendant laquelle Jim O’Rourke cite quelques aspects notoires et/ou fondamentaux de la musique traditionnelle américaine (country, folk, etc) sans tomber dans le plagiat pur et simple ni le patchwork caricatural. Un premier bon point.
Par contre la grosse première moitié de The Visitor reste ennuyeuse: guitares seventies et piano larmoyant arrachent trop souvent quelques grincement de dents. Le disque gagne enfin ses galons en délicatesse alors qu’il flirte avec un free jazz élégant (post rockeux?) aux alentours de la 25ème minute. On pense alors que The Visitor est définitivement sauvé et on a raison. Car le meilleur est pour la fin. Et le meilleur ce sont ces quelques notes du piano qui revient à la charge (mais cette fois ci pas uniquement pour servir de guirlande), des notes répétées à l’envie et que l’on croirait échappées de chez Erik Satie, une beauté simple et forte, donc parfaite. Ces égrènements au piano c’est très précisément ce qui vous hante lorsque le disque est terminé. Plus qu’un gimmick, une véritable formule magique. J’y retourne immédiatement.

* pourtant le disque est dédié à Derek, on a du mal à se retenir de penser qu’il s’agit de Derek Bailey dont O’Rourke était un profond admirateur

lundi 22 février 2010

Shit And Shine / 229 - 2299 Girls Against Shit!























Les albums de Shit And Shine sont toujours beaucoup trop longs et ce 229 - 2299 Girls Against Shit! ne déroge pas à la règle puisqu’il avoisine les quatre vingt minutes et compte pas moins de dix sept titres dans son track listing. Ils sont beaucoup trop longs et douloureux, surtout pour le peu qu’ils ont d’ordinaire à offrir : un riff en boucle, un rythme qui ne dévie jamais, un peu de chant braillé, des samples inaudibles voire inutiles, des larsens, de la saturation, du feedback, du feedback, du feedback et encore du feedback. On ne peut pas faire plus syndical et plus minimal dans l’approche du bruit brut et du rock primal, avec même parfois les Brainbombs en ligne de mire mais battus sur leur propre terrain (Have You Really Thought About Your Presentation ?). La preuve qu’en matière de musiques psychotiques on peut toujours faire plus et/ou pire. Shit And Shine c’est emmerdant aussi, il faut bien le dire : les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures sauf lorsque on est adepte du comique de répétition. Et puis il faut se taper tous les titres qui objectivement ne sont que de la bidouille de bandes (The Cusp Of Innocence, Prettily ou tout le début de Girls Against Shit).
Ça, c’est ce que j’aurais tendance à penser lorsque je suis un peu de mauvaise humeur et lorsque j’écoute les précédents albums de Shit And Shine, en particulier Küss Mich, Meine Liebe chez Load records que je ne conseillerais donc absolument pas. 229 - 2299 Girls Against Shit! comporte bien tous ces défauts mais c’est aussi le premier véritable bon album du groupe. Parce que tout y est plus. Plus de bruit, plus de saturation, plus de hurlements, plus de bidouille, plus d’indus, plus d’electro, plus de cauchemar, plus d’absurde, plus de foutage de gueule. Shit And Shine y condense noise rock de baltringues amprepiens décérébrés et obsessions industrielles extrêmes, flirtant avec le nihilisme jusqu’au-boutiste d’un Missing Foundation. Mais là où les new-yorkais jouaient à fond la carte de la provocation sonore et attendaient visiblement une réaction de la part de son public (mécanique foutraque et positionnement politique on dira), Shit And Shine ne joue qu’avec la provocation seule et emmerde le monde. Ce disque n’est rien d’autre qu’un gros fuck you, si tu n’aimes pas tu te casses.
On reste donc scotché par la violence inouïe de Roberts Church Problems (par exemple), son riff monolithique et malsain, ses patterns à la batterie (il y a deux batteurs dans Shit And Shine dont – si j’ai bien tout compris – celui qui joue de la guitare et qui chante dans Vaz), on aime aussi sa répétitivité vicieuse, ses stridences à vous faire péter les enceintes du salon, les tympans et les nerfs au passage (ça ce serait plutôt le boulot d’un autre gugusse, également guitariste de Todd, donc si je sais encore compter il y aurait deux anciens Hammerhead dans Shit And Shit). 229 - 2299 Girls Against Shit! comporte ses moments de gloire au chaos tout comme il s’éparpille dans les trop habituels interludes bidouillesques – cela explique le nombre de titres de l’album, les dits interludes sont parfois très courts mais les pièces maîtresses prennent heureusement beaucoup plus de place – mais même ces passages dont on ne sait trop quoi foutre aux premières écoutes finissent pas prendre un certain sens/intérêt/pertinence. Shit And Shine a gagné, jusqu’ici le groupe n’arrivait pas à faire passer en force son bordel forgé au rouleau compresseur, désormais il me faut bien avouer que si ces mecs sont complètement barges alors je veux la même camisole blindée qu’eux.
A l’écoute de 229 - 2299 Girls Against Shit! on comprend mieux également le côté indus/sidérurgique/machine à laver qui transpire ça et là sur Big Ripper de Todd (au passage l’un des meilleurs albums de l’année 2009) : Craig Clouse, magicien malfaisant aux commandes dans les deux groupes, a laissé Shit And Shine transpirer un peu de son fiel dans le noise rock orgasmique de Todd. Et tout comme Big Ripper, 229 - 2299 Girls Against Shit! est sorti chez Riot Season.

dimanche 21 février 2010

White Mice / Ganjahovahdose


La vie est faite de défis et de challenges. Sinon, on s’emmerde, c’est bien connu. L’ambition est mon moteur et mon challenge actuel, c’est une nouvelle fois d’arriver à changer ma playlist, celle qui trône fièrement juste là, à côté sur la droite, celle qui est censée refléter mes goûts et aspirations du moment – en gros tout ce que j’écoute le matin à fond dans mon baladeur mp3 pour m’anesthésier la tête lorsque je pars sur mon vélo pour aller bosser comme un abruti ou ce que j’écoute à fond sur la chaîne familiale le soir, une fois rentré du travail, pour oublier une vraie bonne journée de merde et non sans avoir virer les gosses d’un terrain de jeu que je considère logiquement comme le mien (marre de me taper Picolo, Saxo & Compagnie en boucle). Ce que j’écoute aussi à fond au casque en plein milieu de la nuit parce que je n’arrive pas toujours à dormir. Comme d’habitude cette playlist n’est absolument plus actualisée depuis un petit paquet de temps pas plus qu’elle a été un jour vraiment totalement représentative de ce que mes pauvres parents ont toujours considéré comme une maladie plus ou moins grave* (aujourd’hui ce sont mes enfants qui me regarderaient presque comme un malade, alors je fais tout mon possible pour les empêcher de grandir dans le mauvais sens **).
Mais j’ai décidé quand même de ne changer cette putain de playlist que lorsque j’aurais chroniqué tous les disques qui y figurent***. Ça c’est du challenge. Vous croyez que c’est facile ? Non, ça ne l’est absolument pas. Les disques que l’on aime, que l’on brûle d’écouter tout le temps, on n’arrive pas forcément à écrire dessus (ou alors des fois on n’y arrive que longtemps après), tout simplement parce qu’on n’en a pas envie du tout. Les balancer sur une liste semble suffisant, démerde-toi avec ça mon pote. Un avis ne vaut que par ce qu’il exprime, c'est-à-dire qu’il ne vaut pas grand-chose mais encore faut il pouvoir le faire. Et des fois les divergences de goûts donnent des résultats intéressants****.























Ganjahovahdose est le quatrième album des White Mice, trio originaire de Providence dont les deux premiers albums étaient sortis sur Load records (en toute logique) et dont le troisième, EXcreaMANTRaINTRaVEINaNUS chez Blossoming Noise, est très certainement mon album préféré des souris blanches. Il l’est toujours. Le petit nouveau Ganjahovahdose (chez 20 Buck Spin) n’a vraiment rien de mauvais – comment pourrait il l’être puisqu’il reprend une nouvelle fois la même recette immonde dont se sert White Mice pour élaborer une musique violente, putride et malsaine – mais il a le (très relatif) défaut de se concentrer sur les missiles de courte portée, les explosions soudaines et les amputations de parties génitales sans autre forme de procès. Pas de quartier, pas de répits, pas de survivants : votre cervelle se retrouvera liquéfiée tel le plus vulgaire des fromages fondus vendu au rayon discount chez Lidl et pour reprendre une formule – plus exactement le titre d’un disque – vous tremblerez dans votre vomi. Voilà, les présentations sont faites, il ne fait aucun doute qu’entre souris blanche et auditeur, l’animal de laboratoire destiné à subir les pires sévices c’est l’auditeur.
Ganjahovahdose a bien failli ainsi se retrouver en pole position des meilleurs disques de musique de machine-à-laver de l’année écoulée s’il n’avait été détrôné in-extremis par le Big Ripper de Todd, chef-d’œuvre quasi absolu du genre et meilleur come-back toutes catégories confondues pour 2009. White Mice se contentera donc de la place de dauphin avec un disque en perpétuel mode essorage à huit cents tours/minute. C’est même un peu trop puisque c’est sur les titres les plus lents, ceux qui dégueulent et qui puent, que l’on préfère être malmené : The Hard-on Of Edam, Placenta The Crotchtower, The Crapture ou The Narcomacauleakcolicost sont autant d’incitations au stupre et à la débauche. Le lent et le visqueux c’est bien ce qui colle le mieux aux White Mice.
On a bien évidemment remarqué aussi que les titres des morceaux sont toujours comme autant de jeux de mots foireux chargés de sous-entendus dégueulasses et comme d’habitude les illustrations et textes du livret qui accompagne ce disque sont dans le même esprit, entre Jésus-Hitler-Mickey Mouse-Richard Ramirez-Nacho Vidal même combat et sodomie rituelle dans la cuve à emmental. Manger de la viande c’est mal, le fromage c’est mieux.

* et en fait on finit toujours par ré(écouter) toujours les mêmes choses
** ce qui ne veut rien dire du tout puisque la vérité ça n’existe pas, je suis bien placé pour le savoir
*** il ne manquera donc plus que deux chroniques, celle du Dijon ‘79 de Circle X et le Vectors de Robert Hampson
**** autre version : un avis ne vaut que par ce qu’il exprime, c’est pour ça qu’il est gratuit – et tu peux toujours aller lire ailleurs si je t’emmerde

samedi 20 février 2010

Vergogne / Sans























Haha hahahaha HAAAAAAAAAAAAAA !!! Quoi ? Qu’est ce que j’ai dit déjà ? Qu’à propos de Goudron j’avais rarement vu un artwork aussi moche ? Et bien voici Vergogne, trio qui à son tour expose sans honte aucune – elle était facile celle-là – une pochette de disque tout juste bonne pour le groupe de rock progressif dans lequel joue ton père le dimanche après midi avec ses vieux potes de boulot. Des ventrus qui répètent inlassablement dans la cave de bonne maman, fument de la ganja coupée à la cardamone et essaient d’imiter Robert Fripp ou Steve Howe et peut être même les soli de flutiot de Ian Anderson sclérosé sur un seul pied. Une horreur. Je vais finir par regretter l’esthétique disco-fluo des années 80 dansantes, sonnantes et trébuchantes. Que le groupe ait eu la fausse bonne idée d’appeler son disque Sans c’est tout autre chose, après tout je suis bien adepte moi aussi du jeu de mot foireux. Mais ce fou du roi silurisé ou peut être même alienisé (gloups) cela ne passe vraiment pas. Et en parlant de la cave de bonne maman, Vergogne a eu semble t-il eu du mal à en sortir : Sans a été enregistré en décembre 2007 apprend-on en lisant le carton qui sert d’insert. Lequel indique également que Désormais records et Théâtre records sont les deux labels responsables de la parution de Sans. Vu les quelques disques en provenance de ce dernier que l’on a déjà pu écouter (les enregistrements de Microfilm ou ceux de Myra Lee par exemple), voilà qui inspirerait plutôt confiance. Et la confiance est un plat qui se mange bien chaud, on le sait très bien, faut pas attendre d’avoir le dos tourné pour mordre dedans à pleines dents. Mordons donc.
Les premières minutes de ce court album laissent perplexe : Vergogne ne serait qu’un groupe de math rock de plus. Instrumental, dynamique, deux guitares qui se répondent, un batteur qui fait l’arbitre, un talent certain pour la composition mais encore et toujours du math rock. Le genre instrumental et cinématographique à tendance scientifique est tellement encombré de sous-groupes et de sous-copieurs sans vergogne (oui je l’ai dit) qu’il faut être sacrément doué pour espérer sortir un tant soit peu du lot. Sans Mot-Dire (je suppose que c’est ainsi que se nomme le premier titre) laisserait presque entrevoir que Vergogne peut surnager au dessus de la mêlée. Puis vient l’intro de 6 Pieds… et tous les préjugés que je m’apprêtais à vomir sur ce groupe et sa musique de psychorigides numérologistes tendent à s’écrouler. En effet, le temps de se rendre compte qu’il y a des textes d’imprimés sur l’insert du disque que ces 6 Pieds décollent du plancher des vaches et qu’une voix plutôt perdue dans le mix assène dans un français sans accent quelques mots dont le sens pourtant m’échappe complètement mais qui pimentent largement l’ensemble. Idem pour le titre d’après, Revers, bien que celui-ci ait l’avantage de commencer sous de biens meilleurs auspices : Vergogne se joue des mots comme il se joue du carcan math rock, rien à foutre de la syntaxe obligatoire ce qui compte c’est le rendu, lequel prend une toute autre gueule sur le final de Revers longuement agrémenté d’une clarinette elle aussi noyée dans la masse.
La deuxième face de Sans a à peu près la même tête que la première – à savoir un instrumental pur puis deux titres avec voix dont un avec de la clarinette – donc je ne devrais rien avoir à rajouter sur ce disque et sur ce groupe qui impose sa petite différence sans rien demander à personne. Et bien rajoutons en une couche malgré tout parce que cette deuxième face est tout simplement excellente du début à la fin – est ce l’habitude qui s’installe déjà ? – et vous ratiche le cœur en un tour de main. Le final de Rien vire même à la leçon de choses pour tous ceux qui auraient la prétention de s’essayer au genre. Suit La France A Fric – avec des paroles digne d’un collégien fan de Bérurier Noir ou de Condense : La France A Fric/L’Afrique Est En Trance/Et La France Est Rance avec le retour de la clarinette et une explosion de fin de parcours à se rouler une nouvelle fois par terre. Enfin, on aurait presque envie de jeter Etat D’Âme au feu si le chant, encore une fois traité de façon presque anecdotique, n’apparaissait soudain, précédant de peu une cavalcade de guitares dont Vergogne s’est donc fait une spécialité incontournable.
Les gars, je ne retirerai pas ce qu’il y a d’écrit un peu plus haut sur cet artwork digne des pires chacals népalais. Mais j’espère de tout cœur que vous ne finirez pas comme vos pères, vos oncles et tous leurs potes au fond de la cave de vos grand-parents à vous scléroser la musique de dépit. Vous méritez bien mieux que ça.

vendredi 19 février 2010

Goudron / self titled























Hahaha haha ha HAAAAAAAAAAAAA ! Je crois que tous ces derniers temps j’ai rarement vu un artwork aussi moche que celui-ci. Le groupe s’appelle Goudron et ces petits mecs n’ont eu peur d’y laisser quelques plumes en choisissant une image pouvant tout aussi bien représenter la bagnole de ZZ Top après un crash test drivé par Chantal Nobel qu’un T 1000 en polymétal mimétique se transmutant en Traction Avant conduite de main de maître par François Capella et Roch Siffredi. Mais où sont passées les meufs à moitié à poil avec des jambes aussi longues que ma langue ? Où sont les gangsters magnifiques armés de leurs gros revolvers ? Nulle part. Même en cherchant bien de partout. Cette bagnole sur la pochette est complètement hors-propos. Alors on oublie.
Goudron est un duo batterie / guitare + voix et ces deux gaillards débarquent là où on ne les attendait pas vraiment, c'est-à-dire en plein milieu de la mare boueuse d’un hardcore velu et rageur qui donnerait envie à n’importe quel mammifère priapique de se désosser la turlutte dans une crise aigue de jalousie non feinte. En un mot Goudron ne débande pas tout du long des sept titres de ce 25 centimètres – au repos bien sûr – qui font du bien par où ils passent. Sur les sept titres on compte deux instrumentaux qui ne dépareillent nullement aux côtés des compositions chantées (hurlées). Au contraire ils permettent de se focaliser sur les détails d’une mise en place sans failles et sans défauts – pas loin de la perfection maniaque d’un Black Cobra, pour rester dans le même genre de duo irrépressible.
Le son est énorme de puissance, ce disque a été enregistré par l’insurpassable Stefan Krieger aux studios Amanita, lequel démontre une nouvelle fois que question musique lourde et violente il sait faire sonner une guitare et une batterie comme personne. Mais le son on s’en foutrait complètement s’il n’était pas au service d’une science du riff tourbillonnant et torpillard, Goudron n’est pas là pour enculer les mouches et ils savent nous faire comprendre que nous ne sommes qu’une bande de pauvres petites larves ignorantes et insouciantes. L’autre partie du duo c’est bien sûr le batteur, un batteur qui donne le vertige par tant de voltiges et de passages en force, encore un qui doit jongler avec des altères en fonte lorsqu’il ne sait pas trop quoi faire le soir. C’est donc logiquement que la combinaison de ces deux protagonistes tourne rapidement à la séance d’équarrissage. Et Goudron rejoint ainsi Karysun sur la plus haute marche du podium des duos immanquables.
Il n’y a que sept titres sur ce disque mais il a fallu encore plus de labels pour réunir les fonds afin de pouvoir l’éditer. Dans l’ordre et avec ou sans site internet : Shitty Day, Electric Junk, Aïnu records, Amertume, I Feel Good records, eBruitez, Saucisse Lentilles records et le collectif Hub. C’est la crise.

jeudi 18 février 2010

Noise party @ Grrrnd Saloon























Alors là il y a l’embarras du choix en ce mardi 16 février, les concerts sont légions dans cette bonne vieille ville de Lyon où vivre est devenu tellement agréable. En fait agréable c’est tout de même vite dit : on me raconte que l’un des membres éminents du collectif du Grrrnd Zero où je me rends ce soir s’est purement et simplement fait défoncer la gueule à coups de poing américain alors qu’il collait gentiment des affiches de propagande musicale sur les murs. L’auteur de ce geste de violence serait un grapheur reprochant au dit colleur d’affiches de recouvrir ses œuvres picturales avec des bouts de papiers purement inesthétiques. Comme si cette ville de merde n’était pas assez grande pour tout le monde. Apparemment non. Il fut un temps où les mecs qui dessinaient sur les murs étaient moins cons que les propriétaires de 4x4 de la Croix-Rousse hurlant à la mort et à la pollution visuelle dès qu’une affiche décorait le mur en bas de chez eux. A suivre parce qu’il parait qu’en plus des menaces ont été proférées à l’encontre d’autres colleurs d’affiches. On vit une époque formidable.
Pour en revenir aux concerts de ce mardi soir, il y avait le choix entre la Marquise avec un duel branchouille entre Cercueil et un autre groupe dont j’ai préféré oublier le nom, le Sonic avec le premier concert d’une nouvelle star lyonnaise de la musique ethnique et ce concert, tout simplement inratable, organisé par Gaffer records avec deux groupes – Poke Machine et Tree People – comprenant chacun un membre de Moha! donc deux bonnes raisons de se déplacer. Malheureusement nous n’avons pas été beaucoup à le penser vu le faible nombre de personnes qui se sont finalement rendues à ce concert.
















Mais des bonnes raisons il y en avait encore au moins une autre. Ce soir -1 va donner son concert annuel et ayant lamentablement raté celui de l’année dernière je ne saurais être absent à celui-ci. -1 est un duo de choc avec Damien Chewbacca à la basse, au chant et aux effets ainsi que Franck Gaffer/Sheik Anorak/Hallux Valgus/SoCRaTeS à la guitare, à la batterie et à la mise en boucle. Sur le papier c’est du tout bon. Et dans la réalité ? Il y a une règle très importante à respecter lorsqu’un artiste en pleine crise de confiance vient vers vous après son concert pour pleurnicher qu’il n’a fait que de la merde durant son set alors que vous, vous pensez exactement le contraire : surtout vous ne l’écoutez pas. Sûrement pas. Jamais.
Je ne sais pas de quelles idées précises – s’il y en a – sont partis ces deux garçons pour élaborer la musique inclassable de -1 mais le résultat, là où ils finissent par atterrir après de longues montées en puissance hypnotiques et limite kraut avec incantations borborygmées de Damien, le résultat donc est radicalement surprenant. Comme une longue coulée de boue, une coulée trippante et noise à la fois, s’épaississant sur la durée tout en prenant son envol et finissant dans un chaos de bruit et de fureur. Et puis il y a cette capacité qu’a le chant à donner un supplément d’âme frissonnante, de ferveur psalmodiée, d’odeur de marécage urbain, un chant (parfois simples bruits de bouche ou onomatopées) qui est l’axe central de la musique de -1 – mais cela n’étonnera personne puisque presque tous les autres projets de Damien tournent aussi autour de cette idée (Chewbacca, Rature…). Un bon concert surtout pour un groupe qui répète deux fois par an c'est-à-dire durant les quinze jours précédant le concert. A l’année prochaine les gars.
















Dans Poke Machine on retrouve Anders Hana le guitariste et clavier de Moha! ainsi que Mat Pogo à la voix et à la bidouille (il a un drôle de pad qui ressemble à un lecteur CD et avec lequel il fait comme des scratchs et des allers-et-retours. Comment un norvégien s’est il retrouvé à jouer avec un italien ? Et bien tous les deux habitent à Berlin. Pour celles et ceux qui ont déjà vu Moha! en concert et qui se sont émerveillés de la frénésie avec laquelle Hana joue de la guitare et du synthé en même temps on peut dire qu’avec Poke Machine c’est à peu près la même chose sauf que là il joue du synthé et de la batterie simultanément (il prendra juste un saxophone alto le temps d’un interlude qui ne sera pas le meilleur moment du concert). Il joue de la batterie – succincte quand-même le kit : une caisse claire, une grosse caisse, un tom et deux cymbales – débout, en appui sur une jambe tandis que l’autre martèle sans répit la grosse caisse au passage reliée à un dispositif sonore. Déjà cela fait une belle performance physique. Mais il faut ajouter que derrière ses airs tout calmes d’ange blond ce type est un vrai démon. Complètement allumé.
Or le plus allumé des deux c’est l’autre, Mat Pogo. Une pile électrique, une logorrhée inextinguible, une gestuelle de pantin désarticulé, des tics empruntés au hip-hop et une voix pouvant ressembler à celle de La Linea lorsqu’il s’énerve vraiment mélangée à celle d’un Phil Minton sous amphétamines et le larynx pris dans un hachoir électrique. Un performer vraiment incroyable, entre cartoon malade et absurdité de clown, entre pleureuse trash et sirène d’une ambulance s’écrasant au fond d’un ravin.
Un grand moment de foutraquerie désossée qui c’est vrai – comme on me l’a fait fort justement remarquer après le concert – aurait gagné à un peu plus de concision : Poke Machine a failli jouer trop longtemps, trop longtemps c'est-à-dire ce qu’il faut pour tomber dans le panneau du performer qui bloque les commandes sur mode pilotage automatique pour mieux s’écouter et se regarder. Heureusement nous n’en sommes pas arrivés là et précisons également que les extraits sonores mis en ligne sur le monospace du groupe ne sont absolument pas représentatifs de sa musique (à quoi ça sert alors ?...).
















Reste un dernier groupe pour finir cette soirée, Tree People, non ils n’ont rien à voir avec ce groupe basé à Seattle ayant jadis sorti une paire de disques sur Cz records et s’étant illustrés en reprenant de manière assez rigolote le Big Mouth Strikes Again des Smiths. Dans ce Tree People là il y a Morten J. Olsen (le batteur fou de Moha!) qui joue ici d’un curieux assemblage de pièces métalliques et d’un laptop, Ignaz Schick aux platines et accessoires divers ainsi que John Hegre (la moitié de Lars Marhaug dans Jazkamer) jouant d’une guitare qui n’en est plus vraiment une tant elle a été couturée, rafistolée et kitée de toutes parts – à côté la gonflette zizi rider de la 103SP de tes quatorze printemps c’est juste de la gnognotte de conformité respectueuse.
Après la tornade Poke Machine la fureur de Tree People passe assez mal : le trio joue tout simplement du harsh assez banal à un niveau sonore dont la conséquence directe ne saurait être que la surdité si on devait écouter ça trop longtemps. Le groupe doit en avoir conscience – mais plus prosaïquement on peut penser qu’il s’emmerde un peu alors que les rares personnes venues assister au concert partent elles une à une – parce qu’il ne va vraiment pas jouer très longtemps. Disons juste assez pour regarder regarder ces trois grands enfants faire mumuse avec leurs joujoux respectifs (option je bricole, je détruits, je recolle et je recommence à tout casser). Rien de passionnant ni d’indispensable – je me demande toujours avec ce genre de musique ce qui fait la différence entre une bonne performance et le vide inutile : l’humeur du moment ? la quantité d’alcool ingéré ? la marque de l’ordinateur ? Même rengaine et même conclusion : n’est pas Masami Akita et Zbigniew Karkowski qui veut (et encore même eux peuvent se planter à l’occasion). Tout simplement décevant. Trop facile dirait quelqu’un de bien plus sévère.

* mais à dire vrai il n'est pas plus artiste que je suis critique d'art

mardi 16 février 2010

Sheik Anorak / Day 01


Voilà donc Day 01, premier véritable album long format de Sheik Anorak, le meilleur one man band lyonnais du monde et dont le slogan – sans aucune équivoque – clame haut et fort Noise Is Sexy!. Pour l’instant, Day 01 n’est disponible qu’en format CDr joliment présenté, Sheik Anorak cherchant toujours un véritable label audacieux mais fortuné pour le publier (il va sans dire que si jamais ce garçon arrive enfin à trouver chaussure à son pied grâce à cette chronique avantageusement objective mais néanmoins positivement honnête je prélèverai alors un pourcentage largement mérité sur les futures recettes).
Plutôt que de bonimenter comme un vendeur d’électroménager je devrais peut être également renvoyer l’amateur lambda de musique à cette vidéo de Sheik Anorak filmé en pleine action. Seulement voilà, le problème c’est que cette vidéo dure au moins vingt-cinq minutes, un laps de temps bien trop long à passer sur internet lorsqu’on sait que l’internaute moyen et lecteur de chroniques de disques ne resterait pas plus de dix petites secondes sur une page web à lire un truc qui est pourtant censé l’intéresser au plus haut point (?). Donc il va falloir se taper cette chronique dithyrambique dont la lecture prendra nettement moins de temps que de regarder la vidéo susmentionnée, surtout si je livre tout de suite l’imparable conclusion qu’impose le bon goût : écoutez ce disque, aimez-le, achetez-le – ou mieux – produisez-le mais faîtes quelque chose.




















Ka E Det ? nous demande le premier titre. Ça je n’en sais foutre rien mais par contre ce morceau introductif est un bon résumé de tout l’attrait mélodique et noisy de la musique de Sheik Anorak. En concert – rappelons-le – celui-ci utilise des boucles de guitare qu’il met en place progressivement avant de se lancer derrière la batterie et de jouer simultanément sur ses pédales d’effet. Cela a l’air banal décrit comme ça, qui plus est on peut se demander quel est l’intérêt d’un tel rappel d’ordre technique puisque dans la chaleur et le confort relatif d’un enregistrement fait main dans son local de répétition Sheik Anorak n’a sûrement eu que faire de s’embarrasser de ses habituelles bidouilles de jonglage entre boucles de guitare, pédales et batterie, préférant (je le suppose) enregistrer couche par couche. Peut être. Mais l’inévitable conséquence de cette technique et de ce bricolage c’est le dépouillement des compositions de Sheik Anorak : pas plus de trois boucles de guitares en même temps, pas de fioritures inutiles, pas d’effets de manche possible, juste la pertinence d’une mélodie principale, le gratouillement d’une ou deux guitares plus abrasives au second plan et la batterie toujours bien marquée sans jamais insister lourdement. La tricherie est donc impossible et de ce jeu casse-gueule Sheik Anorak ressort totalement indemne, oscillant entre le bon et l’excellent et pointant à l’occasion en direction du hit – c’est exactement le cas de la dernière plage du disque, le morceau-titre Day 01 ainsi que celui de l’incroyable Fluorescent Tongues, vraiment le meilleur du lot.
Quelques titres se différencient, tel Straight ! qui emprunte un parcours plus rythmique avec fin bruitiste – cette fin est en fait un autre titre enchaîné, Seriously, que les connaisseurs reconnaitrons parce que figurant déjà, ainsi que No Arms, No Drums, sur le mini album […] du coup édité en son temps par le label Maquillage Et Crustacés et épuisé depuis belle lurette. Si on peut ainsi diviser les compositions de Sheik Anorak en deux grands ensembles avec d’un côté les titres évidents et accrocheurs et de l’autre les titres plus baroufeurs, on peut aussi remarquer que le garçon ne se répète jamais, malgré la marge ténue que lui laisse le mode opératoire dont nous avons déjà parlé. Y arriver, ce n’était certainement pas donné à tout le monde. Et ce disque mérite la plus grande des considérations.

lundi 15 février 2010

Prurient / Crossbow






















Toujours chez Dot Dot Dot records, un autre single, signé Prurient. Pistonné par Thurston Moore – ça vous incite à la prudence ? moi aussi, avec le temps… – ce groupe unipersonnel est la chose de Dominick Fernow, également connu pour son label Hospital Productions (Wolf Eyes, Cocaine Death, Controlled Bleeding, Kevin Drumm et bien sûr lui-même). Le bonhomme a des goûts très prononcés et très ciblés et bien c’est exactement la même chose pour sa propre musique. Prurient est un groupe purement revivaliste, réactivant sans honte ni complexe le meilleur de la musique industrielle de la fin des années 70 et des années 80. On pense très fort à Throbbing Gristle mais surtout à Whitehouse, le premier Whitehouse, celui des albums Birtdeath Experience, Buchenwald ou Dedicated To Peter Kürten. Il y en a qui appelle le genre power electronics, appellation bien trop pauvre à mon sens tant elle ne rend que très partiellement compte de la violence de moyens employés et des effets engendrés. Comme les cases c’est toujours pratique et rassurant, appelons la musique de Prurient du vomi sonore et haineux.
Pour les habitués du groupe, il n’y a aucun mystère que la musique de Dominick Fernow est peu ou prou systématiquement la même d’un enregistrement à l’autre – et des enregistrements, il en a fait un bon petit paquet, j’ai même un sacré retard si je veux un jour mordre à pleine dents dans toute la discographie de Prurient. Sons analogiques, saturés, stridents, tranchants, irritants, insupportables et voix hurlante noyée dans une marée de feedback. Parfois quelques zigouigouis purement bruitistes tels que des raclements, des frottements métalliques mais rien de trop grave. Rien que du très connu également mais une vindicte glauque et un sens du paroxysme mortifère à vous réconcilier avec votre pire ennemi tant la musique de Prurient, claustrophobe, malade et vicieuse, peut faire peur et mal. J’aime avoir peur et j’aime avoir mal.
Sur Aluminium Armor placé en face A de ce Crossbow, on assiste à une fouille en règle de l’atelier et des outils que papa a installés au sous-sol de la maison, juste à côté du garage. La chaudière ronronne dans le lointain, comme il fait un peu sombre on se cogne aux portes et on trébuche sur une clef anglaise abandonnée par terre tout en marmonnant à soi-même quelques mots incompréhensibles pour se réconforter. Va t-on retrouver l’escalier permettant de remonter au rez-de-chaussée et d’atteindre la cuisine où maman est en train de nous préparer de bons pancakes ? Non. Sur la face B Yellow Helmet Plume intensifie les sons, on se rapproche dangereusement de la chaudière, on se prend encore les pieds dans d’autres outils eux aussi abandonnés au sol quand surgit une voix, lointaine, très lointaine, comme des cris enregistrés au travers d’un mur puis comme la voix d’une personne criant la tête plongée sous l’eau. On prie alors pour que cette voix ne soit pas la notre, suppliante et plaintive, tandis que deux mains froides essayent de nous étrangler, la tête plongée dans la cuve à mazout à côté de la chaudière qui semble elle aussi nous hurler dans les oreilles. Vraiment impressionnant. Deux titres horrifiques et malsains à souhait, Dominick you make my day.

dimanche 14 février 2010

Merzbow / Tempi & Matatabi























Du Merzbow en format court ? L’idée est aussi amusante qu’intrigante. Dot Dot Dot records, label irlandais aimant les beaux objets et n’ayant pour l’instant sorti presque que des 7 pouces ouvragés ou quelques CDr au tirage très limité, s’y est risqué avec Tempi/Matatabi, double single du maître Masami Akita. Lorsqu’on sait que tout le côté hypnotique et fascinant du harsch de Merzbow s’inscrit sur la durée étirable à volonté et la longueur de pièces pouvant flirter avec les dizaines de minutes, l’exercice de compositions (?) raccourcies au format d’un 45 tours est plus qu’intrigant. Ici, les quatre titres ont pour base des rythmes joués à la batterie par Masami himself – le label a un temps annoncé que ces rythmes avaient été enregistrés en 1974, ce qui s’est par la suite révélé complètement faux – base sur laquelle Merzbow a posé des sons particulièrement crus et primitifs, analogiques et proches nous dit-on de ceux que le japonais utilisait à ses débuts, lorsque il traficotait le feedback sans avoir recours à la technologie d’un quelconque laptop qui de toutes façons n’avait pas encore été inventé.
On ne va pas cacher qu’autant Tempi que Matatabi doivent s’écouter très fort, sinon l’effet est quasiment nul. On ne va pas cacher non plus que le drumming de Masami Akita est franchement limité et pas très passionnant – tu le vois le petit lapin Duracell ? non, pas le lyonnais, l’autre – et que même si souvent cela part bien, la dynamique s’essouffle rapidement. Le seul moyen c’est donc de monter le son, encore. Alors que les voisins commencent franchement à péter un câble, on peut ainsi goûter à la bidouille en direct de Merzbow, bidouille à base de sons analogiques on l’a déjà dit, notre homme en 2009 a fait un sacré retour en arrière puisqu’il a même consacré une série de treize disques (13 Japanese Birds chez Important records) aux techniques qu’il éprouvait – enfin c’est plutôt l’auditeur qu’il éprouvait – il y a trente ans. De la même façon Merzbow avait par le passé déjà travaillé sur des bases rythmiques – notamment métalliques – mais c’était traité façon déluge sonore, pluie percussive. Or, avec Tempi/Matatabi on ne dépasse que rarement le stade du beat rachitique. Tout cela est bien anecdotique, oui il a l’air de bien s’amuser derrière son drumkit mais pas nous. Seule la face D parvient à ne pas être ridicule.
Pour se consoler on peut toujours se dire que ce double single est très beau avec sa pochette gatefold et ses vinyles transparents constellés de taches jaunes et vertes, un peu comme une omelette du chef ail et fines herbes en cours de préparation, juste avant le battage final qui doit lier tous les ingrédients entre eux. C’est précisément ce qu’il manque à ce disque, un sacré bon coup de poignet pour secouer tout ça de l’ennui.

samedi 13 février 2010

Io Monade Stanca, si c'est possible

















Allez, je prends mon courage à deux mains, je me barre du boulot vraiment trop tard et je me lance sur mon vélo dans un froid glacial à vous faire regretter un bon vieux réchauffement climatique ou l’air conditionné d’une suite nuptiale dans un hôtel de luxe à Dubaï. Quelques slaloms plus loin entre plaques de verglas, étudiants en pleine dérive procrastinatrice et clochards en quête d’un abri salutaire j’arrive enfin au Sonic à l’intérieur duquel ne règne qu’une pauvre température de frigo deux étoiles avec thermostat bloqué sur cinq. Que c’est bon de se retrouver sain et sauf dans une telle ambiance de convivialité et de chaleur humaine. Je règle le faible prix d’entrée – cinq euros, est ce que cela veut dire que l’organisateur du jour n’attend pas grand monde ce soir et qu’il espère ainsi attirer d’éventuels curieux ? – et je m’accoude au bar à ma place favorite, c’est l’heure de la bière, inestimable breuvage et source de réparation après une telle caillante perché sur un deux-roues même pas équipé d’un moteur qui pue. La salle se remplit tout doucement mais sûrement.
















Elle continuera de se remplir pendant tout le concert du premier groupe, j’ai nommé un trio du nom de Lunatic Toys. A droite une jeune fille qui n'arrête pas de sourire et qui joue sur deux vieux synthés tout pourris, souvent en même temps. Au centre un batteur à lunettes et avec un magnifique t-shirt calmos. A gauche un saxophoniste en bonnet qui joue d’un alto qui m’a l’air d’avoir quelques heures de vol lui aussi (oui j’avoue que c’est un peu ambigu comme formulation alors je reprends : l’alto a cette patine des vieux instruments et le saxophoniste en joue foutrement bien et développe un très beau son). Je récapitule. Orgue + batterie + sax = un groupe de jazz ? Merde alors : je m’étais déplacé exprès ce soir pour assister à un concert de noise tissée en points de croix à base de fils barbelés et je me retrouve devant un pauvre groupe de jazzeux qui va m’endormir, annihiler mes envies et scléroser mon entrain ? Triple fuck.
Des fois l’ignorance vous fait penser de ces trucs si abominables que seule la contrition et la flagellation pourraient vous faire oublier la honte d’avoir eu de telles idées insolentes et stupides. Lunatic Toys est vraiment un chouette bon groupe, enthousiaste, dynamique, imaginatif, avec un son riche et dense et un style bien à lui. Plus vraiment jazz mais pas rock non plus et surtout pas jazz rock. Un groupe assez atypique avec une formation non conventionnelle et qui m’a plus d’une fois fait penser au trio d’Ellery Eskelin avec Andrea Parkins à l’accordéon et l’incroyable Jim Black derrière la batterie. Avec Lunatic Toys on n’est bien sûr pas au même niveau d’excellence qu’avec les new-yorkais mais la comparaison se tient si on considère que les deux groupes ont comme vague projet commun de vous faire exploser ces foutus carcans formels qui ankylosent le jazz de papa sans pour autant tomber dans les poncifs du jazz libertaire de tonton. Beaux thèmes, maîtrise du son, bouillonnement, humour, plaisir d’offrir, plus le concert avance et plus je me sens subjugué par le talent de ces trois là qui la plupart du temps aiment partir sur des tempos lents et vous intensifient le pourquoi du comment du parce que avec une belle énergie qui vous explose de plaisir avec une classe jouissive et sans bavures. Je m’aperçois que je dithyrambise une fois de plus et j’attends avec impatience le premier album de Lunatic Toys – il est prêt, il est enregistré, ils ont un label mais ils cherchent encore désespérément un vrai distributeur (les malheureux…).























Après cette première partie de qualité – le flyer du concert indiquait post-jazz abrasif et souple – je sens que cette soirée va être une totale réussite. J’attends, le pied ferme et les oreilles décollées, Io Monade Stanca dont The Impossible Story Of Bubu, le deuxième album paru en 2009 chez African Tape, avait été une très bonne surprise. Avec ce genre de noise alambiquée, déconstruite et free à faire passer US Maple pour un groupe de pop core en tongs on peut s’attendre à tout, y compris au pire. Mais ce sera donc ce soir pour le meilleur. La première surprise vient de la jeunesse de ces trois petits gars, merde ils ont des gueules d’étudiants en fac catholique. La deuxième surprise c’est que Io Monade Stanca attaque pied au plancher, sans perdre de temps, sans tergiverser, avec une belle maîtrise sur son bordel organisé, une belle énergie aussi. Ce qui me fait dire que ce petit groupe d’italiens sans prétention ne s’amuse pas à se demander comment foutre le souk dans leur patafatras pour faire comme ci ou simplement pour faire bien, non la science du riff est de leur côté et lorsque cela part en sucette c’est toujours avec une belle spontanéité de jouvenceaux qui ne débandent pas.
Pour l’instant la configuration est la suivante : deux guitares et batterie, le guitariste de droite chantant également (mais pas trop, comme sur le disque) tandis que le guitariste de gauche s’occupe de la partie clownerie de la prestation, premier de la classe en pitreries, en grimaces et en pauses débiles. Io Monade Stanca s’amuse et moi aussi, franchement même.
















Le guitariste/chanteur abandonne sa guitare et endosse une basse. Le son du groupe devient forcément plus compact, moins surprenant aussi mais surtout ce type en joue d’une façon tout aussi folle que lorsqu’il maltraitait sa six-cordes. J’ai parfois du mal à suivre ce qu’il se passe exactement dans ces délires à tiroirs – à tiroirs dans le bon sens du terme, il n’est absolument pas question de prog à la va que je me touche mais bien d’une noise inventive et saccagée – et peut être bien que les trois Io Monade Stanca s’y perdent eux aussi à l’occasion mais qu’importe puisqu’ils retombent sur leurs pattes aussi facilement qu’un élu politique pris en flagrant délit de détournement de fonds publics.
Côté pitreries le guitariste de gauche est rejoint par le batteur qui semble également en connaître un sacré rayon, la dérision est reine chez Io Monade Stanca. J’ai ainsi le sentiment d’assister enfin au concert skingraftien tant attendu après la cuisante déception de la semaine passée lors de la pitoyable prestation des insupportables Gay Beast. Les groupes italiens – souvent décriés mais des fois il y a de quoi – sont de moins en moins de simples imitateurs de ce qui c’est déjà fait ailleurs il y a quelques années, comme quoi tout est vraiment possible dans ce monde de merde. La tradition ça a du bon lorsqu’elle est dopée comme ça à l’enthousiasme et à juvénilité et en plus j’ai ainsi un peu moins l’impression d’être un vieux con. Pour finir, le groupe revient pour un rappel et un ultime titre sur lequel une deuxième basse fait son apparition. C’est un peu le coup de grâce en ce qui me concerne, la musique de Io Monade Stanca ne cessant de virevolter et de faire des ronds tout en gardant son côté brut et sec. Une très bonne soirée en résumé.

mercredi 10 février 2010

Zeni Geva / Alive And Rising























Et une reformation de plus, une ! Celle de Zeni Geva n’a cependant rien d’anodin. Aux deux guitaristes historiques Kazuyuki K. Null et Mitsuru Tabata s’adjoint désormais le batteur Tatsuya Yoshida, oui l’homme tentaculaire des Ruins. Ce line-up (de rêve, il faut bien le dire) n’est cependant absolument pas inédit : Tatsuya fut le batteur de Zeni Geva aux débuts du groupe, on peut l’entendre sur quatre des huit titres qui figurent sur le premier album Maximum Money Monster édité en des temps immémoriaux – 1990 – par Kevin Martin sur son propore label Pathological records et réédité en version remasterisée en 2007 par Cold Spring avec trois titres live en bonus.
Il en va donc des reformations comme de tout le reste. Il y a celles dont on se moque en affirmant que c’est uniquement pour des histoires de thunes – mais il faut bien avouer que c’est effectivement une excellente raison. Il y a celles dont on se fout éperdument parce que l’on n’a jamais aimé le groupe en question et que l’on ne savait même pas qu’il n’existait plus. Il y a celles que l’on pardonne parce que le groupe nous inspire une certaine sympathie malgré un appel à la nostalgie souvent insupportable. Il y a celles que l’on appelle secrètement de tous nos vœux et qui ne se produiront jamais (Cop Shoot Cop par exemple). Il y a celles qui nous interpellent (récemment le retour parait il réussi mais fort heureusement éphémère de Jesus Lizard sur scène, les Swans qui devraient bientôt reprendre le chemin des studios et des concerts). Et puis il y a celles qui vous tombent sur le coin de la gueule parce que l’on n’y avait tout simplement jamais pensé et que finalement elles apparaissent plutôt comme une (très) bonne idée. La reformation de Zeni Geva fait indiscutablement partie de cette dernière catégorie et ce Alive And Rising (chez Hello From The Gutter records), est là pour nous prouver que la bête est bien de retour et en très grande forme.
Comme son nom l’indique Alive And Rising est un enregistrement live – doté d’un très bon son – sur deux soir dans deux clubs japonais de petite capacité (le Taku Taku de Kyoto ne dépasse pas les deux cent places mais on s’en fout car on n’entend jamais le public, sauf à la toute fin du disque). Le groupe y reprend à peu près tous les titres qui ont fait sa gloire d’antan, de Dead Sun Rising à Autopsy Love en passant 10 000 Light Years ou Disorganization. Un véritable Best Of où la complémentarité des deux guitaristes fonctionne à nouveau à plein : tandis que K.K. Null assure les rythmiques (je suppose qu’il a toujours deux amplis, dont un ampli basse), Tabata charcle et défigure le paysage à grands coups de stridences fulgurantes et de digressions noise du meilleur effet – le metal n’a jamais été aussi rudimentaire, simple et en même temps aussi intelligent et impitoyable qu’avec Zeni Geva. Tatsuya Yoshida apporte sa touche avec sa voix d’opérette contrastant avec les vocaux animaux de Null – c’était déjà l’une des caractéristiques des quatre titres de Maximum Money Monster sur lesquels jouait le batteur. On reconnait également très bien son jeu de batterie complètement dézingué et pourtant radicalement efficace (ne me parlez jamais plus de ces incapables de Zach Hill ou Brian Chippendale). Petite nouveauté mais à mettre cette fois ci au crédit de K.K. Null, les zigouigouis électroniques plus présents qui enluminent les treize titres de Alive And Rising sans toutefois pervertir l’esprit bestial de Zeni Geva.
On regrette donc seulement deux ou trois petites choses sur Alive And Rising : Last Nanosecond trop long et trop progressif et tout le long passage au milieu de Hazchem, inutilement expérimental et finalement insupportablement prog lui aussi. Reste le cas de Slam King, bourrade minimale (initialement deux accords pendant seize minutes), un des titres marquants de l’album Maximum Money Monster : la version proposée ici ne dure que six petites minutes, réduisant de beaucoup l’effet cathartique d’un tel morceau chargé de bravoure nihiliste. Mais à par ça Alive And Rising c’est vraiment que du très bon et l’annonce d’une tournée européenne en avril – avec un passage obligé à Lyon le 21, bande de losers – est l’une des bonnes nouvelles du prochain printemps.

mardi 9 février 2010

Shane Perlowin / The Vacancy Of Every Verse

















Ah ! Un disque en solo de Shane Perlowin ! Qui ça ? Shane Perlowin, le guitariste d’Ahleuchatistas. Ce n’est pas parce que Of The Body Prone, le dernier album en date du trio est un (gros) poil décevant qu’il faudrait bouder ce The Vacancy Of Every Verse. Un disque radicalement différent des expérimentations math-prog-noise-punk-jazz auxquelles nous a habitués un guitariste sinon atypique du moins saisissant et tout bonnement incroyable lorsqu’il évolue avec son groupe habituel dans des stratosphères improbables et infinies à rendre jaloux n’importe quel groupe de mathématiciens émérites, y compris le Don Caballero de la grande époque, tout comme les néo-progueux bruitistes, au hasard les japonnais de Ruins (un groupe de néo-progueux de plus de vinq cinq ans d’âge quand même…).
Sur The Vacancy Of Every Verse c’est bien un autre Shane Perlowin que nous pouvons écouter et apprécier, un Shane Perlowin encore plus fin guitariste que nous ne le pensions déjà, un Shane Perlowin expert dès qu’il s’agit de sortir des petites mélodies de son instrument, un Shane Perlowin amoureux de son art mais jamais complaisant.
Il y a trois grand types de morceaux, tous instrumentaux, sur The Vacancy Of Every Verse. Ceux sur lesquels le guitariste joue tout seul sur sa guitare électrique et s’amuse avec sa loop station ou autres effets (Touching Bent Antennae, Long Shadows, The Vacancy Of Every Verse), ceux où il ne joue que de la guitare acoustique (Owls, Gummed Works, We Meet In Sleep) et ceux sur lesquels il joue en trio, accompagné de Joseph Burkett à la contrebasse et de Ryan Oslance, le nouveau batteur d’Ahleuchatistas, à la batterie (Toppling Obelisks, Expo No, Apostasy et Seduction). Tout ça est judicieusement mélangé, on passe d’un style à l’autre sans transition, l’effet n’est pas désagréable ou déstabilisant pour autant, au contraire on ne risque pas de s’ennuyer avec un disque aussi varié dans les genres abordés mais restant d’une grande unité de ton. Cette unité est à chercher du côté du jeu tout en finesse d’un instrumentiste dont le moindre des talents n’est pas de s’effacer devant l’excellence de son niveau ni de laisser parler une sensibilité indéniable. Même sur les parties les plus expérimentales – celles sur lesquelles Shane Perlowin joue seul à la guitare électrique – on trouve cette approche toute en délicatesse d’une musique de laborantin.
Les titres en trio ravivent et démontrent un goût certain de Perlowin pour le jazz, un jazz funambule et plein de légèreté pouvant éventuellement déboucher vers quelque chose de plus dissonant et bruyant (le final de Toppling Obelisks et Seduction, presque noise). Les titres à la guitare acoustique sont d’une limpidité et d’une délicatesse de toucher à tomber, une musique aussi cristalline que les égrenages d’un Tim Sparks ou même d’un Bill Frisell. Plus globalement, The Vacancy Of Every Verse est un disque qui allie hardiesse du propos et repos de l’écoute, tour de passe-passe que l’on aurait jugé improbable, trop habitués que nous sommes à devoir choisir entre guitaristes lénifiants et mous et guitaristes terroristes et vides. Shane Perlowin ne nous force pas à choisir, il possède ce jeu plein de relief et cette imagination de poète qui le rendent unique. Une belle confirmation.

lundi 8 février 2010

Rowland S. Howard / Pop Crimes





















Rowland S. Howard est mort. Bien mort et bien raide. Un peu trop tôt peut être, bien que trop tôt je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire dans ce cas précis, pas plus que je ne saurais dire ce que peut signifier trop tard. Le guitariste a été emporté par un cancer du foie – une maladie de junkies et d’alcooliques, même repentis – à la fin du mois de décembre mais ce n’est pas ce qui nous intéresse non plus. D’ailleurs je n’en sais rien. Tout ce que je sais c’est qu’il est mort. Et qu’il me reste son deuxième album (Pop Crimes, chez Liberation Music) à chroniquer. Il attendait comme quelques autres dans un coin, au milieu de la pile oui ça c’est pas trop mal du tout, faudra peut être en parler un jour. Et puis comme Howard est mort j’ai tout d’abord décidé que je n’en parlerai jamais de cet album. A qui bon faire une oraison funèbre de plus au guitariste ? A quoi bon intégrer le chœur des pleureuses et des regrets éternels ? C’est quoi le problème quand l’un de tes chanteurs ou guitaristes préférés crève ? Tu vas te mettre à pleurer toi aussi ? Tu vas crever à ton tour ? Ta vie est soudainement devenue un immense gâchis ? Un vide immense que rien ne saurait remplir ? Que rien de saurait remplacer ?
Et bien non. Non parce sinon c’est comme si les albums de Birthday Party, les disques en commun avec Lydia Lunch (Honeymoon In Red, Shotgun Wedding), certains enregistrements de Crime And The City Solution ou d’autres de These Immortal Souls n’avaient alors jamais existé. Pourtant ils existent bien, j’en écoute encore certains de temps à autre. Il y en a même que je dois connaitre par cœur – pourtant croyez moi chanter du Birthday Party en yaourt en prenant sa douche n’est pas une chose facile. Ils existent, donc. Comme ce Pop Crimes qui par pur hasard a été publié quelques semaines avant la mort de Rowland S. Howard. Et ce satané bonhomme serait encore parmi nous que j’en aurais parlé quand même.
J’en aurais parlé quand même pour une seule raison : ce n’est pas tous les jours que le guitariste (et piètre chanteur) sortait un nouveau disque. Alors un Pop Crimes c’était en soi un petit évènement. Comment va Rowland S. Howard ? Wow il va très bien, il a un cancer du foie en phase terminale, il attend une greffe qui tarde beaucoup trop à venir et il vient de publier son deuxième album solo (seulement). Ah cool. Ça c’est une bonne nouvelle ! Huit nouvelles compositions d’Howard à se mettre entre les oreilles ! Avec quelques invités comme le toujours fidèle Mick Harvey ou Jonnine Standish, la chanteuse/bloc de glace de HTRK (groupe dont Howard avait produit les derniers enregistrements). C’est leur duo, (I Know) A Girl Called Jonny, qui ouvre le bal sur Pop Crimes. Un titre qui pue les Bad Seeds et l’ombre du meilleur ennemi d’Howard. Ça pue les Bad Seeds comme beaucoup de titres de cet album, bien loin des déflagrations de guitare et des tourbillons noisy auxquels le guitariste nous avait habitués. On peut ainsi penser que Pop Crimes est bien moins bon que son seul et unique prédécesseur, l’excellent Teenage Snuff Film. D’ailleurs il l’est. Malgré la ligne de basse et les notes cristallines à la guitare de l’éponyme Pop Crimes, malgré le vieux blues de Nothin’ (sur lequel Rowland S. Hooward n’aura jamais aussi bien chanté, tout compte fait). Et puis si Life’s What You Make, Wayward Man et The Golden Age Of Bloodshed rappellent des choses déjà faites par Rowland S. Howard mais en moins bien on s’en tape aussi complètement. Il n’y a guère que l’émouvant Ave Maria qui peut poser problème : voilà qui ressemblerait presque à une épitaphe – lire les paroles nous informe heureusement que non. Pop Crimes est juste le dernier album de Rowland S. Howard, bourré de chansons d’amour foutu en l’air (I Miss You So Much annone t-il maladroitement sur Shut Me Down). A moi aussi il va me manquer. Finalement.

vendredi 5 février 2010

Aids Wolf / Dustin' Off The Sphynx























 Ah ouais, tiens, Skingraft. Qu’est ce qu’il se passe de neuf de ce côté-là ? Le label de Mark Fischer a été tellement adulé par certains (dont moi) dans les années 90 et ce au moins pour la doublette Dazzling Killmen/Colossamite signée Nick Sakes ainsi que pour son esthétique et le soin porté à ses productions – les singles accompagnés de comic books… – que maintenant avoir du recul à son sujet s’avère être bien difficile. Et je ne vous parle pas de tous les autres groupes, énormes pour certains, essentiels pour les autres, qui ont été découverts ou récupérés en cours de route par le label chicagoan. Ou plutôt si, citons-les : Melt Banana, U.S. Maple, Mount Shasta, Ruins, Brise Glace, Yona Kit, Flying Luttenbachers, Zeni Geva, Arab On Radar. Ça calme, hein ? Ce qui calme encore plus c’est le désagrégement de Skingraft depuis cette période bénie. Quelques séquelles d’Arab On Radar sauvent la mise – Athletic Automaton ou Chinese Stars (et encore) – mais pour le reste on tombe vite dans la caricature de ce qui a fait la gloire d’une grande maison.
Le compte de Pre, gentils pourfendeurs anglais post Arab On Radar et néo Melt Banana a déjà été réglé mais pas celui de Aids Wolf, un groupe de Montréal dont le premier et immense mérite est de ne pas avoir rejoint les légions de hippies constellés qu’abrite cette ville. Outre le fait de partager le même label, les deux groupes ont pas mal de choses en commun, un certain sens de la nudité d’abord mais surtout moult concerts ainsi qu’un tour single dont nous reparlerons peut être un de ces quatre. Aids Wolf a publié en cinq années un nombre conséquent de sept pouces, de split (dont un album avec Athletic Automaton) ainsi que deux albums sur Skingraft, deux albums qui m’ont toujours laissé le même genre d’impression mitigée que ceux de Pre : oui c’est bien et après ? Singer la bande d’Eric Paul n’est pas une condition nécessaire et suffisante pour faire de la bonne musique. Et quitte à choisir entre l’approche Barbie pop de Pre et la vision plus chaotique de la chose par Aids Wolf je prends les canadiens qui – du moins sur disque – m’ont l’air bien plus barrés que leurs collègues britanniques.
Ce n’est pas Dustin' Off The Sphynx et ses quatre titres hystériques qui vont me donner tort pourtant cet EP de très courte durée est une preuve supplémentaire qu’un groupe pénible peut presque s’avérer jubilatoire dès qu’il aborde le petit format (cette théorie a ses limites puisqu’elle souffre quelques exceptions notoires telles que The Mars Volta ou Guapo, groupes incapables de composer des titres de moins de dix minutes et de toutes façons ne comprenant parmi leurs membres que des scribouilleurs tout juste bons à pondre du rock progressif anesthésiant).
Avec Dustin' Off The Sphynx Aids Wolf se déchire littéralement, ne ménage pas ses efforts et tout ça sans que l’on ait trop l’impression d’avoir affaire à un groupe de poseurs en pleine séance de brainstorming. Old Fashion Values, braillard et saturé, va droit au but alors que Pressing Graphite est plus déconstruit. Nouvelle roquette punky fuck, Abortifacient vrille les tympans de ceux qui aiment souffrir en presque moins de temps qu’il n’en aurait fallu à Melt Banana pour transformer Pac-Man en cheeseburger fumant. Dustin’ Off The Sphinx est malheureusement le titre le moins bon du disque, renouant avec le côté irritant de Aids Wolf, celui qui nous les fait ranger dans la catégorie pourtant très convoité de fumistes sans feu sacré. Le disque s’arrête là avec cette délicieuse impression de s’être fait violer le cortex et d’avoir en plus payé pour ça.
Le disque s’arrête là sauf pour celles et ceux qui se sont servis du coupon mp3 pour télécharger les sept titres bonus ou pour tous les autres qui ont écouté la version CD de Dustin' Off The Sphynx comprenant ces mêmes sept titres. Lesquels sont issus d’une cassette intitulée Pas Rapport avec un son tellement immensément dégueulasse que l’on croirait du live enregistré avec un téléphone portable – la masterisation signée Weasel Walter n’y change pas grand-chose puisque tout est consciencieusement saturé au-delà des limites maximales. Tous les titres sont en français (et plutôt drôles : Police d'La Quéquette, Elle Est Si Cochonne ou Flaque de Vomi) et c’est le principal intérêt de ces bonus, à égalité avec le côté attraction de fête foraine d’un groupe qui n’a pas hésité à publier une telle bouillie sonore tellement inaudible qu’elle en deviendrait presque fascinante. Y a t-il un concept derrière cette posture héroïque de branleurs arty et de terroristes sonores ? Je ne veux même pas le savoir et j’arrête toujours d’écouter Dustin' Off The Sphynx tout de suite après son troisième titre. C’est largement suffisant et bien mieux comme cela.

jeudi 4 février 2010

Loser un jour, loser toujours*























Non mais qu’est ce que je fous là ? Qu’est ce que je fous là un mardi soir à attendre que le temps passe alors que je suis dans une salle de concert, qu’il y a des gens sur la scène visiblement en train d’essayer de faire de la musique ? Je m’emmerde. Je m’emmerde à en mourir. Mais j’attends quand même. J’attends le troisième et dernier groupe de la soirée, Gay Beast. Et je reprends une bière.
Il y a de nombreuses années je serais allé à n’importe quel concert à partir du moment où l’étiquette Skin Graft était apposée sur l’affiche. Skin Graft : un label à fortes sensations sortant des disques tous plus fabuleux – et beaux : fallait voir ces artworks et ses éditions spéciales – les uns que les autres. Et le premier concert avec des groupes issus cette écurie de rêve fut un fantastique doublé US Maple/Melt Banana au Rail Théâtre de Lyon Vaise. Quelques groupes plus tard – Flying Luttenbachers, encore US Maple, toujours Melt Banana, Arab On Radar ou Gorge Trio – tout cela est bien fini. Le soufflet a fini par retomber bien qu’il ait tenu assez longtemps. Depuis quelques années Skin Graft ne fait que sortir des disques de groupes qui ne sont que des mauvaises et pales copies de ceux qui avaient fait sa renommée. Ou alors le label réédite ses vieilles références.
C’est sûrement par faiblesse que j’ai cru un instant que Gay Beast allait pouvoir y changer quelque chose. Quel con. Quel vieux con. Je suis donc là, à m’emmerder, accoudé au comptoir ou alors à discuter avec d’autres qui ont eu la même mauvaise idée que moi : aller à un putain de concert tout ça parce que le groupe de tête d’affiche a publié son deuxième album sur un label foutrement bon au siècle dernier. Une éternité.
















En attendant que les stars de la soirée apparaissent il faut supporter deux premières parties. La première est une fille qui joue toute seule sous le nom de Golden Disko Ship. Elle vient de Berlin, s’appelle en réalité Theresa Stroegtes, ressemble à un bisounours et chante et joue de la guitare sur des bandes préenregistrées – même sa voix est déjà posée dessus, elle ne fait que doubler le chant sur scène, laissant clairement apparaître qu’elle chante en réalité comme une patate mais finalement le décalage entre le chant studio et le chant live est drôle pendant au moins cinq minutes.
La pop très vaguement expérimentale de Golden Disko Ship ne me concerne absolument pas (j’aurais pu m’en douter avec un nom pareil) et le vide abyssal créé par cette musique sans intérêt n’est même pas comblé par les projections de films sur un écran. Je sors de la salle pour aller fumer ma quinzième cigarette de la soirée et vérifier que les chiottes sont toujours complètement bouchés. Je suis complètement incapable d’en dire davantage, c’est le report le plus court de ma funeste carrière de râleur.
















Deuxième partie. Encore une fille qui joue (presque) toute seule : Jasmina Maschina vient elle aussi de Berlin, a une coupe de cheveux au bol, chante et joue de la guitare assise tout en surveillant sur un laptop que ses bruits de fonds se déclenchent comme il faut là où il faut. Musicalement on navigue carrément dans le folk le plus diaphane qui soit. Mon mauvais esprit ne peut s’empêcher de rajouter une touche de variette bon marché à cette mixture, plusieurs fois il me semblera en effet reconnaître les premières notes d’une célèbre chanson d’amour interprétée par un ancien mannequin reconverti dans l’industrie phonographique et la turlutte présidentielle.
Sur les derniers titres Jasmina Maschina est rejointe par la fille de Golden Disko Ship qui joue de la guitare ou du xylophone sans que le résultat ne s’améliore pour autant. Je suis proprement atterré et me demande ce que ces deux filles font sur la même affiche qu’un groupe comme Gay Beast. Le fait que ce concert soit la fusion de deux programmations distinctes ayant entrainé une coprod (Barbe A Pop d’un côté, le Sonic de l’autre) doit pouvoir expliquer cette aberration. Là aussi je ne saurais en dire plus, deuxième report expéditif.
















Jamais deux sans trois. Pour une raison que j’ignore, pendant tout le concert de Gay Beast, je n’ai pas arrêté de penser à un groupe que je déteste : Numbers. Pourtant les deux n’ont rien à voir entre eux bien qu’ils aient quelques points en commun comme le fait d’avoir une batteuse en leur sein. Sauf que la batteuse de Numbers est (était ?) aussi la chanteuse du groupe alors que chez Gay Beast c’est un binoclard tonsuré qui donne de la voix, d’une manière totalement insupportable, avec un timbre aigu et nasal aussi irritant qu’un rasage de poils de couilles à l’épilady. C’est lui aussi qui plombe le disque du groupe, enfin le seul que j’ai écouté, le second, celui sorti sur Skin Graft – et merde. J’imagine que si c’est une fille qui avait chanté dans Gay Beast on aurait pu immédiatement lui trouver quelques excuses – premièrement c’est une fille, deuxièmement elle est sans doute étudiante en sociologie appliquée à la fac de Berkeley – mais non. En plus le dit chanteur passe aussi son temps à tapoter sur un synthé aux sonorités pour le moins imbitables. Et je ne parle pas de son son de saxophone. Ténor, le saxophone, comment peut on arriver à faire sonner aussi mal un instrument aussi magnifique ?
Je me concentre donc sur la fille qui joue de la batterie et la seule chose que je vois c’est qu’elle passe son temps à compter. Oui elle en fout de partout, non ça n’a aucun intérêt. Reste le guitariste qui a lui aussi une bonne petite gueule d’étudiant. Quelques plans intéressants à la guitare, un peu de torsion, un peu de barouf. Il devrait jouer tout seul ou bien virer les deux autres du groupe pour en remonter un autre tout de suite après. Je songe sérieusement à fuir cette noise skingraftienne académiquement foutraque lorsque le chanteur/clavier annonce que c’est déjà le dernier titre du set. Au moins ils n’auront pas joué trop longtemps. Mais c'est une soirée foutue en l’air pour rien quand même. Loser un jour…

* un titre déjà utilisé mais cela s’imposait à nouveau.