lundi 28 avril 2008

Une débâcle italienne

















Bonne affiche (en théorie) que celle proposée en ce dimanche soir, le moment le plus cafardeux de la semaine, alors oui, pourquoi pas ? Deux groupes avec 37500 Yens dont le premier album, Astero, est l’une des plus belles réussites de l’année 2007 et Three Second Kiss, un groupe jusqu’à très récemment encore totalement inconnu -du moins jusqu’à ce qu’un nouveau label ne le déterre et ne le sorte de son Italie natale. Petite précision utile pour la suite : l’album Long Distance, qui est la première référence d’Africantape, fait plus que mériter les critiques élogieuses que l’on peut lire ici ou . Ces italiens sont champions du monde pour se réapproprier le meilleur de la noise 90’s made in Chicago, de Shellac à U.S. Maple, ils le font avec classe et brio, Long Distance est un pur concentré de mélodies tordues, de tensions rythmiques, de guitares coupantes.
La basse claque, la batterie dévie toujours un peu, la guitare circonvolutionne -il n’y a que la voix qui laisse deviner quelques faiblesses, le timbre pas assez en adéquation avec le reste. Le fait que ce soit l’homme à lunette qui ait lui-même enregistré cet album pendant l’été 2007 lors de ses vacances annuelles au pays des voleurs et des prie-dieu est une bénédiction pour Three Second Kiss : qui d’autre que Steve Albini pouvait donner un plus bel écrin sonore à une musique dont il est le principal inspirateur ? Un inspirateur largement dépassé depuis belle lurette par les bons élèves de la classe (New Brutalism par exemple) dont les italiens font assurément partie. Ceci pour balayer la polémique sur l’éternel revival noise, chaque mois un nouveau groupe qui pompe Jesus Lizard, les Cows ou Hammerhead et pourquoi pas les trois en même temps pendant qu’on y est ?






















Les deux
37500 Yens s’installent face à face, de profil par rapport au public, malheureusement bien maigre en ce dimanche soir. Jolie batterie, bel assortiment de pédales d’effets aux pieds du guitariste. La musique du duo est entièrement instrumentale ce qui en ces temps de disette -après tout, qui peut prétendre avoir toujours quelque chose d’intéressant à dire ? non, pas moi- est à prendre ou à laisser : je prends. Le guitariste triture un temps, met en boucle, passe à l’envers, rajoute une couche et la batterie rentre en action. A mon sens, 37500 Yens a été classé beaucoup trop vite dans la catégorie math rock. Il y a bien du tricotage de riffs appuyé dans la musique du groupe mais il y a aussi et surtout ces passages noise qui s’affolent, la guitare qui torpille sèchement tandis que le batteur bûcheronne.
Le jeu de celui-ci me déstabilise un peu au départ : nettement moins dans la dentelle, nettement moins aérien que sur Astero -moins de retenue, d’effets de cabriole, de retournements de situation et d’invention. Le son surtout me parait trop fort, il est inutile de pousser autant le volume lorsque cela n’apporte rien à la musique mais comme le groupe enchaîne vaillamment ses compositions, ne laissant aucune place aux hésitations ni aux tergiversations (ce que pouvaient laisser craindre les passages plus atmosphériques de l’album), le problème du son finit par s’estomper. 37500 Yens en concert c’est beaucoup plus vigoureux que sur disque et absolument pas glacial et austère. Bravo.























Three Second Kiss démarre alors que 90% du public est toujours en train d’honorer Roselyne Bachelot sur la terrasse du Sonic. J’en viens tout de suite à regretter ce que j’ai osé penser du son de 37500 Yens car celui de Three Second Kiss est tout simplement pourri et dégueulasse. Une vraie mélasse bien trop forte que ne donne qu’une seule impression : celle d’entendre trois musiciens jouant les uns à côté des autres. Les approximations du batteur apparaissent dans toute leur beauté, la voix du bassiste est criante d’insuffisance et surtout, surtout, le son du guitariste (qui a tendance à couvrir tout le reste) est abominable, très loin de l’esthétique sèche et racée de l’album. En s’éloignant du devant de la scène le son devient plus supportable mais ne s’améliorera pas de tout le (court) concert.
Le sondier du groupe a tout réglé à fond, noyant toute nuance dans un calvaire auditif de boue infâme -ce mec il faudrait le virer. Au passage, entendant la sono du Sonic qui commençait à sérieusement craquer, l’un des responsables du lieu ira voir le sondier du groupe pour lui demander de se calmer et de respecter un peu le matériel. Une réaction tout à fait normale si on en juge le rendu de ce qui sortait alors des enceintes. Le pire c’est que cette désastreuse façon de faire aura complètement bousillé l’intérêt d’un groupe comme Three Second Kiss. On peut bien se foutre de la gueule des formations de hard core qui confondent vitesse et précipitation, les groupes de noise qui mélangent volume et originalité ne valent pas mieux.

Heureusement le concert ne dure pas. S’en suivent quelques conversations tout en écoutant Through The Panama, l’excellent dernier album des Sightings qui passeront bientôt en concert à Lyon. Parmi tous les ragots il y a celui-ci, qui m’a plu beaucoup plus que tous les autres : la veille avait lieu le concert d’Isis à L’Epicerie Moderne et l’ingé son du lieu s’est aperçu que le troisième guitariste, responsable également des machines et installé à l’écart dans la pénombre du côté de la scène, jouait à l’unisson et note pour note les mêmes parties qu’Aaron Turner afin de grossir le son de celui-ci, pourtant déjà bien doté question amplis et correctement repris dans la sono. Encore un bel exemple de n’importe quoi élevé au rang d’art.