Battons le fer tant qu’il est encore chaud : Deborah Kant n’a peut être pas livré sa meilleure performance la semaine dernière lors de l’anniversaire du Sonic mais il n’en demeure pas moins que ces quatre garçons n’ont pas démérité de leur niveau d’excellence habituel, confirmant tout le bien que l’on peut penser d’eux. L’écoute de leur album sans titre et en autoproduction va dans le même sens, celui d’une inspiration fleuve et tumultueuse, jusqu’à en perdre haleine, non ça repart aussitôt, ces gamins sont increvables. On l’aura compris, les titres composés par Deborah Kant sont très (très) longs, neuf plages et une heure de musique, aussi fort qu’un vulgaire groupe de post hard core sauf qu’il n’en s’agit absolument pas d’un et qu’en plus nos petits lyonnais ont une définition bien a eu du mot classe : ils ont déjà tout compris de cette équation toute simple et toute bête que bien peu pourtant réussisse à résoudre, une équation à deux inconnues, bruit versus mélodie.
Racée, la musique de Deborah Kant l’est et ce n’est pas évident de réussir un tel exploit sur une telle longueur. On peut regretter Marina et son développement -pas réellement mollasson, disons sans grandes surprises malgré l’agrément de zigouigouis électroguitaristiques (un titre complètement instrumental qui plus est)- mais pour le reste c’est du tout bon, du qui pète à la gueule, de l’ultra bandant, du bien roulé, du qui donne envie de transpirer et pas que des pieds. La filiation avec un groupe lyonnais quasi ancestral, Deity Guns, a beau être évidente -comme ces illustres anciens, eux-mêmes fort inspirés par Sonic Youth, Deborah Kant sait marier dissonance avec équilibre harmonique, expérimentation (à l’aveugle ?) et énergie rock- la bande des quatre rénove l’orthodoxie du groupe à guitares noisy et lui insuffle une bonne dose d’énergie sexy. Ça fuse direct dès l’intro de brûlots tels que Cream Off, Public Lotion ou I Want To Dead -ce dernier ayant été enregistré à la cave mais ne souffrant pas d’un son pourri, ça c’est du tout bon pour la légende. Beards quant à lui joue sur la solidité rythmique mais n’a rien à envier aux autres, bien au contraire. En écho au très court Milk On placé en introduction du disque et enregistré en public, Milk Off est une exceptionnelle conclusion de quelques onze minutes, un titre noisy à souhait s’embarquant dans un final flirtant avec le tournis psychédélique à force de répétition d’un thème excellent et entêtant.
D’après les notes du livret, ce disque a été enregistré en 2006. Qu’il ait mis autant de temps à sortir laisse songeur, encore un groupe de jeunes gens qui ne veulent pas travailler plus pour gagner pareil (ou moins) et galèrent dans les joies de l’autoproduction. L’illustration ci-dessus est celle du livret, le disque étant agrémenté de quatre sérigraphies (bien plus belles), mention spéciale à la Renault 5 immatriculée DK 666. Le tout est bien sûr disponible pour pas cher.