lundi 21 avril 2008

The Masada Book Two : Lucifer























Fidèle à ses mauvaises habitudes, John Zorn publie encore, via son label Tzadik, un énième disque sur lequel il ne fait pas grand-chose : voici donc la suite d’une longue série intitulé Masada Book Two : The Book Of Angels, série réunissant des enregistrements de nouvelles compositions de Zorn (à peu près trois cents, haha) datant déjà de 2004 et dévolues à son magnifique projet Masada. Mais le Masada quartet n’a jamais enregistré cette suite, cela a été confié à diverses formations ou musiciens du catalogue Tzadik, pour le meilleur ou pour le pire. Lucifer interprété par Bar Kokbha est le volume dix et on attend toujours le numéro neuf, Xaphan, par Secret Book 3, disque éternellement repoussé pour des problèmes de droits et annoncé depuis des lustres et sans grande précision pour le Printemps 2008.
Nous sommes au Printemps 2008 (oui) alors la curiosité nous pousse quand même à jeter une oreille à ce Lucifer (tous les volumes de la série porte un nom de démon) réalisé par une tripotée de musiciens virtuoses avec le Massada String Trio au grand complet -Mark Feldman, Erik Friedlander et Greg Cohen- agrémenté de deux batteurs/percussionnistes -Cyro Baptista et Joey Baron- et d’un guitariste, Marc Ribot. Autant dire tout de suite que si on a écouté ce disque uniquement pour avoir des nouvelles fraîches de Baron et Ribot (dans le cas de ce dernier mieux vaut se jeter sur le récent Exercises In Futility dont on reparlera à l’occasion) il vaut mieux rester dans l’ignorance.
Le obi promotionnel annonce fièrement que Bar Kokbha n’a rien enregistré depuis une bonne dizaine d’année. A la base, 1996, ce nom était celui d’un double CD avec un personnel sensiblement différent, en particulier la présence de souffleurs émérites -David Krakauer (pas encore labellisé en bleu spécialiste des musiques pour Bar Mitzvah et mariage juif), Chris Speed (extraordinaire compagnon de route de Tim Berne pendant tellement d’années), Dave Douglas (le fabuleux trompettiste)- et d’un pianiste beaucoup trop mésestimé : Anthony Coleman. Comme souvent chez Tzadik, lorsque un disque fonctionne bien, la formation qui l’a enregistré est pérennisée sous le nom même du disque et il en va ainsi de Bar Kokbha (d’autres exemples : Dany Zamir reprenant le nom de Satlah, Anthony Coleman endossant celui de Self Haters, etc).
Bar Kokbha est on l’a vu une version améliorée du Masada String Trio, sorte de passerelle entre celui-ci et le très colemanien Masada Quartet. Une passerelle qui passe au dessus des eaux éclairées mais paresseuses des mers des Caraïbes, une couleur rythmique essentiellement due à Cyro Baptista (toujours à faire des grimaces très drôles en concert mais insupportable sur disque) mais pas seulement. On connaît l’intérêt de Marc Ribot pour le genre ainsi que pour la surf music et sur Lucifer son jeu est radicalement opposé à celui qu’il pratique sur le mal aimé Asmodeus, disque pour lequel on en vient même depuis à relativiser un jugement trop sévère. Ribot ne se fatigue pas de trop, n’hésitant même pas entre claptonades sans âme et berrychonneries d’apparat.
Lucifer propose benoîtement un programme jouant sur l’opposition de rythmes du soleil et de mélodies néo ashkénazes, un programme composé de lounge des iles, klezmer d’aéroport, mélodies photovoltaïques, décorum cocktailisé, western spaghetti sans la sauce -le fond étant atteint par l’inconsistant Azbugah qui prouve une fois de plus que question composition, John Zorn est une source tarie : la réussite d’un volume de la serie Book Of Angel ne dépend alors plus que du pouvoir transgressif et des arrangements des interprètes et dans le cas de Lucifer on est bien loin du compte.