samedi 27 septembre 2008

Fire Room / Broken Music























Décidément ce Paal Nilssen-Love est vraiment partout puisque on le retrouve encore au sein de Fire Room, énième projet du saxophoniste chicagoan Ken Vandermark avec également un certain Lasse Marhaug (Nash Kontroll et surtout Jazkamer/Jazzkammer). Ces trois là étaient déjà parti intégrante de Powerhouse Sound, un groupe multi formes comprenant aussi John Herndon et Jeff Parker de Tortoise ou Nate McBride et proposant un croisement entre jazz électrique et raisonnablement groovy et hard bop teinté de free. Mais revenons à Fire Room, encore une formation regroupant des musiciens avec un curriculum vitae aussi long que la liste des promesses électorales d’un président de la république autocrate et démagogue. Fire Room a donc publié un premier album, Broken Music, sur le label habituel de Vandermark, Atavistic. Jusque là, il n’y a aucune (mauvaise) surprise.
On peut souvent faire le reproche à Ken Vandermark de rester trop sage, respectueux non pas d’une tradition mais d’une histoire du jazz -celle qui semble l’intéresser va des années cinquante aux années soixante-dix, de Charlie Parker à Sun Ra- et de se contenter de la relire avec application, déférence et dévotion. Il n’y a guère que lorsque Mars Williams jouait encore avec lui au sein du Vandermark 5, lors d’un duo avec Paul Lytton ou lorsqu’il joue en sideman pour le Chicago tentet de Peter Brötzmann qu’il sort un peu de ses gonds et se laisse aller. Ken Vandermark est un (encore) jeune saxophoniste propre sur lui qui ne goûte à l’exubérance du dépassement de soi qu’avec modération. Cela ne m’empêche pas d’aimer sa musique, les disques du Vandermark 5 échappent toujours à la fadeur grâce à un sens aigu de la composition et des arrangements.
Les side projects du garçon offrent eux un peu plus d’aventurisme est c’est bien le cas de Broken Music. Déjà, la formation est inhabituelle (sax ténor, machines, batterie). Ensuite, le jeu de Nilssen-Love est très chargé, riche en détails (bonne utilisation des cymbales et des toms). Lasse Marhaug ne se contente pas d’ériger des murs du son infranchissables comme il a l’habitude de la faire avec Jazkamer -je ne saurais trop conseiller l’écoute de l’énorme Metal Music Machine- mais insuffle des textures granuleuses et pleines de petites piques qui laissent la part belle à Ken Vandermark. Car le patron, incontestablement, c’est lui. Son jeu de saxophone est plus mélodieux et romantique que jamais, même dans les passages free ses couacs et ses couics sont emprunts d’une élégance un peu compassée et il tient la vedette et le crachoir tout au long des sept titres qui compose ce disque.
Un peu plus de contraste entre l’electo bidouillée de Lasse Marhaug et le lyrisme bon teint de Ken Vandermark aurait été le bien venu : on frise parfois cet exploit mais malheureusement à de trop rares occasions du disque. Un disque qui fait penser qu’une fusion entre Fire Room et Offonoff (évoqué hier) en un quintet totalement improvisé serait une excellente idée parce que Vandermark n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est bousculé et malmené, là les deux musiciens qui l’accompagnent sont finalement beaucoup trop gentils avec lui, et c’est dommage parce qu’il a ce merveilleux son de saxophone qui pourtant peut faire tant de miracles…


vendredi 26 septembre 2008

Offonoff / Clash























Continuons dans la musique improvisée. Offonoff est un trio composé de Massimo Pupillo (Zu) à la basse, de Terrie (The Ex) à la guitare et de Paal Nilssen-Love, un batteur de free-jazz au pedigree honorable puisque il a collaboré avec Ken Vandermark, Peter Brötzmann, Mats Gustafsson (pour le trio The Thing, si un jour vous voulez écouter une reprise free d’un titre de P.J. Harvey, écoutez donc l’album She Knows) mais qui est également membre du Scorch Trio, formation indigeste de jazz fusion guitaristique emmené par un Raoul Bjorkenheim dont le son et le jeu de guitare sont irritants au dernier degré. Offonoff ressemble donc à s’y m’éprendre à un super groupe, des bons potes d’ordinaire très occupés qui s’amusent à temps perdu, sans complexe ni honte -et qu’importe ?
C’est le label de free jazzeux Smalltown Superjazz qui a publié Clash -son catalogue regroupe une bonne partie des noms cités ci-dessus, liste à laquelle on peut ajouter Original Silence et Diskaholics Anonymous Trio (avec entre autres Thurston Moore et Jim O’Rourke) ou Jazzkammer/Jazkamer (d’ailleurs tout sauf un groupe de jazz). Un joli label arty qui sort des disques soignés sur des musiques conceptuelles et/ou improvisées, le genre de maison dont, en bon binoclard snob et ventru, je suis client. Clash n’est pourtant pas un objet très cérébral -pas comme Hydros 3, cet enregistrement de Sonic Youth avec Mats Gustafsson publié par le même label- mais ressemble plus à un après midi de répètes enregistrées au fur et à mesure et remontées plus tard afin de donner un disque. Le genre de facilité de procédé paraît il beaucoup trop courant dans le milieu des musiques improvisées et qui a largement concouru à son dénigrement systématique -comme si une bonne branlette cela ne s’improvisait pas, aussi.

Clash
porte t-il bien son nom ? Est-ce le choc des titans annoncé ? Il est évident que oui, dès les douze minutes du premier titre (Rabbit Punch) et ce jusqu’à la fin du disque. Un disque pas réellement éprouvant, en dehors de toutes formalités rock (que ce soit punk ou noise) et qui ne se soucie guère des questions de progressions ou de structures mais qui possède son lot de passages de bravoure bruitiste alternés avec des accalmies retentissantes de gratouillis divers et de tergiversations. Quand ça part, ça part pour de bon, après libre à chacun de penser si cela décolle réellement ou pas, ici on pense bien que cela ne fait aucun doute, qu’il y a de la vie là dedans, du bouillonnement qui fait du bien tellement il secoue ce qu’il faut quand il faut là où il faut (désolé, aucune allusion scabreuse là dedans, j’ai déjà dit que Clash n’avait rien de rock). On imaginerait très bien Offonoff comme invité de luxe dans les festivals élitistes façon Musique Action de Vandoeuvre Lès Nancy ou dans les salons feutrés et cosy d’une fondation privée. De la musique free sans grande prétention pour poseurs qui eux en ont beaucoup trop.
[besoin de se faire une idée plus précise de ce disque ? cela tombe bien, voici une chronique qui dit exactement le contraire]

jeudi 25 septembre 2008

Souviens toi de tout oublier





















Fred Frith et John Zorn. The Art Of Memory II a été publié en 2006 par ReR Megacorp et fait suite à The Art Of Memory (la bonne blague) publié lui en 1995 par Incus records, le label du regretté Derek Bailey. Le premier volume comporte des enregistrements (studio ?) de 1993 alors que le second rassemble un live de 1983 et un autre de 1985. Autrement dit le contenu du volume II est antérieur au contenu du premier. Il ne faut pas chercher à comprendre, si ce n’est que ce deuxième opus a été publié conjointement par Fred records dont le but est de ressortir tous les vieux enregistrements de Fred Frith ou de documenter ce qui ne l’a pas encore été. The Art Of Memory II s’inscrit parfaitement dans cette démarche d’archiviste puisque il propose la genèse de l’association Frith/Zorn, leurs premières années de collaboration.
A la sortie du disque publié par Incus, j’avais été quelque peu déçu par le côté attendu et presque policé des improvisations enregistrées. Certes, c’était du haut vol, de l’équilibrisme savant, du pipo-bimbo ultra jouissif, de l’échange permanent entre deux musiciens confirmés et respectés (John Zorn commençait alors à bénéficier d’une renommée dépassant largement le cadre d’une hype branchée, arty et jalouse d’elle-même, Frith était déjà un vieux routard) mais, au delà de l’amusement intrigué puis respectueux suscité par ce disque, se dessinait la tendance à penser que Frith comme Zorn ne s’étaient pas foulés, enfermés dans un système à deux qu’ils avaient trop bien construit et trop bien verrouillé. De la routine. Je n’ai d’ailleurs jamais bien compris ce titre, The Art Of Memory, puisque improviser c’est (s’) oublier et rester à l’écoute de son (ses) partenaire(s) éventuel(s) dans l’instant présent.
Ce problème n’existe pas avec The Art Of Memory II, préhistoire du duo comme on l’a dit et surtout période florissante où les deux musiciens rivalisaient d’ingéniosité. De l’ingéniosité pas uniquement au niveau de leurs jeux respectifs (c’était même extrêmement secondaire) mais concentrée autour de la fabrication d’instruments faits maison et de l’utilisation détournée d’objets parfois incongrus. Pendant que Frith joue au luthier/savant fou, Zorn déballe sa collection d’appeaux à canards et autres embouts à anches coupés, rafistolés et customisés, tout un attirail qui a largement contribué à la légende du saxophoniste new-yorkais et dont l’apogée est représentée par des disques tels que The Classical Guide To Strategy et surtout In Memory Of Nikki Arane (en duo avec Eugène Chadbourne).
Alors que sur le volume 1 Fred Frith et John Zorn jouent en improvisant, blindés par des années de connivence et de réflexes acquis, aguerris techniquement, sur le volume 2 ils improvisent en jouant, souvent n’importe comment et la plupart du temps n’importe quoi. C’est autrement plus jouissif et ludique, pour un peu on arriverait même à se passer de l’image, alors que ce genre de pitreries, on le sait bien, c’est toujours bien mieux de visu et en temps réel. Ce disque n’est donc pas qu’un simple fond de tiroir agrémenté d’un mauvais titre et d’une pochette ignoble. A ranger aux côtés des deux enregistrements de Zorn mentionnés si dessus.

mercredi 24 septembre 2008

The Dead Science / Villainaire























Mais pourquoi The Dead Science, trio originaire de Seattle, est il si souvent affilié à Xiu Xiu ? Sûrement à cause de la façon de chanter de Sam Mickens ainsi que pour sa participation dans le passé au groupe de Jamie Stewart (le bassiste Jherek Bischoff ayant également été de la partie). Et ce n’est pas avec ce dernier album en date que les choses vont s’arranger. Curieusement, Villainaire a été publié par Constellation et si je dis curieusement c’est uniquement parce que cette nouvelle parution ne colle pas à l’image habituelle du label de Montréal et confirme sa mue et sa volonté de passer à autre chose après les signatures de Vic Chessnut, Carla Bozulich ou la licence nord américaine de Tindersticks (!). Ce disque a été précédé d’un single qui comme tout single qui se respecte comporte un véritable inédit en face B -la joie des collectionneurs et des spéculateurs.
Contrairement aux enregistrements de Vic Chessnut et de Carla Bozulich pour le label, Villainaire a échappé à la direction artistique trop facilement identifiable de Constellation : pas de sessions dans les studios maison (le fameux Hotel2tango), pas la moindre trace d’un gratouillis d’Efrim, pas la moindre tentation post rock pour cathédrale engloutie ni apocalypse de guitares en mal de signification. The Dead Science est resté maître en sa demeure et c’est le bassiste Jherek Bischoff qui s’est plus particulièrement occupé de la production du disque. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun invité sur Villainaire, bien au contraire : on remarque même la présence de Katrina Ford (cette espèce de folasse qui braillait il y a si longtemps dans Jaks et qui maintenant couine avec les insipides Celebration) même si on a du mal à l’entendre, ce qui n’est pas plus mal.
En partie à cause de l’intro du premier titre, assez énorme question kitsch -pensez donc, de la harpe comme dans la bande son d’un conte de fées avec plein de fleurs qui chantent en chœur et des oiseaux couturiers qui gazouillent- mais aussi grâce aux arrangements de cordes luxuriants qui ornent quelques titres de l’album (il y a des cuivres -synthétiques- aussi), Villainaire est un album relativement chargé et complexement arrangé. The Dead Science s’est au cours des années éloigné de la sécheresse émotive de ses premiers enregistrements mais parmi les quelques envolées lyrico-grandiloquentes (Sword Cane) ou une tentative de faire une chanson avec un refrain parfait (dans le sens où les Smiths l’entendaient : Make Mine Marvel), le style expressivement maniéré et précieux du groupe est fort heureusement préservé dans ses grandes lignes. Un peu moins de pureté sans doute, moins de fragilité surtout, moins de sensualité et moins de venin, moins d’envie de se brûler les ailes en se frottant de trop près au soleil de The Dead Science, un empâtement certain diront les indécrottables… seule réelle faute de goût : les arrangements synthétiques du dernier titre, Clemency, qui gâchent vraiment tout. Mais rien que l’écoute des époustouflants et tubesques Throne Of Blood et Death Duel Productions ou du plus intimiste Holliston balaie ce genre de réticences.



mardi 23 septembre 2008

Autistic Daughters / Uneasy Flowers























Unlike rock bands that graft experimental concepts and sounds onto pop structures, the members of Autistic Daughters use their background in avant-garde and minimal music to make songs that are as sophisticated as their previous work, but as emotive as the best pop and rock. Tel est le credo d’Autistic Daughters : faire de la pop avec un background expérimental revendiqué. Rien que ça. Mais qui sont donc ces gros présomptueux ? A priori, présomptueux ils peuvent bien l’être puisque Autistic Daughters est le groupe de Dean Roberts (ex Thela), Werner Dafeldecker (Polweschel) et Martin Brandlmayr (Radian, Trapist et les nettement moins bons Mapstation) -autant de pedigrees pour un catalogue du mieux disant expérimental arty allant de l’impro free rock à l’electro branchouille en passant par la méca-pop digitale et rythmique.
De pop il en serait donc plus que question avec Uneasy Flowers, le deuxième album d’Autistic Daughters publié par Staubgold (le premier, Jealousy And Diamond l’avait été par Kranky en 2004) et il est vrai qu’aux premières écoutes ce disque fait tendre l’oreille, captive, charme, semble dévoiler sans cesse de nouveaux détails, livre des secrets tellement bien cachés que jamais on aurait pu les croire dissimulés par là (ou même par ici). La voix, fragile, sait faire partager un certain lyrisme introverti voire neurasthénique, l’instrumentation n’est jamais très claire et lisible -ce qui me fait dire que n’importe quel chieur pourrait non sans plaisir passer des heures à deviner quel instrument fait quoi et de quelle façon avant de conclure que tout ça n’en vaut décidément pas la peine.
Et puis, malgré l’absence parfois totale de mélodies, de plaisirs harmoniques et donc de vraies chansons -ce qui est toujours dommage lorsque on prétend faire de la pop, fut elle expérimentale- mais une absence quand même partiellement compensée par moult artifices et bidouilles sonores, le miracle a presque lieu : Uneasy Flowers quitte les rivages infréquentables de l’agacement dédaigneux et gagne quelques galons dans le registre tant convoité de l’équilibrisme poétique. Ce n’est pas grand-chose mais ce n’est déjà pas si mal. Bien sûr on pense plus d’une fois à Gastr Del Sol (celui d’Upgrade And Afterlife), les entrelacs de guitares acoustiques en moins et la préciosité en plus. Référence plutôt encombrante pour un disque très court (sept titres, trente cinq minutes) qui fait plus de promesses qu’il n’en tient réellement. Au final, difficile de savoir ce qui manque réellement à la musique d’Autistic Daughters : un petit peu plus de concision pour réellement coller à un format pop (le gentiment dépressif Gin Over Sour Milk, son successeur Bird In The Curtain) ou au contraire l’option délayage chloroformé et sans suite ? C’est essentiellement ce caractère d’indécision qui porte le plus préjudice à la musique du groupe.


lundi 22 septembre 2008

C'est l'automne : les feuilles tombent et les amendes pleuvent
























Je reproduis tel que le communiqué publié par le collectif pour l'affichage libre suite à la condamnation de l’association Barpe à pop:

Voulez-vous connaître la triste histoire des concerts alternatifs à Lyon ? Voulez-vous savoir pourquoi vous ne pourrez plus afficher librement dans votre ville ? Un début de réponse nous a été donné lors du délibéré de l'asso Barbe à Pop jeudi dernier. Car, au final, Seb de l'asso Barbe à Pop est bel et bien reconnu coupable des infractions de collage sauvage. Eh oui ! ... ! Cependant, et bizarrement (?), il est apparu au juge "nécessaire et suffisant" de revoir à la baisse le montant de ses amendes. On passe donc de 17 x 35 à 17 x 20 Euros. Soit 362 Euros d'amendes (à payer dans le mois) au lieu des 650 Euros de départ (et des 900 demandés par le substitut du procureur).
Les 3 principaux arguments retenus par le juge pour démontrer la culpabilité de Seb sont assez incroyables, à vrai dire.

1. Pour lui, ces amendes ne réprésentent pas une atteinte à une quelconque liberté d'expression (!) mais ne sont que l'appliquation pure et simple de la réglementation "pour la protection d'un cadre de vie".
Aux orties la liberté d'expression !

2. Second point et c'est là que l'argumentation est la plus tordue et perverse :
L'asso Barbe à Pop est reconnue exercer "une activité lucrative" (non, vous ne rêvez pas !).
Car, comme le public de ses concerts n'est pas "spécifiquement membre de l'association", il y aurait donc un coût financier et ... des "recettes budgétaires" (!).
Enfin, il ne s'agit pas "d'une activité ayant un caractère de service social, éducatif, culturel ou sportif rendu aux seuls membres de l'association".
Donc : au feu la non-lucrativité, le bénévolat, l'éthique DIY et l'organisation alternative des concerts !
En conséquent, la loi concernant les assos à but non lucratif (surface de panneaux légaux etc) ne peut pas s'appliquer à l'asso Barbe à Pop, selon le juge !
3. Enfin, les Agents de Police Judiciaire Adjoint sont compétents et connaissent la réglementation : ils ne peuvent donc pas se tromper !
A la poubelle la contestation et l'opposition !

Bref ... Ce n'est pas un cauchemar dont vous allez vous réveiller mais bien la réalité, leur réalité.
Barbe à Pop fera peut-être appel de cette décision. On le saura d'ici quelques jours.
Les autres assos (ci-dessous) sont, quant à elles, toujours en procès. D'autres amendes et procès tombent ou sont à venir. Du grand n'importe quoi. "Du haut délire juridique" avez-vous dit ? Je crains que vous n'ayiez raison. Restons mobilisé-e-s. Tout n'est pas perdu. Loin de là.

MURS BLANCS, PEUPLE MUET !
[ Procès à venir

Jeudi 23 Octobre : Procès de Pierre de l'asso Ostrobotnie (suite à l'opposition au paiement d'amendes pour "collage sauvage").
Jeudi 6 Novembre : Procès de l'asso de Damien (aka Chewbacca, Rature, Bronzy McDada, 300 mA ; suite à l'opposition au paiement d'amendes pour "collage sauvage").
Jeudi 13 Novembre : Procès de Stéphane de l'asso "S'étant chaussée, [...]" (pour "collage sauvage").]

samedi 20 septembre 2008

Blurt et la classe éternelle de Ted Milton


Deuxième concert de la semaine, toujours au même endroit (non je ne fais pas du lobbying)(ils ne me payent pas non plus pour ça)(c’est juste que eux ils savent éviter de mettre trop de musique de hippies dans leur programmation) et un évènement en soi : Blurt. Blurt, groupe de l’emblématique Ted Milton et formation incontournable du post punk british, version aride des Contorsions de James Chance. Un must. Ted Milton n’arrive toujours pas à en finir avec la tournée d’adieu de son groupe, le précédent passage de Blurt date d’il y a à peu près deux ans, c’est leur never ending tour à eux -merde cela me rappelle quelque chose, Bob Dylan peut être, encore un beatnik qui a réussi dans la vie, mais tout ça n’a bien sûr aucun rapport. Je suis également impatient de voir ce que va donner The Good Damn, un trio fondé sur les cendres encore toutes chaudes de Marypoppers (ce nom avait vraiment la grande classe, le genre de jeu de mot que l’on ne peut pas expliquer à un enfant sans y mettre un peu du sien).
Les mauvaises nouvelles du jour concernent le verdict dans le volet Barbe A Pop du procès contre l’affichage libre : l’association a été condamnée à verser 20 euros par affiche -soit une amende totale de 180 euros, quand même !- et même si c’est moins que le montant maximal encouru la déception et la colère sont là. Le principe d’une condamnation a été retenu par le juge de proximité, alors que s’il avait strictement suivi la loi il n’aurait pu que prononcer la relaxe. J’espère que le collectif pour l’affichage libre va faire appel, pour l’instant c’est plutôt le silence radio de ce côté là, pas de communiqué ou autre… d’autres associations doivent passer en audience devant ce même tribunal aux mois d’octobre et novembre, tout cela n’est pas de très bon augure.
























Je vais être désagréable en disant que je n’ai jamais aimé plus que ça la musique de Marypoppers et cela tombe bien : celle de The Good Damn n’a pas grand-chose à voir avec. Techniquement -et pour résumer très simplement- il y a un chanteur chauve et bien barré en moins et c’est le guitariste qui a repris le poste. Les guitares non plus n’ont rien à voir. Et il n’y a pas de basse. Quant au batteur, il est toujours aussi bon.
Mais revenons aux guitares : à ma gauche une Hofner (rouge), à ma droite une Gretsch (jaune). Des vraies guitares en bois avec du vernis un peu écaillé dessus, des micros qui ne ressemblent pas à des cartes sim et des vibrato qui donneraient même la gaule au fantôme de Link Wray. Rien à voir avec ces putains de guitares en plastique ou en fibre de je ne sais trop quoi fabriquées en Chine sous licence japonaise et dont se servent les jeunes chevelus modernes qui ont redécouvert le rock’n’roll en faisant de la spéléologie numérique sur internet. Des guitares, des vraies. Et un son incomparable. Chaud, vivant, électrifiant, bluffant, réel.
On ne peut qu’être conquis en écoutant ce subtil mélange de rock’n’roll (celui des Cramps ou du Gun Club) et de sonorités plus noise, le tout soupoudré de quelques clins d’oeil western/blues -je ne dis pas ça à cause de leur video/teaser…- avec une belle énergie et un bon travail sur la complémentarité des voix. The Good Damn est à rapprocher de ces groupes dont l’Australie s’est fait une spécialité et dont les talentueux représentants les plus récents sont The Drones ou Witch Hats. Le trio est actuellement en train d’enregistrer, j’ai vraiment hâte d’écouter le résultat.























Après cette excellente entrée en matière je me suis employé à me faire offrir des bières par un type pour lequel je bosse un peu gratuitement tous les mois en échange justement de ces quelques largesses de patron de gauche et de propriétaire socialiste. On parle un peu subventions avec les gens du Sonic (vont-ils enfin toucher quelque chose ? cela a l’air très mal parti), j’essaie désespérément de savoir qui a programmé un concert d’Ahleuchatistas sur Lyon le 17 novembre prochain sans réussir à obtenir de réponse (ou bien est ce le groupe qui a pris ses désirs pour la réalité parce qu’il a un day off après une date à Genève et avant une autre à Paris ?). Le public est venu assez nombreux malgré la tenue le même soir de l’une des soirées phare organisées dans le cadre de la dixième édition du festival Riddim Collision, Hint vs Ezekiel, un vrai concert pour les dread loqueteux, mais moi je suis plutôt du genre skinhead en survêt et les mélanges noise/ethno/electro me fatiguent quelque peu en se moment.
Blurt met du temps à s’installer, Ted Milton est toujours aussi impressionnant et aussi classe -il porte ses éternels costards un peu trop grands qui lui font de belles épaules carrées et une silhouette de personnage de bande dessiné, son inamovible crête résiste tant bien que mal sur le sommet de son crâne- et il se balade dans la salle avec son sax alto en bandouillère, sort dehors puis revient. A un signal invisible et silencieux les deux autres, Steve Eagles (guitare, dans le groupe depuis le départ, quoique par intermittence) et Bob Leith (batterie) montent sur scène, bientôt rejoints par l’improbable chanteur/saxophoniste qui a apporté un grand verre rempli de whisky pour éponger ses petites soifs entre les titres.






















Et c’est parti pour un merveilleux concert de post punk, tendu, groovy et erratique : Ted Milton chante de sa voix tour à tour nasillarde et outrée, le guitariste (avec sa coupe de cheveux de bitos et ses vieilles bretelles il a vraiment l’air -et l’âge- d’un buzzcocks) envoie des riffs incroyables de simplicité et d’efficacité, il a ce son, métallique, façon aluminium sur les dents, tellement copié de nos jours et pas forcément pour le meilleur. Les deux sont très efficacement appuyés par un batteur au jeu également très sobre. Blurt c’est l’anti emphase absolue. Et que dire des interventions au saxophone de Ted Milton ? Il a un jeu très limité, une technique proche de celle d’un tétraplégique s’entraînant au crawl dans la baignoire de sa salle de bain mais il a des idées harmoniques en veux tu en voilà et un son inimitable, rugueux et inhabituel pour un saxophone alto (lequel est tout cabossé et lustré par les ans). Passés les premiers instants d’émerveillements infantiles qui me prennent toujours face à cette musique, je suis obligé de céder à mes mauvais penchants naturels : il faut dire que la musique de Blurt se prête parfaitement à la danse du steak haché et à la transe psychotique.


















Le seul reproche à faire à ce concert concerne sa durée : Blurt joue longtemps, trop, sûrement, et le groupe accuse un coup de mou à mi parcours, la deuxième moitié du set est moins impressionnante que la première, alternant petites perles amphétaminées et pochades post punks plus poussives. Tout fini pour le mieux sur une dernière perle racée et nerveuse qui réussit donc à laisser un excellent souvenir dans l’esprit du public encore debout.
La table de merchandising est limitée et c’est dommage parce que les disques de Blurt sont difficiles à trouver -même les rééditions sont rares, comme celle de Pagan Strings chez Spalax- le mieux étant de jeter son dévolu sur les deux volumes de Let There Be Blurt chez Salamander records, encore disponibles. Mais sur la table il y a cependant le single publié par The Orchestra Pit, un enregistrement récent de Blurt dans sa formation actuelle avec deux titres dont un exceptionnel Cut It, finalement beaucoup plus représentatif de Blurt que Kenny Rogers Greatest Hits (chez V.I.S.A., en 1989), disque que j’ai ressorti de son oubli de poussière dès mon retour au bercail : la production y est ratée et a mal vieilli (c’est peut être pour cette raison que Blurt l’avait entièrement réenregistré quelques mois plus tard). Cut It/Hat, un excellent single dont on reparlera à l’occasion (attention : teasing) et encore un concert (presque) inoubliable de la part de Blurt et de Ted Milton.


jeudi 18 septembre 2008

Enablers, toujours et encore























Enfin une affiche alléchante avec un vrai groupe qui fait de la musique intéressante et passionnante, j’exagère à peine mais ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion d’assister à un concert d’Enablers, quatuor originaire de San Francisco et d’une classe incroyable -bon, c’est la deuxième fois que la bande des quatre vient cette année, à ce niveau là c’est de la propagande mais comme on dit : quand on aime on ne compte pas, parole de commissaire politique.
Petite subtilité par rapport à d’habitude, il y avait un pré-concert à la librairie Grand Guignol
dans l’après midi avec au programme une lecture de Pete Simonelli, une prestation de Kevin Thompson (guitare et chant) et un mini concert d’Enablers dans une version moins écrasante que dans une configuration normale (mais quand même en électrique). De l’avis de quelques personnes parmi la quinzaine de présents, salauds de chômeurs, Enablers à Grand Guignol c’était on ne peut plus intéressant, plus en clair obscur qu’à l’accoutumée, plus proche du spoken words, à condition de maîtriser un tant soit peu l’anglo-américain pour complètement apprécier la poésie de Simonelli, particulièrement chargée en images. Bonne prestation semble t-il aussi de la part de Kevin Thompson.
























Mais pour l’heure c’est au Sonic que cela se passe, l’organisateur du concert peut avoir le sourire, il y a du monde, il y a même plus de monde que la dernière fois (quatre vingt ?). Le premier groupe à monter sur scène s’appelle The North Bay Moustache League et c'est un duo, une fille et un garçon, qui commence à jouer un peu sur la région lyonnaise (bientôt en première partie de Monochrome). Leur spécialité c’est la country western avec deux tiers de reprises (du Creedence Clearwater Revival paraît il mais étant totalement ignorant de ce genre de bouseries bucoliques je ne saurais confirmer) et donc un tiers de compositions originales. Une oreille non experte et détachée comme la mienne ne pouvait pas faire la différence.
Musicalement nous avons donc affaire à une (parfois deux) guitares acoustiques, un peu d’harmonica et surtout deux belles voix qui chantent ensemble et harmonisent joliment -presque aussi bien que les Byrds mais sans les lunettes carrées ni les solos de rickenbacker douze cordes. Ils sont vraiment très beaux tous les deux, ils ont une certaine classe naturelle (c’est l’effet ange blond) et je me laisse aller à leur charme alors que je déteste totalement la musique qu’ils interprètent. Le garçon est en fait le guitariste/chanteur de Deborah Kant dont le premier album complètement autoproduit a déjà été évoqué ici. Rien à voir donc. J’écoute la fin du concert de loin, accoudé au comptoir comme tout cow-boy poussiéreux et fatigué par une longue chevauchée, décidément la jeune fille avec la chemise à carreaux a vraiment un joli timbre de voix.
























Cela va être difficile de raconter quelque chose de nouveau sur Enablers si ce n’est que par rapport à la dernière fois le groupe a un nouvel album à défendre (Tundra, on en reparle très bientôt). Si, sur les enregistrements, la musique des américains mise à peu près tout sur les ambiances, ambiances tamisées, parfois jazzy (quel chouette batteur !) ou aériennes, elle se durcit considérablement en live, les guitares deviennent plus noise, n’hésitent pas à sacrifier un peu de leur rigueur habituelle sur l’autel de l’énergie et du bouillonnement et la voix de Pete Simonelli devient moins claire, moins évidente, le chanteur doit faire plus d’effort pour se faire entendre… mais il y arrive parfaitement : jeu de scène marqué et contrasté, parfois erratique, haussements de tons, hurlements presque par instant, un véritable imprécateur (bien que jamais menaçant) et un showman à n’en pas douter. J’aime toujours autant la complémentarité des deux guitaristes, peu de regards mais toujours une entente infaillible.
Il me semble quand même que ce soir le taux général d’alcoolémie du groupe est encore un peu plus élevé que d’habitude, Kevin Thompson se montre aussi démonstratif et volontaire que Joe Goldring est réservé et appliqué. Pete Simonelli quitte la scène, tout le monde attend un rappel, peut être deux mais Thompson annonce que le concert reprendra dans cinq minutes avec Touched By A Janitor.























Touched By A Janitor c’est très simple : il s’agit d’Enablers sans Pete Simonelli. C’est donc surtout l’occasion d’écouter les trois musiciens sans focaliser sur le chant/les textes et de pouvoir enfin admirer Joe Goldring aux prises avec sa guitare puisque celui-ci ne peut plus se cacher derrière son chanteur. On reconnaît ça et là certains traits de caractère (tics ?) de la musique d’Enablers, c’est d’abord plaisant -voire passionnant par instants- mais vite on regrette la voix et la présence de Pete Simonelli… il manque réellement quelque chose à ce trio -désolés les gars, vous taquinez sérieusement mais vous avez quand même besoin d’un maître pour vous dire dans quelle direction aller. Et justement, Pete Simonelli redonne de la voix à la fin de set de Touched By A Janitor, pour deux titres parmi les plus calmes et les intimistes de tout le concert, une bonne conclusion somme toute. Sitôt les lumières rallumées c’est la ruée vers le stand d’Enablers, le groupe a bien sur amené son nouvel album, la version vinyle est superbe. Surtout c’est la ruée vers l’atelier installé par Le Temps Qui Sèche qui propose entre autres choses de sérigraphier en direct t-shirts ou affiches d’Enablers, ces jeunes gens qui ont accompagné le groupe sur une partie de sa tournée française font un bien joli boulot. Pour ma part, après les habituels égarements post concert (non je ne suis pas schizophrène, oui je peux moi aussi être pompeux), je pars à regret du Sonic, sans oublier cette fois de payer toutes les bières que j’y ai bues. A regret peut être mais ce n’est pas si grave puisque ce soir, jeudi, j’y retourne pour un énième concert de Blurt. Joie. 













mardi 16 septembre 2008

Enablers, ce soir !
























L’éternel retour d’Enablers au Sonic c’est ce soir -trois fois en deux ans quand même… mais ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre- avec également au programme Touched By A Janitor (le groupe entièrement instrumental des deux guitaristes d’Enablers) et The North Bay Moustache League qui comme son nom ne l’indique pas est un duo d’anges blonds et imberbes reprenant quelques classiques du folk-rock américain.

[on peut cliquer sur le fly pour le voir en grand]

lundi 15 septembre 2008

Aidan Baker / I Fall Into You


















Quelques nouvelles de Basses Fréquences puisque depuis la parution de L'Arbre Aux Fées de Tamagawa le catalogue de cet excellent label s’est quelque peu étoffé. Vient de paraître sous la référence 0.1.4 une réédition de I Fall Into You, l’une des nombreuses productions solo d’Aidan Baker. A l’origine ce disque a vu le jour en 2002 et en version CDr sur le label Public Eyesore (apparemment cette première édition est toujours disponible). Comme pour les enregistrements de Nadja, Aidan Baker aurait il décidé de tout republier dans des nouvelles versions remixées/remodélées ? De quoi rendre fou furieux le fanatique lambda des travaux du canadien… Quoi qu’il en soit, on y gagne carrément avec cette nouvelle édition, ne serait qu’au niveau du visuel, celui proposé par la version Basses Fréquences étant largement supérieur à l’artwork originel. On y gagne surtout parce qu’il aurait vraiment été dommage de passer à côté d’un tel disque : I Fall Into You est de très loin supérieur à tout ce qu’Aidan Baker nous a donné à entendre jusqu’ici de ses projets en solo (je sais : voici un argument déjà utilisé ou presque à propos de I Will Always And Forever Hold You In My Heart And Mind). Grosse innovation également en ce qui concerne le label : ce disque est manufacturé alors que toutes les références précédentes étaient des CDr. Du coup le tirage est un peu plus élevé que d’habitude (cinq cents exemplaires il me semble), ce qui n’est pas un mal non plus lorsque on sait que toutes les premières parutions sont dores et déjà quasiment épuisées. Je ne peux alors que conseiller d’aller rapidement faire un tour sur le mailorder de Basses Fréquences.
Je regarde les maigres indications techniques qui figurent sur le livret et une fois de plus c’est difficile d’y croire : quelques invitées (Noami Okabe à la voix ainsi que Lisa Rossiter-Thornton au violon, deux parfaites inconnues) et Aidan Baker, le maître des lieux, crédité à la guitare, à la basse, à la voix et à la bidouille (il est écrit : tapeloops). On entend parfaitement bien la guitare à plusieurs reprises, comme sur tout le début de Symbiosis, mais il faut être clair, I Fall Into You est avant toutes choses un projet électronique d’une rare finesse. M’est donc avis que le sieur Baker est un sacré petit modeste lorsqu’il fait imprimer sur son disque ce tapeloops qui ne veut pas dire grand-chose.
Dès le premier titre, Lapse, on est happé par les sonorités aquatiques rapidement mises en relief par une rythmique d’arrière plan, le tout n’est pas très éloigné de certains travaux d’artistes du label ~scape. Surtout on pense à Scanner (celui de Flâneur Electronique ou des album live bleu et rouge publiés par Sub Rosa au milieu des années 90). Impression largement confirmée sur le très beau Lysis avec un bon travail sur les voix -quoique dans le cas du groupe de Robin Rimbaud il s’agissait de conversations téléphoniques captées aléatoirement à l’aide de tout un appareillage dont un scanner, d’où le nom choisi par le musicien- qui lorgne également vers les travaux les plus ambient de Throbbing Gristle, impossible de ne pas penser à la bande originale composée pour Derek Jarman (In The Shadow Of The Sun) et surtout à l’extraordinaire Journey Through A Body (le chant du cygne des britanniques). Des références peut être écrasantes mais dont Aidan Baker se sort particulièrement bien. Lorsque la rythmique réapparaît, on glisse à nouveau vers une sorte de dub vaporeux et lysergique. Phage est un interlude d’à peine plus une minute à base uniquement de voix entrecroisées. Reste Lethe, dernier brouillard électronique mais pas définitif puisqu’il ne parvient en aucune façon à effacer la beauté et la force du début du disque.

dimanche 14 septembre 2008

The Bungled And The Botched


… Et autre chose, en ce qui concerne Nadja, c’est la parution au début de l’été d’un CD très joliment emballé et du nom de The Bungled And The Botched. Un de plus est on tenté de dire tout de suite et c’est vrai, la surproduction n’est pas automatiquement un trait de caractère sympathique pour un musicien. Mais une fois de plus, avec ce disque, le groupe prouve encore qu’il a eu mille fois raison : rien ne semble pouvoir arrêter le duo Baker/Buckareff et The Bungled And The Botched est même l’un des tous meilleurs enregistrements de Nadja.
Pourtant cela commence on ne peut plus étrangement avec ces notes claires égrainées par une guitare à la limite du folk, une absence totale d’ambiance, même pas celle du crépitement d’un feu de camp de boy-scouts un soir de pleine lune avant l’assaut final d’une horde de zombis mangeurs de cervelle. A tout moment on se dit qu’en fait de zombis c’est Leonard Cohen qui va se mettre à chanter en duo avec Nick Cave autour des flammes, avant de comprendre que ces petits bruits que l’on entend dernière ne sont pas les pas feutrés de monstres assoiffés de sang se préparant à l’attaque mais bien une mise en place, poussive, à base de flûte (!?), de guitares planantes en mode aérien et de rythmes à moitié effacés dans les profondeurs de la musique. Des voix, des samples, l’attente qui dure et -finalement- la rythmique plombée et les guitares mammouths qui démarrent alors qu’on ne les attendait plus (détail amusant : on continue parfaitement à entendre la flûte, à tel point que c’est elle qui semble mener la danse). C’est l’effet de surprise à moitié consenti, tout le monde savait bien ce qui allait se passer aux alentours de la douzième minute (ou un peu plus tôt ou un peu plus tard, qu’importe) mais chacun s’était déjà efforcé d’oublier cet avenir proche -exactement comme lorsque une lycéenne complètement gironde et à moitié déshabillée s’apprête à ouvrir une porte de placard afin de découvrir ce qu’il y a derrière alors qu’elle sait très bien qu’elle y retrouvera le zombi qui a déjà essayé de lui trépaner la cervelle et les fesses deux minutes auparavant.



















Le premier titre, l’éponyme The Bungled And The Botched, peut ainsi continuer sur sa lancée, la voie est toute tracée, elle est impériale et pour reprendre l’étiquette (hum) inventée par le label Crucial Blast à propos de Nadja, le dream sludge du duo est irrésistible. Le motif décliné comme à l’infini par Nadja dans ce qui constitue le corps même de ce titre est d’une simplicité très efficace et très imagée : lorsque le riff s’effondre sans crier gare pour laisser la place à un silence rempli de voix samplées et de nappes de synthés lointaines, l’auditeur est complètement hypnotisé, il peut bien se passer n’importe quoi ou presque, il ne décrochera pas.
La suite c’est Absorbed In You, deuxième et dernier titre du disque, enchaînée à la première partie, comme un tout pensé en tant que tel, et présentant un cataclysme de saturations et de larsens -pas un réel mur du son mais plutôt une masse ondulante laissant ça et là quelques prises, permettant l’immersion (ou la prise d’altitude, tout dépend de comment on voit les choses mais le résultat est le même : un isolement sonique assez fascinant). Nadja a donc décidé de ne pas se fier une fois de plus (qui aurait été de trop, peut être ?) à une structure unidimensionnelle marquant une progression linéaire et attendue -ce qui est la plus grande tare des groupes actuels de post quelque chose- et a préféré jouer la juxtaposition d’ambiances contrastées. Pour une fois, ce sale lieu commun sur le caractère cinématographique d’une musique n’est en rien usurpé. Suite au fracas, Absorbed In You repart sur un leitmotiv répétitif et tout simple au piano avant qu’Aidan Baker ne donne enfin de sa (grosse) voix sur un fond de guitares énormes. Dans le fond la flûte a fait sa réapparition, comme pour signifier que la boucle est bouclée et, mine de rien, une heure entière vient de s’écouler.

[Et on recommence : à noter que les premières copies de The Bungled And The Botched étaient agrémentées d’un CDr bonus comprenant les démos de l’album. L’étude comparative des deux versions est des plus intéressantes, entre les deux il y a eu tout ce travail pertinent sur les structures des deux titres.]


samedi 13 septembre 2008

Long Dark Twenties























Difficile d’imaginer que Nadja publie un jour un single mais c’est pourtant chose faite avec ce Long Dark Twenties paru chez Anthem records. Un joli petit vinyle gravé dans presque autant de couleurs qu’en compte l’arc en ciel (violet, jaune, orange, vert, rouge et bleu) mais en noir aussi, pour les losers -j’ai eu un exemplaire noir. Ce single est gravé uniquement sur une seule face et il tourne en 33 tours, ce qui laisse assez de place à un groupe comme Nadja pour s’exprimer un peu -oui, quand même, lorsqu’on sait que la durée moyenne des titres du groupe doit avoisiner le quart d’heure…
Long Dark Twenties
est une pop song et c’est même une reprise. Une reprise d’un titre composé par un certain Paul Bellini et popularisé dans un film : Brain Candy. Qui ça ? De quoi ? Brain Candy. A la base il y avait une série télévisée du nom de Kids In The Hall perpétrée par une bande de comiques canadiens, le film date lui de 1996 et Paul Bellini est l’un des scénaristes de la version TV comme de la version cinéma. Autant dire quelque chose dont je n’ai jamais entendue parler et que je n’ai jamais vue -mais en France les abonnés de Canal + eux auraient eu cette chance… Donc : une chanson tirée d’une série canadienne visiblement culte là bas et reprise par un groupe canadien, cela donne ce single plutôt joli à regarder.
Et à écouter cela donne quoi ? La réponse est déjà moins évidente. Même en sachant que Long Dark Twenties est une reprise d’un titre pop, le résultat est mitigé : avec sa rythmique lente et molle, les nappes de guitares contemplatives avec option cirage de baskets (shoegaze en anglais) et surtout la voix d’éphèbe castré d’Aidan Baker, ce titre unique fait plus que lorgner du côté du Jesu de Justin Broadrick. Mais le résultat est plutôt réussi et il y a plusieurs raisons à cela. D’abord c’est assez court et, passé le moment de surprise, l’auditeur a tout juste le temps de s’interroger sur ce qu’il est en train d’écouter sans risquer de tomber dans l’affliction. Ensuite, il faut bien avouer que c’est bien foutu, à tel point que c’est même mieux que la plupart des titres jamais enregistrés par le susnommé Jesu (le maxi Heart Ache mis à part). Enfin, au contraire de son illustre sensei, Aidan Baker limite les effets sur sa voix et surtout n’utilise pas ce putain de vocoder.
Prenons donc ce Long Dark Twenties uniquement comme une petite récréation sympathique de la part d’Aidan Baker et de Leah Buckareff -et rien d’autre que ça- et passons vite à autre chose.


vendredi 12 septembre 2008

The Book Of Angels volume 11 : Zaebos























John Zorn continue de se payer des stars pour l’interprétation de son Masada Book Two : pour ce onzième (!) volume, ce n’est rien de moins que le trio Medeski, Martin & Wood a qui a été confié la réalisation de Zaebos -tous les disques de la série ont un nom de démon et celui-ci je l’aime bien, il a un corps de crocodile surmonté d’une tête humaine.
On ne présente plus les trois musiciens, réputés pour être les tenants d’un jazz moderne et décomplexé où le groove a une place prépondérante (le jeu très funk du bassiste/contrebassiste Billy Martin) et catapulté par un sens du rythme très dynamique. Un groupe comme New York en a engendré un petit paquet durant les années 90 avec l’explosion de la scène downtown. Il est vrai que Medeski, Martin & Wood c’est avant tout l’infaillibilité ou presque de sa section rythmique. Mais il ne faut pas oublier non plus le goût immodéré de John Medeski pour l’orgue Hammond : c’est l’autre marque de fabrique du trio.
Une marque de fabrique un peu encombrante (qui peut encore s’intéresser à un type d’orgue aux tonalités aussi limitées ?) que ne parvient pas à faire oublier l’adjonction de quelques effets (comme ici sur Sefrial) ou des titres interprétés au piano (Rifion qui prouve qu’il ne suffit pas d’appuyer sur les touches d’un piano pour réussir à en sortir quelque chose d’intéressant). Malgré la fantaisie de bon aloi, malgré les gadgets et le surlignage, Medeski, Martin & Wood arrivent parfois à dépasser le stade du groupe de jazz branchouille et vaguement rock’n’roll pour amateurs d’avant-garde de salon -mais franchement : il y a plus d’inventivité et surtout de modernité dans n’importe quel disque de Duke Ellington que chez le trio new-yorkais.
On peut s’émerveiller de la dextérité du claviériste, on peut admirer la puissance rythmique (on a même presque mal aux doigts pour le contrebassiste au moment de l’introduction de Vianuel), on peut trouver les mélodies jolies et enlevées mais donc on s’emmerde, on s’emmerde comme jamais ou plutôt on s’emmerde comme lorsque gamin on devait supporter les disques de jazz de papa diffusés à fond sur l’électrophone familial et que l’on se jurait que jamais ô grand jamais on ne ferait soi-même endurer une telle chose à autrui. Dont acte : à la poubelle ou bien réservé à la prochaine visite de courtoisie de voisins trop encombrants, histoire de briller comme un intellectuel de gauche qui se respecte.


jeudi 11 septembre 2008

The Book Of Angels volume 9 : Xaphan























Pour une raison qui m’échappe encore un peu (la question des droits sur l’enregistrement n’étant peut être pas la bonne), ce neuvième volume de la nouvelle série de compositions de John Zorn relatives à son projet Masada a été publié avec tellement de retard que le volume dix (le bien nommé Lucifer par le Bar Kokhba sextet) s’est retrouvé dans les bacs avant. Est-ce que -contrairement à une grosse moitié de cette série de disques paresseux et routiniers- cela valait le coup d’attendre ?
Sans être un fervent admirateur de Mr Bungle et surtout de Secret Chiefs 3, on peut écouter ce disque les yeux fermés si tant est que l’on a pas peur de prendre une grande rasade de fun entre les oreilles et de ressortir de la découverte de Xaphan avec un sourire persistant aux lèvres -ouch, j’ai bien conscience que voilà un discours qui d’ordinaire ne me sied guère. Mais c’est l’exacte vérité: si ce disque débute un peu timidement, son plaisir d’écoute est grandissant voire exponentiel. Meilleur qu’un shoot de dextropropoxyphène et plus efficace que les éternels deux doigts dans la bouche. Un rendu inimitable.
Trey Spruance, éternel malade de la guitare (et de plein d’autres instruments à cordes), n’a pas hésité une seule seconde, face au matériel composé par Zorn, à pousser le bouchon juif/oriental/balkanique encore plus loin que ce que demandait le cahier des charges initial. Dans cette histoire, le compositeur saxophoniste est le gros perdant puisque Spruance démontre avec une facilité déconcertante que, pour pallier à la pauvreté relative des notes de musique écrites par Zorn (le livre deux de Masada est en effet bien en deçà du premier) et pour sauver ce disque, ce qu’il fallait c’est des arrangements hors normes et multicouches tout en paraissant naturels et lisibles. Enfin un musicien imaginatif qui traite d’une musique d’inspiration juive avec un salutaire second (troisième ?) degré, la parodie parfois indélicatement jusqu’au fou rire pour mieux lui rendre hommage.
On retrouvera au passage les habituelles inspirations de Trey Spruance, surf music sous amphétamines et bolognaises à la Ennio Morricone en tête (comme sur Barakiel), immédiatement suivis par un sens du groove bien funky, une couche occasionnelle de metal ou un peu de pigmentation de mariachi orientalisant. Dans ses oeuvres, le guitariste est solidement épaulé par une flopée de musiciens assez prodigieux dans les rangs desquels on compte le très ludique mais efficace batteur Ches Smith -oui celui là même qui accompagnait Jamie Stewart sur la dernière tournée de Xiu Xiu. Lorsque on compare ce Xaphan avec le huitième volume, Volac, interprété de façon tellement respectueuse et complètement froide par le violoncelliste Erik Friedlander, on saisit tout le gouffre qui sépare une vision éclairée et transcendante d’un projet d’une vision sclérosée et académique. Seul Koby Israelite avait fait aussi bien avec Orobas, quatrième volume de cette série en demi-teinte.


mercredi 10 septembre 2008

Okay / Huggable Dust


Comment peut on en arriver à écouter Okay, le projet monoparental de Marty Anderson ? Par exemple comme cela : Sick Room records avait publié un double CD live réunissant Hella et Dilute, groupe pour ma part alors totalement inconnu. Deux albums publiés par le label 54 40' or Fight! plus tard et Dilute n’avait presque plus de secret à cacher. Marty Anderson était donc le guitariste/chanteur de ce groupe à la musique pour le moins étrange, presque quasiment instrumentale et aérienne mais traversée parfois par des interventions chantées d’une voix de canard gonflée à l’hélium, enfantine et décalée. Découvrir Okay a été aussi simple que cela. Mais c’est le genre de cheminement qui ne fonctionne pas à tous les coups -par exemple ce n’est pas parce que l’on a adoré Yaphet Kotto que l’on va apprécier Saviours (et inversement : on peut aimer ces derniers et détester les premiers)(ce n’est qu’un exemple)(bien sûr).
Une grave maladie d’Anderson a conduit à la dissolution de Dilute -non, je ne l’ai pas fait exprès- et à l’émergence du projet solo, ou presque, Okay. En 2006 le label RuminanCe a réédité Low Road, moitié d’un diptyque conceptuel (facile, l’autre moitié s’appelle… High Road) à l’origine publiée en 2005 sur Absolutely Kosher. Ce même label a publié au mois de mai 2008 Huggable Dust, le nouvel album de Marty Anderson.
Okay est donc un one man band, seul l’ancien batteur de Dilute Joe Pellicci (dorénavant dans 31knots) vient parfois épauler Marty Anderson. Inutile de dire que ce dernier ne tourne pas et donne des concerts de façon très sporadique, puisqu’il habite dans le garage de la maison de papa et maman où il s’est installé son home studio et son hôpital portatif. Et dans son home studio il n’y a pas que des guitares, loin de là.























Les dessins qui ornent le livret de Huggable Dust sont pour le moins étranges, du moins tout aussi étranges que ceux qui parait-il ornent les murs de la maison parentale de Marty Anderson. Et le pire est que ces dessins ne donnent même pas une petite idée de la pop faussement enjouée d’Okay. Mine de rien, ces dix-huit chansons regorgent d’arrangements assez soignés et méticuleux -mais quoi faire d’autre lorsque la maladie vous laisse trop de temps ? Comme sur Low Road/High Road ce sont les synthétiseurs qui se taillent la part du lion, des synthés en forme de section de cuivres par exemple ou tout simplement égrenant des mélodies à la beauté simple et irrésistible. Il y a quelque chose de définitivement et de profondément touchant dans cette musique : vraiment rien d’inquiétant ici malgré une tristesse évidente car tout est balayé par une sorte de refus contradictoire, les textes sont systématiquement contrebalancés par la recherche harmonique et il n’y a aucune auto destruction au bout du chemin -on n’est pas chez Daniel Johnson dont Okay offre une version acidulée et synthétique mais positive de la noirceur suicidaire.
Reste aussi que la voix de Marty Anderson est des plus étranges, gageons que bientôt il pourra imiter Marianne Faithfull sans les mains et sans aucun problème, il a depuis longtemps dépassé le stade de Marc Bolan imitant Donald Duck. Cette voix est pour beaucoup dans l’aspect fantomatique de la musique d’Okay -et il en était de même pour Dilute, à écouter les quelques passages chantés de l’album live évoqué plus haut et enregistré au Bottom Of The Hill de San Francisco- une voix réunissant à elle seule toute la contradiction du disque, contradiction mise en valeur par de nombreux(ses) invité(e)s au chant. Poignant et insolite.


mardi 9 septembre 2008

Racebannon / Acid Or Blood























Je crois que ce qui déplait le plus aux détracteurs de Racebannon dans la musique du groupe, c’est le bavardage. Et Acid Or Blood, ce quatrième album tant attendu, n’en démord pas : Mike Anderson a un timbre et une façon de chanter que l’on peut juger irritante, une grande gueule quoi, et surtout il l'ouvre sur 95% du disque. Racebannon ne va donc pas convertir d’adeptes supplémentaires avec cette nouvelle livraison marquée de l’habituel pentagramme (ça c’est toujours une preuve de bon goût) et d’un concept vaguement sanglant. Pourtant voilà bien un disque de noise perturbée comme on aimerait en écouter beaucoup plus souvent.
Mais revenons donc à la genèse d’Acid Or Blood : son prédécesseur, le génial Satan’s Kickin’ Yr Dick In, est déjà une vieillerie puisque il date de 2002… entre temps il aura fallu se contenter d’une compilation de singles et d’inédits (The Inevitable : Singles And Rarities 1997 - 2005 chez Alone records), un disque à se procurer d’urgence comme tous les autres du groupe, ne serait ce que pour cette reprise incandescente de Death Valley 69 avec ce sacré Mickey à la fois dans le rôle de Thurston Moore et de Lydia Lunch. Autre solution pour s’étourdir les esgourdes : jeter son dévolu sur Rapider Than Horsepower, l’autre groupe du chanteur. Mais là c’est aussi peine perdue puisque contrairement à ce que pourrait faire penser le patronyme du groupe, Rapider Than Horsepower n’a rien d’un étalon lancé au grand galop dans les pleines luxuriantes de la production discographique, n’ayant rien publié non plus depuis des lustres.
C’est donc peu dire qu’Acid Or Blood et sa pochette à mi chemin entre Un Chien Andalou et Re-animator était impatiemment attendu ici. Les titres qui composent ce disque sont déjà anciens, maintes fois joués en concert (mais lorsqu’on n’a jamais vu le groupe live, comme moi, on s’en fout), à tel point qu’un nouvel album serait déjà complètement prêt -composé, enregistré et tout- et qu’un autre serait également en préparation. Pas mal quand même pour des losers et des branleurs. On peut dire qu’au moins ils ne se découragent pas. Comme beaucoup d’albums trop longtemps attendus, celui-ci déçoit aux premières écoutes. Racebannon, on connaît par coeur -les entrelacs à la fois noise et métalliques des guitares, le débit en tranches de la rythmique, le chant possédé et maniéré, les déflagrations psychotiques, les accélérations impromptues, les répétitions malsaines- alors puisque sur Acid Or Blood on retrouve tout ça, on le prend d’une oreille d’abord bienveillante (comme lorsque tu as rendez-vous à la terrasse d’un café avec un vieux pote oublié et que tu l’écoutes en buvant une bonne bière bien fraîche en t’apercevant que vous n’avez plus rien du tout à vous dire) avant de réagir enfin positivement à tout ce bordel de saturation. On renoue alors avec un certain bonheur avec notre Racebannon, celui que bien sûr on a toujours aimé et par voie de conséquence il faut bien accepter le fait que pour sceller des retrouvailles avec un vieux pote perdu de vue il faut tout de suite oublier la bière et passer directement à la case gros raide.
Un regret toutefois : Acid Or Blood a tendance à finir en queue de poisson, presque en s’étoilant, d’abord avec cette reprise complètement inutile de Bella Ciao (l’hymne antifasciste réapproprié par les alter mondialistes qui mangent du tofu bio éthique et pensent que Manu Tchao est un leader politique) et un ghost track sans aucun intérêt qui heureusement donne suffisamment de frustration pour remettre le disque du départ mais n’en distille pas assez pour nous dégoûter du groupe. Racebannon s’y connaît parfaitement en hameçonnage, mais qu’y a-t-il donc dans cette putain de seringue ? Je n’en sais rien, espérons juste que le prochain album ne mettra pas six années avant d’être à son tour publié.



dimanche 7 septembre 2008

Strings Of Consciousness / Fantomastique Acoustica






















Comment Strings Of Consciousness, projet de haute volée mené par Philippe Petit et Hervé Vincenti, envisage t-il l’avenir ? Après le succès artistique de l’exceptionnel Our Moon Is Full, album surprise réunissant une constellation d’intervenants et de chanteurs uniquement masculins, le groupe va-t-il nous refaire le coup mais cette fois ci exclusivement avec des voies féminines ? Il paraîtrait que oui. En ce qui me concerne, j’attends cela avec impatience, la confiance règne. Entre temps est paru ce Fantosmatique Acoustica (sur Off / Stilll) qui développe uniquement le côté instrumental de la musique de Strings Of Consciousness. On y retrouve les trois titres déjà publiés sur le 25 cm partagé avec KammerFlimmer Kollektief (chez Karl records) accompagné de Mossgarden, version instrumentale du In Between enregistré avec Pete Simonelli d’Enablers pour Our Moon Is Full, ainsi que d’une petite dizaine de remix effectués par du beau monde comme par de parfaits inconnus en ce qui me concerne.
Malgré ce descriptif en forme de puzzle rafistolé, Fantosmatique Acoustica n’est en rien un bricolage du dimanche bancal ou un ersatz d’album : tout comme Our Moon Is Full avait -malgré des intervenants très différents entre eux- démontré une homogénéité et une identité très forte- ce nouveau long format du groupe réussit lui aussi le pari de la personnalité. Pas de doute possible, en écoutant ce disque, c’est bien Strings Of Consciousness qui apparaît, dans une version plus paysagère et descriptive certes, narrative et illustrative peut être, mais le caractère unique de l’ensemble est bien là.
Il ne faut cependant pas en déduire que les morceaux du disque se suivent et se ressemblent. D’abord les quatre instrumentaux à proprement parler signés par le groupe sont de toute beauté, sorte de post rock lynchien (oui, comme l’homme qui fait du cinéma) avec quelques tournures electro ou jazzy. Ensuite viennent les neuf remix, peut être que ceux-ci sont eux marqués de la personnalité de leurs auteurs -de Scanner à Rothko en passant par Sutekh ou Si-cut-db- mais je n’en sais rien, d’ailleurs comment le savoir ? L’auditeur se laisse aller, se laisse emporter même, c’est un album à part entière je vous l’ai déjà dit. Gamial Trio a rajouté une rythmique un peu trop évidente ? Sutekh est le seul remixeur à avoir laissé davantage parler son sens du rythme pour canard boiteux plutôt que les ambiances à contre-jour de Strings Of Consciousness ? Mais oui. Et cela colle parfaitement, libérant quelques idées sur toutes les ouvertures que le groupe semble vouloir se donner : c’est ça qui est vraiment passionnant ici, ces amalgames de personnalités et de sources musicales différentes et le tout qui en résulte. Encore une fois, vivement la suite.

samedi 6 septembre 2008

Alcool, meccano, bayou, moussaka et kétamine

























Changement radical de décor jeudi soir et changement de style pour la rentrée du Sonic, le genre d’endroit où il fait bon boire de la bière (à retardement) et écouter de la musique qui fait peur. Malgré les orages violents et la traditionnelle grève des bus du début du mois de septembre, quelques têtes se sont déplacées, quelques retrouvailles donc et surtout le plaisir d’aller au concert, cette expérience étrange, à la fois sociale et solitaire, qui n’a rien à voir avec écouter de la musique compressée devant un ordinateur. Le programme de la salle pour le mois à venir est plutôt alléchant et quelques prévisions pour les mois suivants me donnent déjà des orgasmes à répétition (Nadja par exemple… et oui !).
Mais nous n’en sommes pas là. Pour l’instant, place à 300 mA, cela se prononce [trois cents milliampères], l’un des nombreux projets de Damien Grange, l’homme de Chewbacca, Bronzy MC Dada, -1, Rature -j’en ai oublié ?- accompagné de Jean François Plomb et place également à k.a.n.t.n.a.g.a.n.o., le nouveau groupe de Jonathan Parant (de Fly Pan Am et Feu Thérèse) et d’Alexandre St Onge, le dandy québécois de la musique expérimentale. L’orage transperce la surface de la Saône de millions petits cratères de pluie, amis poètes et mélomanes du soir, le concert va pouvoir commencer. 

























Damien Grange, fidèle à ses habitudes, aime bien jouer dans la pénombre. Ce sera donc aussi le cas avec 300 mA, un drôle de duo associant une vision du blues marécageux vraiment roots et des bricolages aux atmosphères déglinguées, proche de la musique expérimentale industrielle, quelques part entre un Zoviet France non ethnique et la micro métallurgie d’un Pierre Bastien ou d’un Pierre Berthet. L’association entre Damien et Jean François Plomb (artiste sonore et plasticien, le genre d’appellation contrôlée à faire fuir toutes les personnes de bon goût mais dans son cas, cela veut réellement dire quelque chose) n’est absolument pas étonnante : elle fonctionne parfaitement, dès le début du concert, avec une petite magie circassienne sans doute due aux valisettes amplifiées et bricolées à l’aide de moteurs et mécanismes automatiques et grâce, également, au souffle d’un cornet au son légèrement déformé.
Damien chante comme un shaman sous peyotl, joue du cornet (donc), de l’harmonica, du banjo, bidouille deux ou trois choses sur une table de mixage placée à sa gauche tandis que Jean François lance ses petits mécanismes, fait des percussions, gonfle des ballons, souffle dans des trucs non identifiés. Le blues microscopique et pointilliste de 300 mA repose sur peu de choses, équilibre précaire et tendu, Tom Waits meets Geo Touvetout, rudesse du chant et sécheresse du banjo contre raclements industriels et esclandres mécaniques. A l’image des toupies qui tournoient sur des plaques de métal ou des baffles, la musique de 300 mA est hypnotique, captivante. Elle est surtout profondément organique, ces machines n’en sont pas tant que ça. J’aurais seulement préféré que le duo joue un peu moins longtemps : certaines redites par ci par là, et avec elles la lassitude de l’auditeur paresseux. Quelques trous font donc leur apparition dans un intérêt qui se fêle, ce concert aurait été vraiment très bon avec une vingtaine de minutes en moins. Lorsque j’ai évoqué avec l’un des deux musiciens le formidable disque de Pierre Berthet avec Frédéric Le Junter (chez Vand'oeuvre) comme l’un des référents possibles à la musique de 300 mA, j’ai essuyé une petite moue (personne n’aime être comparé, ça je le comprends aisément) mais, bien que ce soit forcément restrictif, il y a bien de ça, quelques pistes communes parcourues certes de manières différentes.


















A peine le deuxième album de Feu Thérèse était il publié que l’on apprenait que le groupe avait déjà splitté. C’était d’autant plus énervant que des enregistrements live laissaient deviner de longues tirades hypnotiques influencées par un rock choucroute allemand bien digéré et à l’exact opposé des ritournelles au glucose poppy de l’album. L’annonce d’un nouveau projet monté par Jonathan Parant et Alexandre St-Onge (également dans Shalabi Effects) constituait donc une très bonne nouvelle. k.a.n.t.n.a.g.a.n.o. pouvait éventuellement promettre le même genre de débordement compulsif et répétitif.
C’était sans compter sans le sens de l’organisation des Québécois qui comme beaucoup de groupes/musiciens d’outre-Atlantique profitent de l’opportunité des concerts pour faire un peu de tourisme sur le vieux continent. Une bonne idée en soi mais dont la première conséquence sera que les trois membres de k.a.n.t.n.a.g.a.n.o. (le troisième s’appelle Alexander Wilson) voyagent léger : pas de percus, pas de guitares -juste des laptops, des claviers et des boiboites d’effets. On apprend également que le groupe aurait l’intention de ne pas jouer à la manière de k.a.n.t.n.a.g.a.n.o. mais de réinterpréter une oeuvre solo de chacun de ses membres. En fait nous aurons droit à un seul titre, où tout s’enchaîne. La première moitié du set est catastrophique, sons de synthétiseurs tirés d’un best of the worst de Vangelis, mélodies pour ralentis cinématographiques, voix de castras amphétaminés -barbant et répulsif. Surtout c’est vraiment frustrant de voir Jonathan Parant sur une scène sans sa guitare, planqué derrière un ordinateur portable sur lequel il n’a pas l’air de faire grand-chose (cela me rappelle toujours cette anecdote amusante qui voulait qu’à l’aube de 90’s Alan Wilder passait son temps à envoyer des fax pendant les concerts de Depeche Mode). Les voix s’emballent de plus en plus, montent davantage encore dans les aigus, Nana Mouskouri vient de rejoindre Vangelis sur scène et je ne suis pas loin de me réfugier définitivement du côté du bar.


















Mais c’était sans compter sur ce sacré vieux ferry-boat qui se décide enfin à appareiller pour quitter définitivement Mykonos, ses sandwichs à la grecque et autres plaisirs interdits pour rallier quelques contrées légèrement plus sombres et surtout plus exaltantes. Les sons se durcissent, les voix s’amenuisent, Alexandre St-Onge daigne se servir de la basse qu’il avait jusqu’ici posée sur ses genoux, il ira même après divers gratouillis free jusqu’à nous pondre quelques arpèges que les sourds et les jeunes incultes qualifieraient trop facilement de post rock. La fin voit carrément l’apparition d’un semblant de rythme, digital certes, mais qui fait franchement du bien. Je me suis donc à nouveau rapproché de la scène pour goûter d’un peu plus près à une musique qui sans révolutionner quoi que ce soit (et qui ne m’a surtout pas donné envie de tourner en moi-même aussi vite que les effluves d’alcool me l’auraient permis) devient audible voire bonne. Mais une déception quand même. La prochaine fois les gars il faudra revenir avec un peu plus de matos et de bonnes idées et, promis, je me chargerai de la kétamine.

jeudi 4 septembre 2008

Baygon vert ou Baygon jaune ?






















Je ne suis pas un si mauvais cumulard : je m’étais concocté un programme de ministre des affaires sociales et du temps perdu pour la fin de journée du mardi 2 septembre et j’ai plutôt bien fait. Après une rentrée des classes rapidement torchée et une journée passée à ne rien faire, rendez-vous dans un bar de la branchitude croix-roussienne avec deux camarades houblonneurs -les deux ou trois sujets de conversation qui s’imposent concernent bien évidemment le cul et surtout la musique alors que la bière coule à flots (je me bouche les oreilles dès que le match O.L./A.S.S.E. du dimanche soir est évoqué mais je ris quand même sous cape de l’infortune des perdants). Le mardi c’est permis. Je préviens qu’il est hors de question pour moi de ne pas aller au concert de The Locust, c’est un peu la rentrée ce soir, et surtout pour rien au monde je ne voudrais non plus faire l’impasse sur Fat 32, un impressionnant duo local de bordel organisé.

















 


Comme à leur habitude, les deux Fat 32 jouent par terre, devant la scène. Le seul moyen de les voir et de les entendre correctement c’est donc de se placer tout devant ou bien de monter sur la scène. C’est là que je me retrouve pour admirer une performance du groupe encore meilleure que celles auxquelles j’ai déjà assistées. Le paysage est plutôt pas mal, vu sous cet angle, avec ses piliers et son plafond en béton la salle ressemble à une vieille friche industrielle, on s’y croirait.
Fat 32, si je ne m’abuse, est une énième émanation du collectif Undata et consiste en un duo clavier/batterie spécialisé dans la haute voltige free et les cabrioles cartoonesques. C’est évidemment très influencé par le Fantômas de Mike Patton (sans guitare et sans basse) mais oserais-je dire que c’est bien mieux ? Oui, allez hop, j’ose. Voilà ce que l’on pourrait appeler du game core de grind boy: c’est ludique à s’en faire péter la sous-ventrière, c’est incroyablement fluide, sûrement très technique mais on a du mal à s’en rendre compte devant tant d’entrain infernal et de joie de vivre. A la tienne. Il semblerait que les sons utilisés par le garçon aux claviers aient un peu durci, le côté -hum- festif est toujours là mais rien de vulgaire ici -malgré le recours à quelques ritournelles mondialement connues pour faire monter la sauce- et je suis donc définitivement conquis par la déferlante de rythmes et de sons tordus. Anecdote people n°1 : le batteur s’est fait couper les cheveux et cela lui va très bien. Anecdote people n°2 : lorsque le lendemain matin à l’heure du petit déjeuner j’ai raconté ce concert, la première réaction familiale autour de la table a été Fat 32 ? on dirait le nom d’un groupe de rap. Ouais, c’est bien le seul défaut que je trouve à ces mecs.
















 

C’est la pause clope et bière en extérieur, non pas parce qu’il est strictement interdit de fumer entre les murs mais il règne une chaleur tellement intense là dedans que même sans bouger n’importe qui se met à suer. Comme à mon habitude je me suis à nouveau transformé en gros monstre puant, cet air frais et cette bière un peu éventée me font le plus grand bien.
J’apprends que j’ai raté le premier groupe et que le premier groupe n’était autre que Radikal Satan (pour se faire une idée de la musique de ces argentins expatriés, autant aller du côté des Potagers Natures ici, et ) accompagné d’un chanteur néerlandais (?)
Austin Townsend -j’ai alors quelques regrets, éphémères et vite effacés par la sévère bandaison que vient de me procurer Fat 32, oui je me répète. Place au troisième groupe de la soirée, Warsaw Was Raw, un trio français qui a effectué toute la tournée avec The Locust et dont le très bon label Rejuvenation records s’apprête à sortir un CD 3 pouces (ou un EP pour les accros du vinyle). En plus d’être les rois du jeu de mot contrepétrique Warsaw Was Raw est doté d’un batteur énervé, d’un guitariste énervé et d’une chanteuse ultra minijupée et (très) énervée. Le groupe joue sur la scène comme pour de vrai, du coup l’ambiance change avec cette vue imprenable sur un faux plafond en polystyrène ou autre, on se croirait dans une vieille salle des fêtes perdue dans une ZUP délaissée par toute forme de progrès social. Musicalement Warsaw Was Raw serait plutôt du côté d’un hard core à la fois grind et crust, ça joue très très vite, les titres sont très très très courts mais il est difficile de se faire une bonne idée parce que le concert dure à peine plus de dix minutes (allez, un quart d’heure), tout juste le temps de prendre trois photos du groupe et de retourner s’aérer une nouvelle fois avant l’arrivée des stars de la soirée.





















Dire que j’avais longtemps à l’avance noté ce concert sur mon petit calendrier (à la date du 2 septembre : The Locust) en étant persuadé que j’allais assister à un concert de Lightning Bolt. C’est ce qui s’appelle prendre ses désirs pour des réalités, j’ai même balancé sur un site/forum la (fausse) venue du couple Chippendale/Gibson, haha, quel con. A ma décharge je pourrais préciser que je suis autant fan de Lightning Bolt (qui viendront tout de même en France au mois de novembre) que The Locust me laisse froid. C’est comme ça. Depuis la découverte des fêlés de San Diego sur un split single partagé avec les trop regrettés Arab On Radar je n’ai jamais été séduit plus que ça par leur grind noise bontempi, préférant même les premiers disques aux plus récents, trop laborieux.
Nos quatre sauterelles déjà en tenues de combat ne mettent pas longtemps à s’installer, ça sent le professionnalisme et la quadrature logistique. A peine le premier titre interprété -que dis je, les premières notés jouées- le public se soulève en une grosse vague mouvante et virulente, qui a dit que la jeunesse de ce pays n’aimait pas le sport ? La musique de The Locust se prête au défoulement, violence lourdement intense malgré le fait que le groupe assaisonne le tout de plans tordus et de breaks improbables et joue plutôt sur le format court (un titre, moins d’une minute). C’est très bien mis en place même si on sent que The Locust se repose parfois complètement sur des automatismes.
Je m’amuse plutôt malgré les coups que je reçois de la part de quelques agités du slam (difficile de parler de stage diving lorsque la scène mesure à peine quarante centimètres), le batteur -placé devant parce que The Locust joue en ligne- réclame un peu de compréhension, arrêtez de sauter sur ma grosse caisse les gars, ça dérègle mon jeu de double pédale, le célèbre bassiste/chanteur Justin Pearson exhibe un instrument tout de plastique transparent et très laid dont il se sert avec une dextérité certaine, le guitariste n’est pas en reste, il n’y a que le clavier/bidouilleur que l’on entend pas assez, sauf vers la fin du concert lorsqu’il se décide à envoyer une fréquence continue plutôt désagréable alors que ses collègues font eux silence. Mais n’est pas Merzbow ou Karkowski qui veut. Je décroche de ma place au premier rang à la moitié du concert (plutôt inhabituellement long pour The Locust : au moins quarante minutes) pour suivre la suite des évènements de plus loin parce que même si j’aime la violence musicale et l’hystérie électrique je déteste le sport et The Locust me fait penser à des athlètes performers dopés à la coke diluée dans du Red Bull. Amusant mais lassant. Ovation de fin de show, le public est content, il a eu ce qu’il voulait. Une conversation me confirme qu’il n’y aura pas de concert des Melvins à Lyon cette année encore et que la date prévue pour Flipper est quasiment annulée. Shit happens comme dirait l’autre.