dimanche 11 août 2013

Et maintenant : rien




C’est l’été, il fait chaud, il fait soif et toute l’équipe rédactionnelle de 666rpm vous souhaite, bande de lecteurs, un mois d’août caniculaire et mortellement ennuyeux.

Ici on va profiter de quelques vacances bien méritées pour réécouter des vieux disques et même encore plus : l’aventure Heavy Mental s’arrête, sans regret.

Quelques excuses s’imposent tout de même pour les groupes ou labels qui ces dernières semaines ont envoyé des disques promos et qui espéraient sans doute une chronique mais aucun remboursement ne sera accordé aux personnes lésées. Life is a bitch.

Heavy Mental c’était mieux avant.

samedi 10 août 2013

Jessica93 / Poison b/w Saint James Infirmary Blues




Poison est l’un des titres phares de l’album Who Cares de Jessica93 et a bénéficié d’une publication avancée sous la forme d’un single. Un vrai single, comme avant et avec un inédit sur sa face B. Il pourrait sembler assez vain de reparler en détails de Poison mais pourtant on va en rajouter une couche : entrainé par une boite-à-rythmes implacable et une ligne de basse qui donne le frisson (ces glissés au moment du refrain…), Poison est un vrai tube et une vraie machine à danser. Une composition qui ne serait rien sans la guitare en mode scie circulaire coincée comme il le faut un peu au fond du mix et sans ce chant à la fois désabusé et convainquant, loin de toutes les pleurnicheries auxquelles on pourrait s’attendre avec une musique qui lorgne immanquablement et avec succès du côté sombre des 80’s. Everything Becomes So Bright nous chante lugubrement JESSICA93, comme pour nous signifier que toute vérité que l’on se prend dans la gueule fait d’abord beaucoup de mal avant de faire éventuellement un peu de bien. Le genre de message simpliste auquel j’adhère complètement : je suis un parfait idéaliste.
La face B de Who Cares est donc un inédit et il s’agit d’une reprise de Saint James Infirmary Blues, un standard de la musique populaire américaine dont l’auteur est resté inconnu mais une chanson immortalisée par des gens tels que Cab Calloway (avec l’aide de Betty Boop dans le rôle de Blanche Neige, ça se passe à 4’10), Louis Armstrong et Abner Jay mais également repris par The Standells. Une chanson dont je n’ai jamais pu m’empêcher de penser qu’elle avait servie d’inspiration à tous ces standards du jazz influencé par le gospel et le blues – le Summertime que les deux frères Ira et George Gershin composèrent aux alentours de 1935 par exemple. Saint James Infirmary Blues est une chanson indéniablement spectrale et mélancolique, donc un écrin parfait pour Jessica93 qui en livre une interprétation névrosée mais éclairée et bourrée de reverb, collant plus que jamais avec le She May Search This Wide World Over/She’ll Never Find A Sweet Man Like Me des paroles et nous offrant surtout quelques parties de guitare à se rouler par terre. Du grand macabre.

[Poison b/w Saint James Infirmary Blues est publié par Analog Profusion records, un label dont je n’ai même pas réussi à retrouver la trace sur internet – donc démerdez-vous pour trouver ce single de rêve]

vendredi 9 août 2013

Witxes / A Fabric of Beliefs


Reparlons un peu de (((WITXES))). Il est assez stupéfiant de constater que pour son deuxième album intitulé A Fabric of Beliefs, ce one-man-band basé à Lyon a bénéficié de l’aide et de l’expérience d’une maison de disques aussi prestigieuse que Denovali*. Ce n’est pas qu’ici on soit hyper fanatique de ce label arty-dark un peu prétentieux mais on reconnait volontiers que Denovali a su se forger une réelle identité et fait presque toujours preuve d’une cohérence certaine dans ses choix de productions. Résultat, le catalogue de Denovali est l’un des plus prestigieux en matière de musiques sombres, expérimentales mais aussi metal/hardcore tendance le cœur en bandoulière**.
Mais si Maxime Vavasseur/Witxes se retrouve sur Denovali, ce n’est pas non plus tout à fait le fruit du hasard : Sorcery / Geography, son premier album publié en 2012, était et reste encore aujourd’hui une réussite indéniable. Un disque qui a tapé dans l’oreille et ému énormément d’amoureux des musiques à la fois sensibles et exigeantes. Il parait donc presque normal que Witxes ait parcouru autant de chemin en si peu de temps.




On avait eu une approche très sensorielle et émotionnelle de Sorcery / Geography et il en sera exactement de même pour A Fabric of Beliefs, à quelques détails près. Car on reconnait sans hésitation que ce nouvel album va beaucoup plus loin que son prédécesseur sans toutefois dévier des principales lignes conductrices de celui-ci. Les effets générés par A Fabric of Beliefs s’en retrouvent donc démultipliés : aux mêmes causes les mêmes effets, la logique est respectée.
A Fabric of Beliefs est juste plus ambitieux, explore de nouvelles idées qui ne dénaturent pas la richesse et l’identité du projet Witxes mais au contraire mettent toujours plus en avant sa singularité. La seule chose qu’A Fabric of Beliefs a peut-être un peu perdue par rapport à Sorcery / Geography est une certaine spontanéité. Le langage du corps. Mais ce nouvel album compense largement par la sophistication poussée de ses ambiances, la richesse à la fois très construite et organique de ses compositions, les lumières qu’il laisse échapper et une tenue générale toujours plus cosmographique. A Fabric of Beliefs définit un univers propre à base d’éléments très divers, un univers au sens réel c’est-à-dire avec toute la dialectique chaos organisationnel/organisation du chaos que cela suppose.
Aussi on pardonnera à Maxime/Witxes ces quelques redites comme celle consistant à nous refaire le coup du chant à la (presque) fin de qu’A Fabric of Beliefs : le bien nommé The Words est une chanson superbement magique, toute en émotion. Une chanson qui fait un peu regretter que Wixtes ne se lance pas dans un album entier de folk songs sublimées par un chant aux confins de l’irréel mais peut-être en aura-t-il un jour envie. Ces quelques remarques sont bien évidemment purement secondaires et ne doivent surtout pas éclipser le fait que qu’A Fabric of Beliefs s’impose d’ores et déjà comme l’un des disques les plus beaux et les plus forts de cette année.

* Denovali ne s’est pas contenté de publier A Fabric of Beliefs puisque le label a également réédité en vinyle et CD le premier album de Witxes, Sorcery / Geography ; à noter que la version vinyle d’A Fabric of Beliefs se présente sous la forme d’un double LP : la quatrième face est entièrement occupée par un titre exclusif, Un Tissu De Mensonge qui est une longue improvisation de dix-huit minutes enregistrée en compagnie de quelques invités et dont on peut écouter un court extrait sur la page Soundcloud de Witxes
** parmi les meilleurs groupes ou musiciens publiés par Denovali on citera Thisquietarmy, Aun, Celeste, Crëvecœur, Thomas Köner, Nadja…

jeudi 8 août 2013

Retox / YPLL




Comme tu le sais peut-être déjà, cher lecteur, RETOX est le super-groupe monté par Justin Pearsons pour pallier au ralentissement d’activité voire à la mise en sommeil prolongé de The Locust, le projet principal du monsieur depuis environ une quinzaine d’années. Une sorte de cure de jouvence et un retour aux sources puisque Retox est avant tout le tenant d’un hardcore survitaminé, décomplexé et débarrassé de tout artifice inutile : Pearsons n’y fait que chanter et le line-up de Retox ressemble à n’importe quel line-up de groupe de hardcore de base (chant/guitare/basse/batterie). Les quatre membres de Retox se sont même amusés à poser sur le perron d’une maison, imitant une célèbre photo de Minor Threat prise quelque trente années auparavant par Glenn E. Friedman.
Et les comparaisons ne s’arrêtent pas là : YPLL, deuxième enregistrement officiel de Retox après un Ugly Animals encore plus lapidaire, enchaine douze compositions en à peine une vingtaine de minutes – hardcore, toujours. Sauf que nous sommes en 2013 et que les membres de Retox, tout en bénéficiant de l’accumulation d’un savoir-faire historique, ont à leur portée toute cette technologie musicale moderne qui aiguise dangereusement les angles et durcit encore plus leur son, à défaut de leur permettre de ne pas répéter trop bêtement et trop studieusement le passé. Certains plans de guitare peuvent faire penser à du Dead Kennedys/East Bay Ray pur jus (le pseudo solo gorgé de reverb de Mature Science) et ailleurs on notera tel riff emprunté ou tel break déjà entendu mille fois mais, globalement, YPLL est bien ce disque réjouissant et rafraichissant.
Rafraichissant ? Mais oui : même si YPLL est parait-il l’abréviation de « Years Of Potential Life Lost », un titre qui dénote de ce sens du sarcasme toujours très présent chez Pearson et même si l’album contient par ailleurs des titres aussi édifiants que Don’t Fall In Love With Yourself , The Art Of Really, Really Sucking ou Biological Process Of Politics, voilà un disque qui, pour l’auditeur en mal de violence et d’agression musicales, se place uniquement sur le plan du divertissement. Un disque à l’énergie savamment ripolinée, où l’abus électricité n’entraine pas de court-circuit hystérique, où chaque chose est systématiquement à sa place (sauf le chant mis un peu trop en avant dans le mix) et qui révèle un savoir-faire certain. Peut-être paradoxalement, YPLL est un disque vraiment « cool », en ce sens qu’il procure une bonne petite dose de plaisir stéréotypé et d’adrénaline hormonée. Le disque d’une jeunesse à laquelle on essaie de se raccrocher, malgré tout. Et ça tombe bien puisque l’été est enfin arrivé.

[YPLL est publié en vinyle et CD par Three One G et Epitaph – la version LP comprend le CD en bonus]




[cette chronique à lire avec l’air blasé du type qui a déjà tout vu et tout entendu, vous pouvez également la découvrir dans le #17 de Noise mag, disponible depuis quelques jours déjà]

mercredi 7 août 2013

Brame / La Nuit, Les Charrues...




Je me souviens de Tenaille, le précédent album de Brame, un disque qui m’avait pris par surprise comme un chien enragé et un peu débile vous saute à la gorge ou vous attrape par les couilles pour ne plus lâcher prise. Et ça fait mal. Les deux BRAME (José à la guitare baryton et aux grésillements divers et Serge à la voix, au mégaphone et préposé à la marmite à chaux vive) sont de retour avec La Nuit, Les Charrues…, un nouvel album tout aussi auto-produit et encore une fois doté d’une illustration superbe et emballé avec un luxe artisanal qui rendrait presque à l’objet CD tous ses titres de noblesse.
La musique de Brame n’a pas réellement changé depuis Tenaille, on y retrouve toujours ces bidouilles faites mains, ces percussions pédestres et minimales, ces fields recordings parasitaires, cette guitare qui cisaille allègrement les oreilles, cet harmonica maléfique et ce chant de forçat qui vous hurle sa douleur dans la tête et tant pis si vous êtes déjà sourd, Brame hurlera toujours plus fort. Ce qui a changé c’est le resserrement, l’épaississement de la sauce si on veut : Brame, tout en prenant son temps, le temps imposé par une moiteur intolérable, semble se disperser un peu moins, ne plus jouer autant qu’auparavant sur les longues distances… Mais ce n’est qu’une illusion, assurément encore un mirage provoqué par la chaleur et la soif ; car on a bien sûr vérifié et les sept titres de La Nuit, Les Charrues… ne sont pas moins longs que ceux de Tenaille. Ce qui change, c’est la façon de remplir ces espaces implacables, d’y coller toute la dureté et toute l’âpreté dont on est capable pour faire exploser la viande de l’intérieur, comme une charogne gonfle du bide sous le soleil avant de faire gicler tout son pus dans les airs et d’infester les alentours d’une odeur aussi pestilentielle que persistante.
Brame ne laisse donc pas trop le choix et ne fait pas de cadeau, quitte à prendre le risque de devenir épuisant et la musique de ce duo a beau être d’un minimalisme aride à faire pleurer et remuer les cadavres enterrés depuis des années, elle prend également énormément de place, bouffe le peu d’air respirable qui reste encore, étouffe toute résistance et dessine sur nos peaux craquelées des signes annonciateurs d’une mort certaine. Dead Man c’était vraiment de la rigolade pour enfants. 

[La Nuit, Les Charrues… est disponible uniquement auprès du groupe – le mieux c’est de contacter celui-ci directement, comme d’habitude c’est Maurice qui répondra à toutes les demandes et questions, mailto: maurice.brame@gmail.com*]

* j’en ai d’ailleurs une de question : il y aurait un lien entre Brame et Guimo – une chronique de l’album Lotophage à lire ici – mais je n’ai toujours pas compris lequel…

mardi 6 août 2013

Hey Colossus / Cuckoo Live Life Like Cuckoo




Si j’ai bien tout compté – ce qui n’est absolument pas certain – Cuckoo Live Life Like Cuckoo est le huitième album de HEY COLOSSUS*. Une longue liste à laquelle il faut ajouter le même nombre de mini albums, maxis, splits ou singles. En moins de dix ans ces anglais ont construit une œuvre plus qu’imposante et singulière. Singulière parce que Hey Colossus ne s’est jamais définitivement enfermé dans un genre précis, faisant évoluer son doom metal mâtiné de noise-rock (et inversement) au gré d’albums toujours plus teintés d’expérimentations et de bizarreries. Hey Colossus a toujours été un groupe des plus barrés – pour s’en convaincre, il faut absolument écouter les albums Project : Death (2006) et Happy Birthday (2007) qui représentent en quelque sorte le summum de la première période du groupe – mais a eu l’intelligence ou plutôt l’inconscience de toujours se remettre en question. Le changement s’est surtout opéré à partir à partir de l’album Eurogrumble Volume 1 (publié sous le nom de Hey Colossus And The Van Halen Time Capsule) puis s’est intensifié jusqu’à atteindre un niveau d’excellence – excellence dans le mal, bien sûr – avec l’insurpassable RRR, disque de tous les excès et de toutes les folies.
On imaginait assez mal Hey Colossus faire machine arrière et revenir à plus de concision mais, tout au contraire, on se demandait aussi comment le groupe pourrait aller encore plus loin après un tel disque. Pourtant, d’une certaine façon, les anglais parviennent encore et toujours à surprendre avec Cuckoo Live Life Like Cuckoo. Un disque totalement schizophrène puisque comprenant nombre de plages chargées d’un metal noise lourd et méchamment vicieux tout en prenant un plaisir certain à brouiller les pistes : ainsi Hot Grave est-il presque complètement parasité par des synthétiseurs au kitsch envahissant tandis que English Flesh  bénéficie lui d’un groove maléfiquement motorik. On a déjà dit que Hey Colossus avait peur de rien et Cuckoo Live Life Like Cuckoo le confirme une fois encore.
En guise de tête de gondole, le chant principal fait tout pour être irritant – c’est amusant mais sur les titres les plus rentre-dedans du disque il me fait plus que penser à celui de Marc Desmarets/Desmare/Du Marais (etc.) c’est-à-dire le chanteur des excellentissimes La Muerte – puis chant comme musique s’engagent sur des terrains plus mouvants et plus psychotiques (Oktave Dokkter au passage doté d’une grosse ligne de basse des cavernes) avant de partir complètement dans des délires sans fin (les quelques dix minutes de How To Tell Time With Jesus qui virent à l’hypnose kraut façon Can, un peu dans la lignée du précédent 12’ Witchfinder General Hospital b/w The Butcher). Comme son chanteur, Hey Colossus n’hésite pas à passer d’un registre à l’autre, avec une aisance confondante et un à-propos certain, ce qui permet au groupe de toujours conserver la même passion dévorante et la même folie contagieuse.
Mais le plus beau reste la deuxième face de Cuckoo Live Life Like Cuckoo : confondant de niaiserie apparente, Pit And Hope est un slow qui ferait presque penser au Planet Caravan de Black Sabbath mais profite de ses neuf minutes pour dégénérer en une longue déambulation d’ivrogne/junkie : le chant est complètement faux mais pas vraiment à côté de la plaque, Pit And Hope s’apparentant à une redescente d’acide, sorte de chill-out redoutable de crasse mais finalement presque rédempteur. Un grand final pour un grand disque.

[Cuckoo Live Life Like Cuckoo est publié en vinyle et en CD par Mie Music, Hey Colossus délaissant ainsi le label Riot Season qui avait pourtant accompagné le groupe sur ses trois albums précédents]

* la chronique de RRR affirmait déjà que ce disque était la huitième référence de Hey Colossus : je ne sais donc définitivement pas compter…

lundi 5 août 2013

Huata - Bitcho / split




Malgré tout le bien que l’on a pu dire d’Atavist Of Mann, le premier (double) album de HUATA publié en 2012, un disque que l’on écoute encore et toujours aujourd’hui avec un plaisir certain, on pensait quand même qu’il manquait un tout petit quelque chose à ce groupe originaire de Bretagne pour être définitivement crédible. Oh… pas grand-chose : une pointe supplémentaire d’humour lugubre ? du sang et du sexe pour de vrai ? un peu moins de visibilité au niveau des références musicales supposées de Huata ? un peu moins de sérieux et un peu moins d’application ?
En ne choisissant pas de durcir à outrances son doom 70’s post Electric Wizard, Huata a réellement fait le bon choix : celui de ne surtout pas avoir l’air de ce que le groupe ne peut pas être (autrement dit un ramassis  de serials killers amphétaminés et cannibales) et mettre un peu de rêve, même perturbé par quelques visions incontrôlables, dans sa musique. On le sentait ça et là sur Atavist Of Mann grâce à quelques passages teintés d’un psychédélisme magmatique et oppressant genre je plane en plein milieu d’un orage magnétique, Huata fait plus que le confirmer avec Retaliator et Hercolobus : ces garçons, même s’ils ont toujours l’intention de se déguiser sur scène en schtroumpfs satanistes, ont grandi, ont mûri et ont découvert les plaisirs savoureusement occultes de la surdose psychédélique. Le doom du groupe se fait donc de moins en moins doom et de plus en plus labyrinthique et planant, tout en gardant cette sensation de menace imminente et désormais Huata peut aussi bien tutoyer les cieux que les enfers.
Ce disque est un split et lorsqu’on le retourne pour en écouter sa deuxième face on découvre BITCHO, un groupe de joyeux hollandais déjà auteurs d’un premier double album en 2010 (Toybox). Un groupe qui verse encore plus dans le psyché que Huata, ne craint pas non plus les compositions à rallonges (10050 Cielo Drive atteint les treize minutes) mais fait preuve d’un lyrisme encore plus appuyé et limite wagnérien pour cette insistance presque swanesque et tribale dans la lourdeur conquérante. Bitcho reste une chouille en deçà de la réussite opiacée de Huata mais ici on est quand même devenus subitement fanatiques de ce groupe de hippies-warriors métallisés et que l’on ne connaissait pas jusqu’alors.
Tu auras sans aucun doute également compris, cher lecteur, que sur ce split les deux groupes sont plus que complémentaires : ils se font étrangement écho. Souvent ce genre de pratique hégémoniste et absolutiste visant à imposer qu’un seul style de musique alors que l’on pourrait en profiter pour faire découvrir quelque chose d’autre à l’auditeur naïf et inculte tombe à plat. La diversité, c’est mieux. Or il s’avère que dans ce cas l’alliance de Huata et de Bitcho n’est pas une faiblesse ou une maladresse mais constitue bien la force de ce disque ; avoir la chance de pouvoir réunir deux groupes de cet acabit ne se refuse pas, chacun ayant apporté des compositions de haute volée et personnelles et, finalement, les nuances entre Huata et Bitcho se font toujours plus évidentes et enrichissantes. Voilà un disque qui s’écoute inlassablement, avec attention voire avec dévotion.

[ce split quasi incontournable est publié par Music Fear Satan. L’artwork est splendidement kitsch (et l’œuvre d’un des membres de Huata), la pochette est gatefold et le vinyle est noir ou, pour les inconditionnels de sensations fortes, d’une jolie couleur vomi translucide et irisé, un peu comme de la cervelle de licorne magique passée au presse-purée]

dimanche 4 août 2013

Woman / self titled


C’est en dégustant une fois de plus Sweaty Hands, le deuxième (formidable) album de Degreaser, que cette envie irrépressible de réécouter le premier album de Woman s’est fait ressentir. Impérieusement. La raison d’une telle envie est toute simple bien qu’une chouïa tortueuse : le bassiste de Degreaser s’appelle désormais Kristian Brenchley, lequel est également guitariste – et un peu chanteur – chez Woman. Et qu’il ne joue pas sur Sweaty Hands n’est pas bien grave puisqu’il jouera finalement sur le troisième album de Degreaser.
Mais revenons-en à WOMAN*. Et au premier album du groupe, publié en 2009 par Bang! records. Ce n’est pas sans un certain sentiment de dépit que je me suis aperçu que ce disque, ô combien essentiel à tout amateur de – on peut choisir mais quand on est tout cela à la fois c’est encore plus simple – de noise-rock, de swamp rock, de blues punk et d’une manière générale de toutes ces saloperies qui pullulaient dans les 90’s et qui reviennent de plus en plus à la surface de nos jours, bref, donc, c’est avec effroi que je me suis aperçu que le premier album de Woman n’avait jamais été chroniqué dans les colonnes de 666rpm**. Est-ce que par hasard j’aurais effacé la chronique par erreur ou même par esprit révisionniste ? Non. Est-ce que cette même chronique aurait disparu en compagnie de quelques milliers d’autres fichiers lors d’un éventuel crash de disque dur avant d’avoir pu être postée sur internet ? Non plus.
Je n’ai absolument aucune excuse de n’avoir jamais parlé de ce disque essentiel. Alors voilà, c’est l’été, la bière est tiède et il n’est jamais trop tard, les chroniques des « nouveautés » attendront leur tour*** et, puisque presque quatre années plus tard ce disque me fait toujours autant d’effet, parlons-en, ne serait-ce qu’un peu.





Ces types ont beau être basés à New-York (du côté de Brooklyn), ils n’en sont pas moins australiens dans l’âme et même de sang puisque Brenchley est réellement un émigré en provenance du pays des kangourous et des groupes de hard rock qui jouent du boogie déguisés en tenue d’écolier de douze ans. Et quoi qu’il en soit il y a beaucoup de musique australienne cher Woman. De ce rock sale, puant, suant, collant et méchant. Un petit côté Scientists**** par exemple mais pas que. La seule influence supposée que je n’arrive pas à dégotter chez Woman c’est Birthday Party et tous les trucs à la Rowland S. Howard/Nick Cave*****. Mais si vous aimez tendrement Killdozer (originaires eux du Wisconsin/US) et surtout les Lubricated Goat (ces derniers sont par contre tout ce qu'il y a de plus australien), c’est-à-dire les tenants d’un noise-rock aussi dégueu que braillard et sexuellement transmissible et bien Woman est fait pour vous.
Tout ici remugle l’eau de vie frelatée et l’odeur de tabac froid, je ne dis pas ça que pour le chant réellement spectaculaire de Brett W. Schultz qui doit consciencieusement se racler les cordes vocales à la laine de verre calibre 35 depuis l’âge de quatre ans mais ce simple constat concerne tout le groupe et l’intégralité de ce premier album. Et puis, tiens, en parlant de gnôle et de tabagisme actif, quand j’écoute mon titre préféré du disque, Goal Inside My Heart, je me dis qu’il y a également du Beasts Of Bourbon chez Woman (et les Beasts Of Bourbon sont encore un groupe australien). Dernières traces de sperme décelées chez Woman : un peu de Stooges comme sur le titre Fall Into The Fall. Et puis il y a aussi cette façon de triturer les guitares, de les pourrir au bruit blanc et on verra là sans doute l’influence du lieu de résidence de Woman (Brooklyn rappelons-le) d’autant plus que c’est Martin Bisi qui s’est occupé de l’enregistrement de ce disque. Un grand bon petit disque, rappelons-le encore une fois.

Cette chronique extrêmement tardive a-t-elle une quelconque utilité ? J’ose espérer que oui. D’abord parce que depuis le temps (2009), j’étais tout bonnement persuadé que Woman avait splitté (une information que j’avais peut-être dégottée sur ce webzine ventripotent expatrié en Californie) ; ensuite pour celles et ceux qui connaissaient déjà Woman et qui ont déjà ce disque, peut-être auront-ils/elles envie de le réécouter à  nouveau ; et puis pour tous les autres, qui ne connaissaient pas ce groupe, sachez qu’il est encore temps : Bang! Records – label basé au pays basque espagnol – en a encore quelques caisses à revendre. Et surtout ce même label annonce également la parution du deuxième album de Woman pour au plus tard la fin de l’année 2013… Je ne tiens déjà plus en place******.

* tu veux vraiment un lien internet ? et bien en voilà deux : un qui ne sert plus beaucoup de nos jours myspace.com/womannyc ; un autre qui jour ne servira plus beaucoup non plus facebook.com/WOMANNYC
** moi aussi je récupère mes infos et mes idées de chroniques chez Perte & Fracas, qu’est-ce-que vous croyez ?
*** j’ai quand même une sacré pile de disques promotionnels de merde qui s’accumulent depuis quelques temps… heureusement la poubelle n’est pas très éloignée
**** au passage signalons que Bang! records a également réédité l’album Rubber Never Sleeps, un double album live que le groupe de Kim Salmon avait publié en cassette et en 1985 chez Au Go-Go
***** par contre quand on regarde la photo à l’intérieur de la pochette gatefold de ce disque, on tombe nez à nez avec quatre types tout de noir vêtus, hirsutes et d’apparence bien chargés, des petits frères de Birthday Party, précisément
****** je m’engage solennellement ici à chroniquer le prochain album de Woman avant le 31 décembre 2014 (quoique... )

samedi 3 août 2013

Maria Goretti Quartet / 14 : 02


J’avais presque oublié l’existence de MARIA GORETTI QUARTET. Bien sûr je me souvenais encore vaguement qu’il existait un trio de ce nom là du côté de la face nord du monde civilisé (Lille – Belgique ? – et alentours) mais, comme on dit, loin des yeux loin du cœur, et n’ayant jamais recroisé le chemin de ce groupe depuis son précédent album sans titre, hop-la, Maria Goretti Quartet avait fini par se transformer inexorablement en un joli fantôme, une idée vague en provenance d’un possible mais nébuleux au-delà. Quand 14 : 02 est arrivé dans la boite-aux-lettres de 666rpm, je me suis soudainement rappelé de ces jeunes gens. Mais absolument pas de leur musique… voilà une chronique qui commence sous de très mauvais auspices, non ? Mais ne nous emballons pas, ça ceci va très bien finir, comme dans les vrais romans d’amour.




Avec toute la conscience professionnelle qui me caractérise, j’ai immédiatement écouté 14 : 02 et là les bras m’en sont tombés : mais qu’est ce que c’est bon ce truc ! Quelle aisance ! Quelle énergie !  Par contre je n’arrivais toujours pas à faire le lien exact entre ce que j’écoutais alors et les éventuels souvenirs que j’aurais pu précédemment garder du groupe. Il m’a même fallu réécouter le premier album histoire au moins de pouvoir faire un peu semblant de savoir de quoi j’allais parler. Avoir l’air intelligent du type qui sait tout, celui qui sort toujours les bonnes références au bon moment et qui a évidemment une anecdote croustillante vaguement en rapport et à raconter sur un concert mythique qui a eu lieu il y a au moins une vingtaine d’années devant un public de trente personnes dont la moitié était déjà complètement bourrées dès le début de la soirée.
Mais pas d’anecdotes, pas de souvenirs ni de visites guidées de mausolées pour évoquer Maria Goretti et 14 : 02. Juste quelques constatations et quelques bonnes surprises : le son du groupe s’est épaissi – je vous avais bien dit que j’avais réécouté le disque d’avant – et a gagné à la fois en clarté et en puissance (Thai Nana est même à la limite du hard rock pour esthètes à mèches). Du coup le post-punk de Maria Goretti Quartet passe de la catégorie collection de bourre-pifs vivifiants à celle d’usine à tubes foldingues et parfois, voire très souvent, écervelés. La musique de ces trois garçons ne se contente plus d’être frénétique, elle gagne toujours plus en matière de frivolité obligatoire mais libérée, alliant désormais ses rythmiques et plans à la The Ex/Dog Faced Hermans/Dawson avec une diversité élégante qui ratisse toujours plus large : 14 : 02 donne également à entendre du post punk robotique voire glacial, un peu de tropicalité de ci de là, du blues urbain à la Gun Club, du punk hardcore à la Biafra/Dead Kennedys, de la mélopée arabisante mais Maria Goretti Quartet ne se perd jamais en route, n’hésite jamais sur la marche à suivre et fédère tout ce merdier en un joyeux bordel explosif sans avoir jamais l’air de racoler qui que ce soit ni de jouer aux promesses électorales. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Et vive le mariage pour tous.

[14 : 02 est publié en vinyle et CD par Hovercraft, Love Mazout records, Rockerill records et Tandori records – maintenant j’espère bien un de ces jours voir Maria Goretti Quartet en concert, ça m’évitera d’avoir à faire de efforts de mémoire, trois ans après]

vendredi 2 août 2013

The Body / Master, We Perish




THE BODY n’avait pas donné beaucoup de nouvelles depuis l’album All The Waters Of The Earth Turn To Blood (2010). Un album réussi en collaboration avec Braveyoung et un split single en compagnie de Whitehorse ont été publiés l’année suivante mais après, plus rien. Deux années de silence. The Body est enfin de retour avec un mini album, Master, We Perish, toujours publié par At A Loss Recordings et, malgré un nom digne d'un boys-band de front-wave bretonne ou de garage-rock parisien, le groupe de Portland n’a définitivement rien perdu de sa superbe.
On se contentera donc des trois titres de Master, We Perish, trois titres qui concentrent et poussent encore plus loin la logique de construction/déconstruction mise en place sur les enregistrements précédents de The Body – on rappellera qu’un groupe capable de mettre des chants grégoriens (?) sur un album sans avoir l’air ridicule et capable également de faire des reprises aussi bien de MDC que de Judas Priest ou de Sinead O’Connor n’avait pourtant plus rien à craindre de personne –, trois titres sur lesquels le groupe joue toujours plus avec les possibilités d’un studio high-tech et d’un enregistrement moderne enfin maitrisé à bon escient.
Le metal plombé, infernal et grésillant de The Body a en effet tout de l’objet construit : manipulations sonores et samples sont la panacée du duo contre l’ennui et le manque flagrant d’originalité du metal moderne. Nos deux compères – Chip aux guitares et à la voix et Lee à la batterie et aux samples, non cela ne s’invente pas – font en quelque sorte preuve du même genre d’inventivité qu’un JG Thirlwell/Foetus en mélangeant les genres, en brouillant les pistes et en intercalant sans cesse des éléments inhabituels sauf que The Body se contente, si on peut dire, d’appliquer ses petites recettes alchimiques à un metal fortement teinté de doom et de sludge et donc ravalé au vitriol comme à la sauce expérimentale.
Avec Master, We Perish The Body réussit là où tant de groupes se cassent invariablement la gueule, par exemple l’insupportablement boursoufflé Gnaw Their Tongues ou les irlandais d’Altar Of Plagues avec leur ultime album, le complètement raté Teethed Glory And Injury. Et si The Body ne se trompe pas de chemin, c’est parce que bien que pensée, bidouillée et reconstruite, la musique du groupe reste absolument humaine c’est-à-dire – puisque on parle de metal – braillarde, sale et malsaine. Il y a des jours où je suis même carrément persuadé que Chip et Lee sont deux petits génies, des génies du mal, évidemment. Mais ils s’en foutent, ces rednecks préfèrent astiquer et graisser leurs armes à feu puis poser sur des photos avec leurs guns. Pourtant ils n’ont pas leur pareil pour faire peur aux gens avec leur musique – car il est difficile de ne pas chier dans son froc en écoutant Master, We Perish.

jeudi 1 août 2013

Le Singe Blanc / Aoûtat




Aoûtat : encore un disque de saison. Même si celui-ci a été publié en plein hiver. Un hiver beaucoup plus long et beaucoup plus merdique que d’habitude, ce qui a eu pour principale conséquence de retarder d’autant l’envol d’Aoûtat au pays des rêves et en compagnie de mon petit cœur desséché. On ne peut pas écouter LE SINGE BLANC n’importe quand, à n’importe quelle occasion ni dans n’importe quelle position. C’est que la banane turgescente a ses exigences et ses impératifs. Et que si vous vous retrouvez la tête en bas et la queue entre les jambes et bien tant pis. Parce que Le Singe Blanc, lui, bande sévère et longtemps.
Le trio a fêté ses dix ans en 2010, Aoûtat est le septième album du Singe Blanc et rien n’a réellement changé ici. Toujours la même folie rythmique, toujours les mêmes deux basses – en général il y en a une qui assure le terrassement tandis que l’autre s’occupe des finitions mélodiques mais toutes les deux s’accordent à saccader comme des folles –, deux basses qui tricotent du poil de guenon avec une dextérité à en rendre jaloux NoMeansNo, les Ruins et Sabot réunis et toujours un chant à trois voix (et parfois plus parce qu’il y a des invités sur Aoûtat), des voix qui borborygment, crachouillent, éructent, ricanent, gargarisent… Sur Aoûtat on croit pourtant déceler quelques mots pour de vrai, des bouts de phrases qui pourraient signifier quelque chose, c’est peut être enfin le miracle de l’évolution. Mais le reste du temps les égosillements animaliers du Singe Blanc restent parfaitement inintelligibles bien que toujours aussi signifiants : cette fureur et cette folie, il faut qu’elles sortent et il faut surtout les faire partager.
Le Singe Blanc est aussi à l’aise dès qu’il s’agit de groover comme une cocotte-minute que lorsqu’il faut pétarader sèchement, à la punk. Mais dans tous les cas le trio ne perd pas de temps et donc n’en fait pas perdre à l’auditeur : pas de redites inutiles, pas de branlettes molles, pas de remplissages d’anus artificiels, autrement dit Le Singe Blanc sait ce qu’il veut. Et ce qu’il veut c’est faire danser les débiles-mentaux, les minets hypeux de vingt ans qui pensent découvrir la vie, les quarantenaires psychorigides, blasés et revenus de tout et les vieux dans les hospices – même les imbéciles-heureux devraient pouvoir y retrouver leur compte. Quand on aime… Et avec Aoûtat on aime plus que jamais Le Singe Blanc : ce septième album est le moins intentionnellement tordu du groupe, il est le plus évident parce que le plus mélodique (il y a même Mr Marcaille – également dans le rôle de l’ingénieur du son et du robot-mixeur – qui a posé quelques crottes de violoncelle) et, presque paradoxalement, il est le plus intensément débile et le plus instantanément jouissif. La banane je vous dis.

[Aoûtat est publié en CD et vinyle par Aredje,  Et Mon Cul C'est Du Tofu ?, La Face Cachée,  Musica Per Organi Caldi et Whosbrain records ; le LP est absolument superbe dans sa pochette qui se déplie en trois volets pour laisser apparaitre un très chouette artwork signé Lilas ; signalons enfin que ce n’est pas la peine de chercher sur internet  une version piratée et pleine de mp3 dégueux d’Aoûtat : le disque est également disponible en téléchargement libre et gratuit]