mercredi 30 juin 2010

J.G. Thirlwell / Manorexia : The Mesopelagic Waters






















La présence de J.G. Thirlwell dans la collection Composer Series du label Tzadik de John Zorn peut faire sourire. Le démiurge génial et allumé de Foetus ne précise t-il pas lui-même qu’il n’est qu’un mauvais instrumentiste et surtout un piètre musicien qui ne sait ni lire ni écrire la musique ? Une affirmation qu’il tenait à nouveau dans N.Y. Foetus, le documentaire (fort malheureusement) à moitié raté que Clément Truffeau avait consacré à J.G. Thirlwell et que l’on peut retrouver dans le DVD accompagnant l’album Limb de Foetus. Comme pour toutes les parutions de la Composer Series, le verso du livret de The Mesopelagic Waters est imprimé d’une partition, en l’occurrence il s’agit de celle de Fluorescent Radiation et elle est bien contresignée J.G. Thirlwell. L’explication est très simple : notre homme n’est pas retourné à l’école de musique, n’a pas appris les règles et les notations du solfège ces deux ou trois dernières années. Mais il a eu recours à une tierce personne assurant la transcription sur papier de la musique née de son cerveau bouillonnant et malade.
Cette façon de faire, J.G. Thirlwell l’avait déjà testé lorsqu’il avait fallu adapter les titres de Steroid Maximus (deux albums instrumentaux au compteur, dans une veine ultra parodique et parus au tout début des années 90 sur le regretté label Big Cat records) pour un grand orchestre de musiciens : c’est Steven Bernstein – trompettiste new-yorkais, membre entre autres de Sex Mob et encore un pote indéfectible de Zorn – qui s’en était plus que brillamment chargé, ajoutant avec ses arrangements osés encore plus de luxuriance démesurée à la folie contagieuse de Thirlwell.
Pour The Mesopelagic Waters notre héro s’est logiquement à nouveau adjoint les services d’un tiers ou plus exactement de deux musiciens différents à savoir Ted Hearne et David Shohl qui se partagent chacun la moitié des titres. Ces deux là sont deux musiciens/compositeurs émérites bardés de diplômes et de références ronflantes. La musique qui en résulte ne donne pas pour autant envie de s’endormir. The Mesopelagic Waters est même le travail le plus fin et le plus délicat de Thirlwell à ce jour et il consiste en une relecture pour ensemble de musique de chambre des compositions présentes sur les deux premiers albums de Manorexia – une énième appellation contrôlée de Jim Foetus et d’où le nom complet de ce disque : Manorexia : The Mesopelagic Waters. Ces deux disques, Volvox Turbo (2001) et The Radiolarian Ooze (2002), Thirlwell les avait sortis sur son propre label, Ectopic Ents, et les vendait (les vend toujours) uniquement sur son site officiel. Surtout, ils représentent ce qu’il a fait de plus orchestral, de plus grandiloquent et de plus magnifié – lui emploie le terme de spatial dans les notes du livret. Il avait donc bien besoin d’aide pour réarranger ces compositions en version petit orchestre de cordes et percussions et n’oublions pas qu’à l’origine, celles-ci sont des assemblages sonores intuitifs, du bricolage sur ordinateur, de la bidouille de savant fou. On peut imaginer que le travail de transcription et d’adaptation a du être franchement ardu.
Finesse de composition mais également finesse d’exécution : avec des musiciens gravitant autour de la scène downtown new-yorkaise, ayant pour certain(e)s collaboré avec Bang On A Can, Wilco ou Jim O’Rourke, les huit compositions de The Mesopelagic Waters tournent parfaitement sans toutefois laisser cette impression de virtuosité froide et calculée qui donne trop souvent envie d’éteindre la boite à musique avant la fin d’une écoute devenue fastidieuse et longuette. Le caractère cinématographique, le suspens musical de la musique de Thirlwell sont ici fort heureusement préservés et – mieux que cela – les qualités mélodiques évidentes de cette musique vous sautent à la figure. Libérées de l’exagération et du brouhaha, dégraissées de toute grandiloquence et de toute complaisante, les compositions de monsieur Jim Thirlwell révèlent alors de véritables petits joyaux aux milles facettes éclairées par la grâce : tout y est si précis mais si imaginatif. Ni musique de film trop décalée parce que ne supportant pas l’absence d’images ni musique contemporaine théorisée et paramétrée, The Mesopelagic Waters conserve le mordant habituel des compositions de Thirlwell tout en leur offrant une profondeur supplémentaire, intime et non dénué d’une tristesse confondante, presque romantique.

mardi 29 juin 2010

Fenn O'Berg / In Stereo























Tandis que j’écoute attentivement au casque et que j’attends patiemment qu’il se passe enfin quelque chose de dramatique ou de drôle dans ce beau disque un peu terne, je pianote sur le moteur de recherche d’une base de données spécialisée pour découvrir combien d’enregistrements et/ou de groupes s’appellent effectivement ou comportent les mots In Stereo dans leur nom. Beaucoup. Fenn O’Berg est la réunion de Christian Fennesz, de Jim O’Rourke et de Peter Rehberg, autrement dit la crème mondiale des bidouilleurs/électromécaniciens/arty/(parfois) improvisateurs qui à partir de la seconde moitié des années 90 avaient peu à peu réussi à se faire une jolie petite place dans le cœur des rockers déboussolés par (au choix) la trentaine, le suicide de Kurt Cobain, le virage sudiste de Metallica, l’avènement de Offspring et de Rage Against The Machine comme symboles de la rébellion adolescente, Bob Dylan massacré par Guns And Roses, l’œil de verre de Marylin Manson, le split de Sonic Youth, celui – encore plus dramatique – de June Of 44, la britpop, la mise en veilleuse d’Amphetamine Reptile records, la mort de Rozz Williams ou la nouvelle chanson française post alterno.
Oval, Scanner, Farmers Manual, Ryoji Ikeda, Alva Noto, General Magic, Pita (c'est-à-dire l’une des appellations de Peter Rehberg) ou même Robert Hampson/Main encore récemment évoqué et j’en passe et des meilleurs étaient synonymes de musique électronique et bidouillée intelligente. Intelligente ? Peut être que non et même surement pas, mais disons quelque chose n’ayant rien à voir avec l’ambiance crusty babloche de la techno légumineuse, pas aussi radical que les saloperies japonaises à la Satanicpornocultshop, plus signifiant que la french touch et pouvant en même temps faire preuve d’une désinvolture salutaire ou d’une poésie ludique lorgnant vers l’absurde – le summum du genre étant les délires pataphysico-colorectals des imbattables Stock, Hausen & Walkman.
Les noms de Markus Popp et d’Oval* sont aujourd’hui presque complètement oubliés et il y a parmi tous ces musiciens – impossible de parler d’une scène, ce carcan bien trop limitatif – certains qui se sont habilement spécialisés dans ce que l’on appellera pudiquement le design sonore ou (mieux) la bande son de spectacles (de danse par exemple, comme Peter Rehberg en solo ou au sein de KTL). Il y en a même qui, possédant plus d’une corde à leur arc et sachant jouer d’un vrai instrument en bois, en plastique et en métal, alternent entre laptop et musique conventionnelle, c’est justement le cas de Jim O’Rourke qui depuis plus de vingt ans fait des aller-et-retours entre les deux et s’est encore fait remarquer avec son très acoustique The Visitor à la fin de l’année 2009. Comme d’habitude, tout ceci n’a été qu’un feu de paille, limite une vue de l’esprit, c’est bien après que l’on peut se permettre de rapprocher tel musicien de tel autre, d’oser les comparaisons, de tirer des bilans approximatifs et réducteurs.

C’est donc avec un certain recul que l’on écoute In Stereo, troisième album de Fenn O’Berg, et il serait facile mais tentant de dire que le groupe sonne désormais comme une réunion d’anciens combattants. Le trio n’avait rien publié depuis The Return Of Fenn O’Berg en 2002, deuxième album ayant eu la lourde charge de succéder à The Magic Sound Of Fenn O’Berg (1999) – à noter que ces deux albums ont été réédités courant 2009 avec bonus et remastering, également aux Editions Mego (le label que Peter Rehberg a fondé après la faillite de Mego records, reprenant au passage tout le back catalogue). Les deux premiers étaient de cette veine rigolote et décalée, on ne se prend pas au sérieux mais on essaie de le faire correctement quand même, à base de bruits parasitaires, d’accidents sonores, de samples détournés et de blagues de potaches. In Stereo est bien plus sérieux que ses deux prédécesseurs, moins vivace aussi, et surtout enregistré en studio à Tokyo alors que les deux premiers étaient des collections de performances live enregistrées à travers le monde. Beaucoup plus de travail de mise à plat, d’agencement. Le concept Fenn O’Berg – si concept il y a mais tant pis : trois musiciens aux natures très différentes improvisant ensemble pour le meilleur ou pour le pire – donc le concept n’est plus exactement le même, la rigidité remplace ça et là la spontanéité.
Des moments d’amusement ou d’effarement il y en a pourtant comme le dialogue de bourbons péteurs sur IV, les roulements de batterie samplés de I, le carillon Star Wars en intro de VII. In Stereo, bien plus écoutable que ses deux prédécesseurs parce que nettement moins atomisé est aussi (paradoxalement ?) le moins passionnant des trois. Un certain académisme de l’expérimental avec en sous-texte une orientation plus méditative, plus psychédélique (III et V) et logiquement un confort d’écoute qui fait que sur la longueur, on risque bien de céder à la paresse et de revenir plus souvent sur In Stereo qu’on ne le pensait au départ. Un disque parfait pour se soigner une entorse aux vertèbres cervicales ou une bonne cuite, cela dit.

* lequel fait son grand retour en 2010 avec un EP et un album complet, on en reparlera…

lundi 28 juin 2010

Sax Ruins / Yawiquo























Ils deviennent quoi chez Ipecac ? Fidèle à ses habitudes le label ne sort pas des tonnes de disques par an mais essaie de soigner chaque sortie avec le même amour et Mike Patton – malgré son gros complexe d’infériorité par rapport à Freddy Mercury et John Tardy à la fois je l’aime bien quand même celui-là – avait prévenu que ce rythme d’escargot consciencieux n’allait pas s’arranger. Le catalogue du label est toujours aussi disparate, faisant le grand écart entre le très bon et le pire (et juste quelques rien à foutre au milieu). Depuis la parution de Chicken Switch, l’insupportable album de remix des Melvins, Ipecac n’a semble t-il pas offert grand-chose* à se mettre sous la dent et il faut remonter au dernier album de Zu (Carboniferous) pour manger vraiment à sa faim. En attendant que je chronique le cinquante-troisième album des Melvins – malheureusement toujours parasités par une greffe malencontreuse à base de Big Business, l’album s’appelle The Bride Screamed Murder et est sorti début juin (il y a quelques semaines, quoi) – on peut faire un léger retour en arrière dans le catalogue Ipecac et s’apercevoir qu’un disque était complètement passé inaperçu en 2009 : Yawiquo de Sax Ruins.
Les Ruins ont longtemps été le duo basse/batterie (avec des bassistes jouant sur des 5 cordes voire même 6 cordes…) et voix de référence en matière de jazz core/prog punk/magma addiction mais, pour l’instant, les Ruins ne sont plus un duo : Tatsuya Yoshida continue tout seul sous le nom de Ruins Alone… Dans la foulée le batteur tentaculaire a également monté le projet Sax Ruins qui comme son nom l’indique reprend des titres des Ruins réarrangés pour batterie et saxophones. Yawiquo est la résultante de cette nouvelle version des Ruins et c’est un enregistrement assez bluffant et à la dynamique joyeuse.
Tatsuya Yoshida s’est donc accoquiné avec une saxophoniste, Ono Ryoko. Elle joue de l’alto mais également de la flûte. Elle possède un son très clair et très tranché, pas très original à dire vrai mais elle compense par une technique de jeu et une dextérité à toutes épreuves. Les parties de saxophone enregistrées pour Yawiquo l’ont visiblement été en multipiste et je vois mal comment Mlle Ryoko pourrait arriver à reproduire de tels arrangements sur scène, même en soufflant dans trois binious en même temps à la façon d’un Rahsaan Roland Kirk, ce qu’elle ne fait pas de toutes façons.
Sur Yawiquo on a systématiquement la sensation d’entendre un petit big band, avec plusieurs saxophones à l’unisson tandis qu’un autre alto prend éventuellement la liberté de partir en solo en même temps, dans une tempête de notes hystériques rappelant plus que fortement John Zorn lorsqu’il n’est pas fatigué ni trop conceptuel. Qu’importe finalement que la folie de ce disque soit transposable ou non sur scène, on parle bien d’un enregistrement là, un enregistrement jubilatoire et foldingue, en rajoutant consciencieusement dans le côté Muppet Shô du Ruins des origines. Il y a par contre des choses qui n’ont pas changé ici comme le jeu de batterie proprement délirant de Tatsuya Yoshida (mais qui par contre ne chante pas une note sur Yawiquo) ou comme la fulgurance punk des dix sept titres proposés, du hard-bop sous la double influence du speed metal californien et du prog fiévreux de Vander and C°. C’est lyrique à souhait mais pas gratuitement tordu, plein d’humour mais pas inutilement, déglingué et en même temps tellement droit au but : aussi efficace pour se réveiller le matin qu’un gel douche parfumé à la citronnelle chimique et qui pue mais autrement plus vivifiant. Pas un grand disque mais une sacrée bouffée d’oxygène.

* si : il y a Monde Cane de Mike Patton himself mais je ne veux même pas en entendre parler, il y a également l’album de Beak mais il est complètement hors sujet lui aussi


dimanche 27 juin 2010

Twin Pricks / Young At Heart























Quoi ? Comment ? De la pop sur Heavy Mental, un pauvre blog ultra élitiste pourtant habituellement spécialisé dans le lourd, le bruit, l’inutile et la crétinerie congénitale ? Oser parler ici d’un disque de musique niaise, sucrée, susurreuse et mièvre ? Diable… C’est donc que les temps changent ? Pas tout à fait. De la pop, certes Twin Pricks ne fait que ça, mais Twin Pricks le fait bien, absolument pas de la façon mentionnée ci devant : le groupe joue serré, enjoué parfois, dynamique et si c’est peine perdue pour trouver sur les cinq titres de Young At Heart la moindre trace de saturation et de vocifération, on est bien loin aussi du cliché acid chamallow, barbatruc, cosmonouille et autres insupportabilités pour anoraks apathiques et névrosés qui parsèment la pop mondiale indépendante actuelle. En gros aucune tentative exotiquement colorée ni aucune tentation électro caribéenne (suivez mon regard).
Avec Young At Heart Twin Pricks rend un hommage serein et vibrant à une certaine pop indie, celle que l’on pratiquait aux alentours des 90’s américaines, celle des années d’adolescence des deux garçons qui composent le groupe, légèrement teintée d’emo, parsemée de folk, de rêveries nocturnes (la très belle intro de Twin Freaks) et autres bizarreries au fort pouvoir magnétique – il se dégage du début presque sautillard d’A Better View et surtout de You Saved The Day quelques émanations que l’on aurait bien entendues du côté d’un Sam Prekop/Sea And Cake. C’est absolument évident, l’élégance est de mise, une grâce certaine également et on reste pantois face à la subtilité discrète des arrangements (le Rhodes qui s’en mêle ici ou là, les zigouigouis à la guitare qui parsèment l’arrière-plan de I.R.T.F. – ce ne sont que des exemples parmi d’autres). Le tout est porté par un chant clair et précis à deux voix et, chose plutôt rare et bienvenue, ce disque renifle de fond en comble la sincérité et le désir, il ne faut y chercher aucun décalage, aucune mauvaise foi, aucun second degré et on ne peut que l’aimer ainsi. Je l’aime ainsi. Young At Heart est un petit joyau, cristallin et pur, un très beau disque.

Mode d’emploi : Young At Heart est disponible sous la forme d’un kit de survie phonographique comprenant un vinyle 7 pouces combiné à un CD – je crois que sur le premier est gravé un titre par face alors que le second contient la totalité des cinq – et c’est une production en provenance directe de Chez Kito Kat, label dont nous avons déjà parlé à l’occasion du premier album de FiliaMotsa.
Twin Pricks sera également en tournée/vacances du 9 au 17 juillet entre la France et L’Italie avec, pour les lyonnais bénéficiaires du RSA et de l’ASS restés bloqués en ville, un passage à Grrrnd Zero le 9 juillet en compagnie de Bâton Rouge, Bare Hands, Parmesan et Motherfucking. Pour les curieux, les mondains et les exégètes, une interview très intéressante de l’un des deux twins est lisible ici, après avoir lu ça vous saurez tout ce qu’il y a à savoir.

vendredi 25 juin 2010

Lou Reed / Metal Machine Music





















Voici comment Lester Bangs, dans un article devenu aussi célèbre que le Metal Machine Music de Lou Reed et paru en juin 1976 pour Creem Magazine, définissait ce double vinyle qui presque 35 ans plus tard arrive encore à faire parler de lui : […] « laissez moi vous expliquer que nous avons là un double disque d’une heure et rien d’autre, absolument rien d’autre, que du feedback hurlant enregistré à des fréquences diverses, rejoué sur diverses autres couches de bruit, fendu en deux sur deux canaux totalement séparés, composé de cris perçants et de sifflements parfaitement inhumains et vendu à un public qui y était, pour nous exprimer aussi posément que possible, fort médiocrement préparé ». Metal Machine Music, disque de pseudo musique électronique savante (comprenez musique concrète et bruitiste), n’est pas le premier essai en matière d’expérimentation et de collage par un artiste pop/rock – il y a déjà eu le Revolution 9 de John Lennon sur le Double Blanc des Beatles en 1968 – ni la première tentative d’agression aussi poussée de l’auditeur – le L.A. Blues des Stooges sur l’album Fun House en 1970 – mais c’est bien le premier gros fuck off publié à son corps défendant par une industrie du disque manipulée par l’un de ses plus brillants protégés. L’histoire est très simple* : Lou Reed, encore sous contrat avec RCA, voulait mettre fin à celui-ci pour rejoindre Arista mais devait encore un enregistrement à son label. Ce sera donc Metal Machine Music, imposture totale pour beaucoup, disque génial pour quelques rares autres illuminés. Kevin Shields de My Bloody Valentine prétendait qu’il s’agissait là de son disque préféré de tous les temps tout en admettant qu’il n’arrivait pas à en écouter plus d’une face à la fois. On raconte également que ce disque a rapidement été certifié d’or au Japon, le fait est que Metal Machine Music peut être considéré comme le premier enregistrement de harsh noise, grande spécialité nippone s’il en est. Aujourd’hui Metal Machine Music est voué à un véritable culte, il a donc régulièrement été réédité en CD par RCA qui doit bien y trouver son compte quelque part (la dernière fois c’était en 2003 dans une édition plutôt soignée) et voilà qu’une nouvelle édition en double LP parait sur le label Sister Ray.
Passons rapidement sur le côté « musical » de Metal Machine Music : ce disque n’a aucun intérêt en lui-même. A la réécoute, il n’apparait même pas si bruyant et inaudible que cela, tout juste est il fastidieux et ennuyeux. Depuis, en matière d’extrémisme musical et de sauvagerie auditive, on est allé bien plus loin que ces quatre faces de feedback trafiqué. Ce qui est cependant fascinant, c’est tout ce qui va autour, autrement dit la mise en scène de cette supercherie/anti musique géniale (tout dépend de quel côté on se place). Lou Reed prétendait qu’il y avait de réels bouts de grandes œuvres de musique classique cachés dans Metal Machine Music, que la durée précise (16’01) de chaque face se terminant qui plus est abruptement était là pour interpeler l’auditeur sur la qualité de son travail et le maintenir en éveil. Les notes de la pochette, reproduites ici en intégralité tout comme l’artwork original (Lou Reed est en pleine période post Rock’n’Roll Animal), sont à hurler de rire : le chanteur/guitariste y détaille tout le matériel soi-disant utilisé pour l’enregistrement et dans un texte fumeux tente d’expliquer le pourquoi de ces bandes tout en mettant en garde contre d’éventuels effets secondaires. A l’époque Lou Reed n’en démordait pas : Metal Machine Music était son disque solo préféré, à égalité avec le trop mésestimé Berlin, et du même niveau que les albums du Velvet Underground. Puis il l’a gentiment renié avant d’y revenir et de persister encore et toujours dans cette posture d’escroc, reprenant Metal Machine Music en compagnie du collectif Zeitkratzer – un excellent double CD sorti chez Asphodel en 2007 – et allant même en 2010 jusqu’à donner une série de concerts à travers le monde avec un trio formé avec les multi-instrumentistes Ulrich Krieger et Sart Alhoun pour célébrer « l’un de ses plus grands chefs d’œuvre ». De chef d’œuvre il n’y en a donc pas vraiment, si ce n’est dans la façon alors inédite de présenter les choses, un peu comme l’urinoir de Marcel Duchamp, la pipe de René Magritte ou – plus près des préoccupations musicales, du 4’33 de John Cage dont il est l’exact opposé mais qu’il finit logiquement par rejoindre dans sa mécanique de l’ultime. Lou Reed, finalement dépassé par le cours des évènements, s’est rattrapé comme il pouvait, sa mauvaise blague ayant donné naissance à un véritable culte qu’en toute logique il n’aurait pas pu laisser échapper, fierté de l’artiste oblige. A noter que sur ce nouveau pressage de Metal Machine Music le sillon de la quatrième face est fermé à la fin, relançant indéfiniment la même boucle de saturation : une façon comme une autre pour l’artiste de nous dire qu’il nous emmerde pour toujours ?

Encore une page de pub pour la presse musicale en danger mais ce sera la dernière : cette chronique est aussi parue dans le numéro 16 de Noise mag – à la page 114 si vous voulez tout savoir – disponible dans tous les bons kiosques à journaux et parfois aussi dans les mauvais depuis le 12 juin. Noise mag, le journal qui vous l’enlarge autant que Lou Reed.

* Joseph Goshn, dans sa discographie sélective sur le minimalisme qui suit son essai sur La Monte Young (aux éditions Le Mot Et Le Reste) a l’air absolument pas d’accord avec cette histoire. On peut et surtout on doit lire sa chronique plutôt positive de Metal Machine Music (page 93) tout comme le reste de ce bouquin passionnant.

jeudi 24 juin 2010

Le concert metal de l'année























Du gros metal qui tâche à Grrrnd Zero, pour rien au monde je n’aurais raté ça, surtout avec une affiche de choix regroupant Black Cobra, Saviours et… Weedeater. Weedeater ? Honte à moi, je préfère l’avouer tout de suite, car je n’avais jamais suivi de près ce groupe, je méprise au plus haut point les drogués et les alcooliques, donc je n’avais jamais écouté plus que ça la musique de ce trio originaire de la Caroline du Nord – redneck inside – et c’est une bien regrettable erreur. D’autant plus regrettable et surtout impardonnable que dans Weedeater il y a des anciens membres de Buzzov-en et de Sourvein, deux excellents groupes dont on a déjà parlé de temps à autres (et en bien) par ici. Conclusion : ne jamais hésiter à sortir de chez soi.
















Mais avant ce plateau de choix, il y a le groupe local de service : Hangoverdosis. Groupe de service, je concède que ce n’est pas une façon très sympathique de s’exprimer, surtout que Hangoverdosis est un plutôt bon groupe. Je vous la fait rapide : nous sommes en présence d’un trio purement instrumental composé d’un guitariste, d’un bassiste et d’un batteur et qui pratique un doom ultra lourd et répétitif. Le groupe ne jouera qu’un seul et même long titre au risque de devenir un peu lassant – quoi ? ils ont joué plusieurs titres enchaînés ? OK.
Malheureusement le concert démarre très mal pour Hangoverdosis puisque au bout d’une minute le guitariste casse une corde. Ce sont des choses qui arrivent. Changement de guitare mais visiblement l’instrument de remplacement ne convient pas non plus (ça, je n’ai pas compris pourquoi : j’imagine juste qu’il s’agissait d’une vieille guitare et ce n’est jamais agréable de reprendre un ancien instrument que l’on avait abandonné, on a l’impression de régresser). Changement de corde, donc. Pendant ce temps là le bassiste et le batteur assurent un bon duo façon les chevaliers de l’Apocalypse puis le groupe reprend enfin à trois la séance de carnage. J’avoue que j’ai parfois décroché mais j’y suis toujours retourné, attiré par l’odeur du sang, le pilonnage à répétition d’Hangoverdosis finissant par me rentrer dans le crâne. Je regrette par contre l’absence totale de voix dans le décorum, au moins quelques hurlements de dément bien placés ici ou là, pour donner un peu plus de répondant et de rebondissements à cette rengaine sataniste. Une messe noire c’est comme toute les messes, les enfants finissent toujours par trouver le temps long. Le set d’Hangoverdosis se termine et une désagréable odeur de cramé s’est répandue dans la salle, comme si un ampli venait de rendre l’âme. Mais comme je ne vois pas de fumée ou de flammes nulle part, je décide de ne pas paniquer plus que ça.
















Black Cobra joue en second et c’est une bonne idée : Chronomega, le dernier album en date du groupe, n’est pas le plus convaincant du duo californien et Black Cobra est le groupe que j’ai le moins envie de voir ce soir. Je vais à nouveau la faire courte : d’un côté un guitariste/chanteur et de l’autre un batteur. Le résultat : un hardcore métallisé avec des passages bien speed, d’autres bien sludge et parfois même doom… speed ? sludge ? doom ? Oui, c’est vrai, cela ne veut pas dire grand chose non plus. Traduction : c’est deux là jouent hyper lourd, hyper puissant, parfois hyper vite et surtout hyper fort. Tellement fort que je commence même à avoir les oreilles qui sifflent à chaque nouveau dérapage trop contrôlé du guitariste et d’autant plus que la qualité du son est plutôt mauvaise, même si elle finira par s’améliorer très nettement.
Le principal reproche que l’on peut faire à Black Cobra est simple: le groupe, bloqué en mode sportif de haut niveau, récite au pied de la lettre ses compositions, limite scolaire – presque sans vie disent les mauvaises langues, enfin presque sans vie mais avec une violence accrue d’où une certaine impression de froideur et même de vide affirment alors les récalcitrants. Si je trouve pour ma part que la musique des deux Black Cobra manque toujours autant d’originalité je suis par contre à fond dans leur débauche d’énergie et j’en profite pour tester précautionneusement la solidité de mes cervicales à peine remises de leurs tourments printaniers. Lorsque le groupe s’arrête de jouer après un ultime coup de tonnerre le silence ambiant me confirme bien que je continue à entendre des choses : les acouphènes arrivent déjà. Une connaissance me rassurera un peu plus tard en m’affirmant que voilà bien la preuve que j’ai encore quelques décibels à perdre malgré mon grand âge. Merci mec.
















Les Saviours montent sur scène et ils ont un nouveau bassiste (le deuxième en partant de la gauche), un petit jeune – moins ventripotent que les trois autres donc – qui assurera ce qu’il faut tout au long du concert. Celui-ci n’a même pas encore commencé que le chanteur/guitariste est déjà torse-poil, total tattoo attitude un peu risible. Le batteur teste son double pédalier et c’est parti pour une grosse demi heure de metal 80’s.
Seulement une grosse demi-heure ? Un rapide coup d’œil à la playlist du jour permet de se rendre compte que question durée le groupe n’a pas du tout l’intention de se forcer – un petit coup de fatigue après la furie du Hellfest 2010 ? Quoiqu’il en soit, bien que le groupe n’a pas joué assez longtemps à mon goût, les quatre californiens se sont bien donnés à fond, en rajoutant dans les postures tragiques – pieds sur les retours, headbanging de rigueur, etc –, nous offrant quelques duels de double guitare assez fantastiques, des accélérations incroyables, des passages épiques, de la double pédale (donc) et les Saviours confirment qu’en concert ils sont quelque part sur une ligne qui rejoint Saxon/Judas Priest à Motörhead. La grande classe, un deuxième test positif pour mes cervicales et la confirmation que demain je serai sourd.
















J’hésite : est ce que je vais rester pour le dernier groupe ou est ce que je rentre tout gentiment à la maison comme un grand garçon raisonnable ? Je décide de rester, ne serait-ce que pour assouvir ma curiosité à propos de Weedeater alors que j’apprends au détour d’une conversation que son bassiste/chanteur/leader/dealer n’est autre que Dave Dixie Collins, un ancien Buzzov-en et ex Sourvein qui a même assuré l’intérim chez Bongzilla (pas vraiment une référence en ce qui me concerne). Le gars est aussi connu pour s’être tiré dans le pied avec son arme favorite alors qu’en bon sudiste il passait du bon temps avec et pour s’être par la même occasion arraché le gros orteil.
Collins a l’air aussi taré que ses frasques le laissent supposer – Buzzov-en a une histoire assez sanglante et dramatique – et il va assurer ce concert comme la bête qu’il prétend être : il adore faire des grimaces, sautiller comme un cabri démonique, aller emmerder son batteur à la moindre occasion et surtout balancer des lignes de basse lourdes et incroyablement poisseuses.
Il joue son rôle à fond au moins jusqu’à ce que sa tête d’ampli ne crame et qu’il ne soit obligé de se servir de celle de rechange qui avait été mise de côté parce qu’ayant elle-même déjà un gros problème. Au départ on n’entendait pas beaucoup le guitariste (à la présence aussi discrète que transparente) mais là c’est foutu, le son de Weedeater vire à la mélasse. Le groupe continue de jouer malgré tout et arrive tant bien que mal à extirper un groove inexorable comme sur ce titre où l’on reconnaît sans peine des accents à la EyeHateGod/Buzzov-en, j’adore. Lorsque le groupe accentue davantage son côté stoner je suis un peu moins convaincu mais le sludge, la poisse, la crasse et la boue ne sont heureusement jamais très loin derrière. Weedater c’est donc surtout du grand spectacle et du défoulement grâce à un bassiste foutraque. J’aurais presque tout oublié dès le lendemain si en me réveillant je n’avais pas constaté que mes oreilles sifflaient toujours de plus belle. Cette fois ci c’est sûr, je suis complètement sourd mais comme je m’y attendais Saviours a incontestablement été le meilleur groupe de la soirée. Voilà c’était le concert metal de l’année, normal je n’en fais qu’un seul par an.

mardi 22 juin 2010

Thee Oh Sees / Warm Slime


John Dwyer est un gars éminemment sympathique. On ne peut pas lui en vouloir d’avoir quitté Burmese ni d’avoir laissé tomber Landed pas plus qu’on ne peut lui en vouloir d’avoir mis fin à Pink And Brown, à The Hospitals ou aux Coachwhips. Tous ces groupes il les a fait à fond, il est allé jusqu’au bout des choses, sans compromis. Lorsque vous avez monté un groupe avec quelqu’un, que vous avez joué ensemble de la musique, que vous avez trouvé quelques idées que vous avez jugées intéressantes et dignes d’être diffusées, que vous avez imaginé un concept débile – surtout à propos de Pink And Brown – et qu’après tout ça, vous jugez que vous ne pouvez pas aller plus loin sans risquer de vous répéter, de bégayer, de bêtifier et de tourner en rond, qu’est ce que vous faîtes ? Qu’a toujours fait John Dwyer ? Vous passez à autre chose. John Dwyer est toujours passé à autre chose. C’est ça qui le rend aussi sympathique : ce jusqu’au-boutisme et cette honnêteté. Et je suis également persuadé qu’en plus John Dwyer se fout pertinemment de ce que l’on pense de lui – de ce qu’un binoclard présomptueux peux bien raconter sur lui –, autrement dit il ne fait que ce qu’il a envie de faire.
Et ce qu’il a envie de faire en ce moment, c’est un groupe qui s’appelle Thee Oh Sees. Un groupe qui sort tellement de disques que j’ai décidé d’en écouter seulement un sur deux, en général je choisis ceux qui sont publiés par In The Red, maison de confiance comme chacun sait. C’est précisément le cas de Warm Slime, un 12 pouces transparent tacheté de manière dégueulasse et tournant en 45 rpm. Mais si je n’écoute qu’un disque sur deux de Thee Oh Sees c’est aussi parce qu’une fois sur deux, cela me plait moins. Ou ne me plait même pas du tout. Je laisse tomber les débuts du groupe – qui au départ s’appelait OCS – à une époque où Thee Oh Sees était un projet solo de Dwyer, il passait son temps à gratouiller un weird folk crado ne trouvant guère grâce à mes oreilles. Aujourd’hui que Thee Oh Sees est un vrai groupe, avec même une fille dedans, Dwyer et sa bande continuent de publier des albums lysergiques en alternance avec des disques purement garage/psyché/sixties.























Warm Slime est a priori un bon mini album de garage, comme je les aime, malgré la première face qui comporte le morceau titre, beaucoup trop long : Warm Slime aurait pu être une merveille de composition, nerveuse, chaude, endiablée et terriblement bien carrossée mais malheureusement, au bout des deux minutes réglementaires, Thee Oh Sees allongent la sauce, non sans avoir fait tourner auparavant quelques bons cinq feuilles bien chargés en weed pure et concentrée, et c’est parti pour une (inter)minable séance de spiritisme californien à la sauce peyotl. Heureusement que ce disque tourne en 45 car les chœurs assurés par Brigid Dawson finissent sérieusement par taper sur le système – comment ça, ça n’a rien à voir ? La plaisanterie aurait été bonne si elle avait duré dix minutes de moins
La seconde face c’est tout le contraire. Six titres et six tubes garage as fuck, crados, juvéniles, boutonneux et immatures. Avec en ligne de mire quelques diableries texanes ou autres saloperies californiennes désensablées des 60’s triomphantes mais aussi et surtout du freakbeat britannique, bref que des groupes en The. Thee Oh Sees vous décomplexe cette énième tentative de revival – parce que s’en est bien une – avec des titres aussi percutants que I Was Denied, Mega Feast ou Castiatic Tackle menés à bien à grands coups de refrains débiles – hahahahaha ou, subtile variante, lalalalala – et finit même par rejoindre les Jesus And Mary Chain de Psychocandy sur Flash Bats (pour l’instant également meilleur jeu de mots foireux de l’année pour un titre de chanson). MT Work, à la mélodie aussi niaise que sale, est le pinacle de Warm Slime, son hit suprême. Les bananes flambent, les jeans se resserrent et les cœurs s’envolent. Dommage donc pour la première face. Mais vu la bonne qualité de la seconde, on pardonnera à Thee Oh Sees et à John Dwyer. Mais que cela ne se reproduise pas trop souvent, hein.

lundi 21 juin 2010

Homostupids / The Load


















Homostupids. Je ne peux pas m’empêcher de ricaner bêtement à chaque fois que je lis le nom de ce groupe de Cleveland, les blagues sur les pédés ça a toujours fait rire le gros moustachu qui sommeil en moi, sauf que, espèce de béotien, homo stupid se traduit par homme stupide, l’inverse d’homo sapiens quoi. The Load est le deuxième album des Homostupids, il a été publié fin 2009 par Load records après une cargaison de singles et de EPs. Ce trio semble revendiquer son ancrage dans la skull music, un concept foireux auquel je ne comprends pas grand-chose, sûrement parce qu’il a été initié par les aujourd’hui défunts Clockcleaner – les Homostupids ont d’ailleurs un single figurant au catalogue de Richie records, le label de l’ancien batteur de Clockcleaner. Pourquoi je parle de skull music ? Parce que c’est écrit en toutes lettres dans la feuille de choux qui sert d’insert à The Load, seule indication mis à part le tracklisting et le nom du type qui a enregistré ce disque.
Enregistré est un bien grand mot, disons que le dénommé Paul MacCarrone – son studio basé à Cleveland lui aussi s’appelle Zombie Proof – a du se contenter d’appuyer quand il le fallait sur la touche on/off d’un radio cassette Fischer Price acheté la vielle à Cash Converters. Le son de The Load est dégueulasse au plus haut point et comme parfois dans ces cas là, il est aussi et surtout d’une chaleur et d’un organique défiant toute concurrence. Plus que jamais, fuck digital. Le groupe joue là, exactement à côté de vous, vous hurle dans les oreilles et vous encourage à faire de même. Oui, d’accord, mais faire quoi ? Foutre le bordel, tout simplement. Jouer de la skull music c’est brailler un gros je vous emmerde.
Mais le plus étonnant ce n’est pas ça. Le plus étonnant c’est le côté hardcore old school d’une grosse majorité des titres de The Load (comme The Animal ou Nighttime Fly, en supposant que Baking The Wolf soit cet interlude synthétique à la fin de la première face), des titres accompagnés d’un chant de hurleur patenté virant au carnage. Un mélange explosif avec la tonalité on ne peut plus garage de l’enregistrement. Dans le American Hardcore de Steven Blush (aux éditions du Camion Blanc), nombre d’intervenants regrettent qu’à l’époque, entre 1980 et 1986, les groupes n’avaient pas les moyens d’enregistrer correctement et que beaucoup de disques sonnent mal et ont donc très mal vieilli (on a le droit de ne pas être d’accord) ; le contraste avec les groupes d’aujourd’hui qui au contraire font des efforts pour sonner comme des merdes est amusant, dans le cas des Homostupids je suis toujours plus admiratif quant à la haute tenue du résultat final obtenu, car faire sonner un disque d’une telle manière c’est aussi du talent. Et quel talent.
Pour finaliser le descriptif de The Load on ajoute à cette mixture hardcore garage et noise punk de chiens galeux une bonne dose de Butthole Surfers ainsi que quelques anomalies tel ce Therapist synthétique et malsain avec son chant d’extra-terrestre sous champignons – presque du Chrome – ou des bandes passées à l’envers. The Load s’avère déjà être l’un des disques les plus génialement urgents et les plus méchamment mais intelligemment imbéciles de l’année. Et comme l’année est encore loin d’être terminée et que les Homostupids savent malgré tout compter, ils ont déjà sorti un nouveau disque sous la forme d’un EP intitulé Night Deacon, chez Fashionable Idiots.

dimanche 20 juin 2010

Saviours / Accelerated Living
























OK, un nouvel album de Saviours : Accelerated Living, toujours chez Kemado records. C’est déjà leur troisième, je ne compte pas les deux 12 pouces monoface, et – à première vue – il n’y a rien de vraiment nouveau à signaler de ce côté-là. Saviours joue plus que jamais du heavy metal descendant directement de la New Wave Of British Heavy Metal (N.W.O.B.H.M. pour les intimes) plus avec un côté roots/bikers que heavy progressif donc plus dans le sillage Judas Priest/ Saxon* que dans celui d’Iron Maiden – quoique les passages de guitares en doublé à ras du sol fourmillent encore et toujours sur Accelerated Living, le meilleur exemple restant les incroyables breaks en doublette de Burning Cross, breaks qui n’auraient pas démérité sur un album comme Killers.
Comme à chaque nouvel enregistrement on note cependant un durcissement de la musique de Saviours, c’est presque dans le cahier des charges : toujours mieux produite, toujours plus aiguisée, toujours plus lourde, toujours plus rapide, celle-ci bénéficie en plus ce coup ci d’un changement de technique non négligeable de la part du batteur Scott Batiste – il est tout simplement passé à la double pédale/double grosse caisse et ça s’entend. Le changement de guitariste n’est pas non plus sans conséquences et se retrouve pour beaucoup dans le durcissement du jeu des six cordes qui parfois lorgnent quasiment du côté de ce bon vieux speed metal pour de courtes citations – à l’origine Sonny Reinhardt avait assuré l’intérim pour la tournée européenne 2008 de Saviours en remplacement du guitariste/chanteur Austin Barber qui avait le bras plâtré alors que c’est le bassiste qui assurait les parties vocales dans un style très mötorheadien. L’ancien guitariste, Tyler Morris, avait un style plus fin et dentelier que je regrette un peu mais pas trop longtemps : Accelerated Living regorge de soli de guitares hyper démonstratifs (Slave To The Hex) alors que les rythmiques sont plus incisives que jamais.
We Roam ou Livin’ In The Void représentent l’archétype d’une composition de Saviours, si vous pensez les avoir déjà entendues sur un album précédent, vous n’aurez pas totalement tort. Seulement, en tant que groupe hommage/rip-off de la N.W.O.B.H.M., on n’en demandait pas plus à ces quatre gros tatoués d’Oakland qui sur le deuxième disque – oui, Accelerated Living est un double 12 pouces qui tourne en 45 rpm, le son est dantesque – donc, à partir de Burning Cross, les Saviours mettent les bouchées doubles : on retrouve presque l’intensité et la dureté du groupe sur scène. Cette troisième face est tout simplement exceptionnelle. Et ce disque est tout simplement inratable.




















Ce mois de juin les quatre Saviours sont en pleine tournée européenne avec Black Cobra – avec qui ils ont déjà tourné en 2008 – et Weedeater, ça fait un sacré plateau. Pour les lyonnais le jour à retenir est celui du 22 juin à Grrrnd Gerland. L’organisateur a même concocté aux plus résistants une double date puisque le 23 au même endroit se tiendra un second concert avec Dysrhythmia et Neige Morte : ça s’appelle le Gang Jah Gang Fest

* en guise de bonne référence prenez le live The Eagle Has Landed qu’a publié Saxon en 1982 et écoutez les deux derniers titres, le fantastique doublé Machine Gun/Fire In The Sky : tout y est, archétypal de la N.W.O.B.H.M., le riff boogie/groovy de base de Machine Gun et la hargne speedée de Fire In The Sky qui influencera nombre de groupes de thrash metal

vendredi 18 juin 2010

Aki Onda soulève les coeurs























C’est le dernier concert du Sonic avant la pose estivale mais pas le dernier concert de la saison 2009/2010 pour autant – la semaine prochaine il y a du bon gros heavy metal et du doom néanderthalien du côté de Grrrnd Zero – et l’affiche est très attrayante avec Hama Yoko et Aki Onda. Deux artistes japonais pour presque terminer en douceur et se reposer les oreilles.
Cela fait une bonne semaine que je n’ai pas travaillé, je solde un restant de jours de congés payés datant de 2009 avant de me les faire sucrer par mon patron. Je n’ai rien foutu de ma vie pendant tout ce temps libre – de toutes façons je n’avais rien envie d’en faire –, je n’ai même pas tenté de siffler la moindre bouteille de vodka (merde, le supermarché d’à côté est fermé et est en train d’être déboulonné, où est ce que je vais aller me ravitailler maintenant ?). J’ai passé mes journées au rythme d’allers et retours quasiment incessants entre l’appartement trop petit et l’école d’à côté, en évitant soigneusement les mères de famille qui s’agitaient pour organiser la sacro sainte fête de fin d’année à l’école.
Le vélo me semble lourd, difficile à faire avancer et les pédales impossible à actionner. Je me traîne comme une grosse larve, j’ai le dos en marmelade, des arriérés de la CPAM qui causeraient même quelques tracas au fils céramiste de Roselyne Bachelot et j’ai eu le grand tort de regarder Wayne’s World et sa pré séquence sur fond de Bohemian Rapsody : je rêve plus que jamais d’une vie facile et insouciante bien que la stupidité en soit le prix à payer. Je suis à la fois Bandini et son chien stupide. Mais j’ai bien peur aussi d’en être qu’au premier chapitre.























Une vingtaine de personnes se sont déplacées pour Aki Onda. Mais certaines sont aussi venues pour Hama Yoko. De son vrai nom Yôko Higashi celle-ci est une très jolie japonaise gentiment délurée que je n’avais encore jamais vue en concert – pourtant ce ne sont pas les occasions qui ont manqué, notamment l’année dernière au même endroit pour la première partie des babas gériatriques de Legendary Pink Dots. Hama Yoko est habillée d’un beau kimono traditionnel et son concert commence par une chanson typique de la variété nippone dégoulinante, avec mimiques exagérées et bande-son cradingue en arrière plan. Tout cela est parodique bien sûr et la jeune fille rejoindra ensuite tout son matériel installé derrière elle, non sans esquisser un sourire espiègle.
Tout son matériel, c'est-à-dire deux ou trois micros (sa voix change selon celui qu’elle utilise), un synthé, une table de mixage, des pads, des pédales d’effet, un micro contact, je dois en oublier quelques uns, bref tout l’attirail du petit expérimentateur lambda. Hama Yoko travaille sur des textures ténues pour une musique électronique pointilliste et tactile – au propre comme au figuré : ses doigts sautent d’un instrument à l’autre, d’un bouton à l’autre avec moult virevoltes pleines de grâce – qui sait à l’occasion se faire bruyante (mais pas trop) et surtout pleine d’à-coups, de rebondissements et de micro cassures. Le chant est exclusivement en japonais ce qui ne m’empêche pas de reconnaitre Summertime, cette bonne vieille scie signée George Gershwin, dans une version très belle et particulièrement émouvante. Je suis resté sous le charme de Yoko et de sa musique un bon moment après la fin de son concert. Je ne pense pas être le seul au vu des applaudissements nourris et mérités qu’elle a récoltés en fin de set. Pourtant, répétons-le, il n’y a avait pas grand monde au Sonic ce soir là.























Aki Onda est un musicien aussi discret qu’inestimable. Il travaille à base de sources collectées qu’il a enregistrées sur ces bonnes vieilles cassettes audio et qu’il rejoue ensuite avec un walkman fabriqué par Sony Inc. au siècle dernier. Yuko Nexus6 lui avait plus ou moins piqué son concept pour son Journal De Tokyo publié en 2002 par le label Sonore de Franck Strofer mais, à la différence de cette dernière, Aki Onda est un vrai alchimiste des sons qu’il manipule avec soin, élégance et un sens aigu de l’espace. Pour cela il se sert lui aussi d’effets, de pads, de trucs et de machins pour lesquels je ne vois pas l’intérêt de m’intéresser d’avantage – si j’étais musicien je ne saurais imiter une telle installation pour la simple et bonne raison que c’est impossible or, qui plus est, je ne suis pas musicien ; en tant que simple auditeur la magie des sons me suffit amplement, pas besoin de plus d’explications.
Ako Onda est en effet un réel magicien, créant en direct une musique ambient qui n’a rien à voir avec les poncifs et attendus du genre : pour les drones on repassera, le japonais n’a même pas l’air de savoir ce que bourdonner signifie ; pour les descentes en apnée/montée jusqu’à la stratosphère le verdict est le même, la musique d’Aki Onda est ailleurs, définitivement et dès le départ, l’idée de progression en est absolument bannie ; pour le trip cinématographique/illustratif/narratif on repassera également, Aki Onda ne raconte pas d’histoires, ne sait pas/ne veut peut être pas en raconter. Le musicien japonais est le catalyseur d’émotions et de sensations qu’il manipule au même titre que ses sons, les ordonnant et les mettant en place selon des règles qui nous semblent incompréhensibles. Incompréhensibles mais éminemment touchantes et aux conséquences émotionnelles incroyables. Je n’avais pas été aussi ému depuis le premier passage au Sonic de Dan Burke/Illusion Of Safety il y a deux ou trois ans. Ce concert était tout simplement un grand moment de toute beauté.

jeudi 17 juin 2010

Souvaris - Sincabeza / Clown Jazz























Clown Jazz. Un split album entre Souvaris et Sincabeza. J’avais mis ce disque de côté, non pas qu’il soit mauvais ou que je trouve quelque chose à en redire, non je l’avais mis de côté ou plus exactement en réserve, dans l’attente que le nouvel album de Sincabeza paraisse ou qu’il soit tout simplement annoncé pour bientôt, je le faisais murir bien au chaud au milieu des perles de l’année 2010, je laissais non sans plaisir mon enthousiasme grandir à son propos – au risque qu’il devienne trop envahissant – pour pouvoir affirmer haut et fort le moment venu hey ! il faut absolument écouter Sincabeza, le meilleur groupe instrumental du moment ! Je ne déroulerai jamais le tapis rouge pour ce groupe bordelais puisque de manière assez inexplicable (en tous les cas inexpliquée mais cela ne nous regarde pas) il a décidé de mettre fin à ses activités. Je ne parlerai donc jamais de ce troisième album qui n’a jamais été enregistré et cette chronique de Clown Jazz sera donc posthume et seule en son genre, l’apéritif c’est transformé en digestif, non sans aigreur d’estomac. That's life.
Le côté positif de cette histoire – parce qu’il y a un côté positif – c’est que l’autre groupe, Souvaris, a effectué une remontée indécente dans mon petit cœur d’artichaut. J’avais en effet toujours sous-évalué ce quintet britannique, estimant qu’il n’était pas en mesure de souffrir la comparaison avec Sincabeza. Aujourd’hui, après maintes réécoutes consécutives à une longue période de repos, je trouve les français toujours aussi excellents mais je trouve également que ces anglais ont du chien, bien plus que ce que je leur trouvais auparavant, ce qui bien évidemment n’enlève rien aux premiers. La grande qualité de Souvaris, en tant que groupe de post rock (s’il faut vraiment donner un nom à sa musique instrumentale et vivifiante), c’est qu’il nous évite les montées ascensionnelles vers toujours plus de pathos larmoyant – et donc vers nulle part comme avec des groupes biphasés tels que Mono ou Explosions in The Sky – et se concentre sur une narration d’apparence linéaire mais qui en fait nous en fait voir de toutes les couleurs, de toutes les odeurs et de toutes les formes. Great Scott et Hello, Antelope sont deux pièces maîtresses dynamiques, positives et joyeuses, deux longs développements haletants évitant toute redite et se payant même le luxe de l’évasion. Great Scott vous entraine loin sur un rythme inaltérable de trot de Jolly Jumper facétieux, s’il n’y a pas de montée d’arpèges cache-misère ici on sent parfaitement vers la seconde moitié du titre un épaississement nerveux des guitares aidées par des zigouigouis au synthé, hop du trot on passe à un élégant galop. Lequel galop ne déviera pas davantage sur Hello, Antelope malgré un passage au piano, accalmie de bon aloi et rebond nécessaire pour continuer la cavalcade au milieu de la verte prairie.
On retourne le vinyle pour (ré)écouter une énième fois ces lâcheurs de Sincabeza. Les bordelais opèrent dans le même champ d’action que Souvaris c'est-à-dire que leur musique instrumentale ne souffre pas de plans en montagnes russes, le cœur au bord des lèvres et la larme au coin de l’œil. L’élégance et la grâce sont l’apanage de Souvaris, Sincabeza se contentera, si on peut dire, de l’énergie et de la vigueur. Bacalacola, Facile A Compter et Malalido enchaînent les plans avec une indécente facilité, les virevoltes vous tourneboulent les sens sans vous donner envie de vomir, les répétitions ne trainent pas en longueur, les accélérations vous étonnent à chaque fois, les mélodies vous accrochent à coup sûr, la précision est la petite sœur de la nervosité, une nervosité bienfaisante et positive là aussi. Ces trois titres sont un pur régal, ce split est un pur régal et – une dernière fois – il est vraiment regrettable que Sincabeza ait décidé de ne jamais donner une suite à un tel enregistrement. Life is a bitch.

Clown jazz, uniquement édité sur un beau vinyle noir correctement pressé, est accompagné du désormais classique coupon donnant droit au téléchargement intégral de son contenu en format mp3. Gringo records, qui a eu la bonne idée de sortir ce disque, est le label de l’un des membres de Souvaris.

mercredi 16 juin 2010

Hâche Tendre / J'aurais Voulu Lui Dire Soyons Amis























Je ne suis pas au bout de mes surprises avec Headwar. Voilà que je découvre le side project de deux de ses membres – Nico (guitare/clavier/voix/robe de fille) et Carine (basse/guitare/voix/salopette). Ces deux là ce sont accoquinés avec un troisième membre et ont donc fondé Hâche Tendre. On apprécie au passage la souplesse du jeu de mot contenu dans le nom du groupe mais la principale surprise n’est vraiment pas là : Hâche Tendre est un pur groupe de revival 50’s, option comédie musicale avec graisse à cheveux, jeans moulants et cheerleaders chaudasses du samedi soir. Vous pensez à un film en particulier ? Et bien vous avez peut être tort. Je me demande en effet si Hâche Tendre n’est tout simplement pas un vibrant hommage à Kim McGuire qui tenait le rôle de Hatchet Face dans Cry Baby, le film de John Waters. Mais si, vous savez bien, ce film de 1990 avec un Johnny Deep pas encore monté au paradis bien que côtoyant une éprouvante Tracy Lords (à droite bien sûr).
J’aurais Voulu Lui Dire Soyons Amis est à prendre comme une courte comédie musicale, grinçante et décalée et en cinq épisodes. Le Bal De Fin D’Année narre les hésitations d’un jeune puceau boutonneux et frustré qui reste assis sur le côté de la salle de bal à regarder ses petits camarades de classe se positionner auprès de la cheerleader rose bonbon dont la coefficient d’enfilabilité avoisine les 99 %. C’est absolument exquis et délicieux. Les Mauvais Garçons Arrivent Au Bal et c’est le bordel, impossible d’écouter les gentils garçons de la classe tout bien gominés susurrer She Boom à leurs petites amies. Notre boutonneux frustré profite alors de la confusion pour s’emparer de l’objet de tous ses désirs mais, alors qu’ils courent main dans la main au bord de l’eau, c’est le drame : Valérie, La Pom-Pom Girl [se retrouve dans] Le Canal. Que vont dire ses parents ? La Robe Blanche qu’ils lui avaient achetée exprès pour le bal est complètement dévastée, quel idiot ce garçon. Se rendant compte que leur amour est impossible, notre héro préfère alors étrangler cette salope midle class gâtée et pourrie par la vénalité : si lui ne peut pas la posséder, personne ne le pourra désormais – le M.E.U.R.T.R.E. était bien la seule solution à tous ses tourments.
Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas autant ri en écoutant un disque – je veux dire rire sans me moquer pour autant, pour ça il y a les disques de néo prog – et J’aurais Voulu Lui Dire Soyons Amis est un vrai moment de bonheur. Tout y passe, de la ballade crépusculaire au sirop dans les veines en passant par le doo-wop endiablé. Impossible de ne pas se faire son propre film (la preuve) et il est définitivement établi que, pour en finir avec l’illusoire de l’existence, s’il n’y a pas de solution c’est qu’il n’y a pas de problème.

mardi 15 juin 2010

Headwar / Live Crass Pub























Alors ça commence comme ça : Salut ! Voici le Headwar « Son Louche », je te mets un petit cadeau avec car je trouve que le son du vinyle porte bien son nom. A+. Le petit cadeau en question est donc le CDr d’un concert d’Headwar enregistré le 10 décembre 2008 à Chemnitz, jolie ville moyenne de Saxe, en Allemagne, et intitulé Live Crass Pub, du nom de l’endroit où c’est précisément déroulé ce concert (?). Le groupe y joue en formation à cinq car il y a deux batteurs, et le jeune Romain, qui n’avait pas participé à l’enregistrement des démos du groupe, avait déjà rejoint celui-ci à l’époque de ce concert. Les cinq titres qui figurent sur ce CDr sont Le Marteau, Sick Mr, Chasse A L’Obus, Edouard et Lance Biquette. Quelques titres donc de connus parce que déjà sur les démos précitées.
Si le son de celles-ci était effectivement louche, disons pour rester poli un peu plat et assez limité, celui de Live Crass Pub est carrément grésillant et dégueu. Mais dégueu dans le bon sens, c'est-à-dire vivant, chaud, mouvant, violent et crade. Les cinq compositions vous explosent ainsi à la gueule, c’est comme si vous y étiez dans la vraie vie, la tête au niveau des cymbales ou carrément dans l’ampli basse. La surdité comme bonheur ultime. La violence et la sauvagerie d’Headwar semblent à leur comble, le début de Chasse A L’Obus avec son intro et sa cohorte de hurlements de hyènes est vraiment impressionnant, en fait tout le titre est impressionnant, sans compter cette fin ralentie comme une marche forcée dans les égouts de la ville et on sent Headwar très bien parti pour une nouvelle séance de destruction totale de toute vie terrestre. Edouard enfonce le clou – à l’endroit que tu veux mais choisis bien : dans les globes oculaires si tu es adepte d’énucléation ou dans les articulations si tu préfères le risque de la paralysie à vie – et avec Lance Biquette on est définitivement persuadé que l’on va encore passer un grand moment. Sauf qu’il est pourtant clairement écrit sur la pauvre photocopie en noir et blanc qui sert de jaquette au CD les mots de Lance Biquette (pas entière) ce qui en toute logique signifie que le titre en question s’arrête brutalement, après un passage lent, on attendait la remontée et à la place on se tape une fin guillotinée et le vide. Intense frustration. Cet enregistrement ne dépasse pas la demi-heure. Va encore falloir attendre pour la suite…

lundi 14 juin 2010

Headwar / Son Louche























C’est suite à la chronique du EP sans titre de La Race qu’Headwar m’est à nouveau revenu en mémoire. Puisque j’ai appris, à postériori*, que dans La Race on retrouve un guitariste de Death To Pigs et d’Hallux Valgus ainsi que deux membres d’Headwar, à savoir le batteur qui joue comme Han Bennink frappant comme Philty Taylor imitant Rémy Julienne et le punk à lunettes de Clark Kent qui est capable de jouer de tous les instruments mais mal**. Une équipe de choc. Pour en revenir à Headwar, c’est initialement après un concert assez mémorable des amiénois – je venais enfin de voir le groupe pour la première fois pour de vrai et je n’en croyais ni mes yeux ni mes oreilles – que j’avais décidé de chroniquer dans la foulée quelques un de leurs disques. Et puis j’ai fait tout autre chose, évidemment.
Il n’est pourtant jamais trop tard puisque Son Louche est un LP qui regroupe deux démos qui elles-mêmes ne datent pas d’hier : Démo Bâto (face B) a été enregistré en 2007 et Son Louche (face A) date de 2008. Le groupe a décidé de faire presser ces deux enregistrements à ses frais, vive l’autoproduction, non sans quelques regrets apparemment puisque un court texte dans l’insert s’excuse presque de la mauvaise qualité du son, précise que faute de place il manque un titre de chaque démo et qu’en plus l’usine de pressage a été en dessous de tout.
L’histoire musicale d’Headwar s’écoute donc à l’envers. La face A présente toute la rage destructrice du groupe : des guitares à la fois no wave et punks, des ambiances indus qui font mal, des rythmes tribaux ou complètement débridés, un chant assuré à plusieurs et systématiquement hurlé. Chasse A L’Obus, Biquette On The Bouc, Telepocalypse, Gros Poux Laid et Willy L’a*** – avec des titres pareils on pourrait aisément confondre Headwar avec un rebu post alterno typiquement français mais il n’en est vraiment rien – vous trifouillent dans le ventre avec une barre en fer comme chauffée à blanc. Headwar alterne passages calmes (mais pas vraiment rassurants) et explosions soniques, les compos sont on ne peut plus éloignées du format chanson, répondant plus à une logique d’instabilité et d’écrasement. On pense plus d’une fois aussi aux Butthole Surfers pour le côté foncièrement psychotique et affamé – le chant qui imite le gargouillis ventral d’un ogre à la diète, quoi.
La face B, Démo Bâto, représente une version plus primitive et débridée encore de la musique d’Headwar. Sick Mr, Grosse Saucisse, Avion de Chiasse, Roux De Secours et Rhum Gala*** bénéficient d’un son plus cheap mais paradoxalement moins crade, disons plus plat. Les idées fusent, sont assemblées à la va-comme-je-te-pousse mais ça pousse fort, vite et bien donc aucun problème de ce côté-là avec ces éjaculations précoces de jeunes gens déjà turbulents avec une certaine idée du chaos en ligne de mire des guitares. Maintenant, il semblerait bien qu’Headwar soit en phase de préparation d’un premier véritable album, comme d’habitude cela a l’air compliqué, mais j’attends ça avec impatience.

J’imagine que ce LP est toujours disponible (pour une somme ridicule) auprès de Label Brique, le propre label de Headwar. Si vous avez la bonne idée de leur commander ce disque, il y a en plus de fortes chances pour qu’il arrive chez vous dans un emballage comme vous n’en voyez pas si souvent.

* là il y a débat : il parait que j’étais au courant de la composition bâtarde de La Race, je veux bien admettre que l’on a pu m’en parler mais entre temps j’ai du tout oublier très fort, de toutes façons tout le monde s’en fout
** et c’est indéniablement une qualité
*** sur chaque face la rondelle indique bien cinq titres mais évidemment il n’y en a que quatre de gravés

dimanche 13 juin 2010

Throatruiner records : Quartier Rouge, Plebeian Grandstand & Huata


Inaugurons le mode chroniques express en évoquant trois productions du label Throatruiner records. Pourquoi un tel traitement expéditif et collectif ? Hey, j’ai bien reçu ces trois disques en même temps (merci beaucoup), ils ont allégrement pris la poussière pendant des semaines, voire des mois, donc maintenant il est temps que je m’y colle et je me dis qu’un commentaire plutôt court diminuera d’autant le risque et l’intensité des vachardises que je m’apprête à dire sur ces trois disques.























On commence par Quartier Rouge et Les Années Lumières publié en coproduction avec Swarm Of Nails records. Le premier nom (et le seul) qui me vient à l’esprit à l’écoute de ce court album – dix titres, vingt petites minutes – est Daughters!. D’ailleurs le quartet parisien ne s’en cache pas, n’hésitant pas à citer ses homologues de Providence dans sa bio. Se revendiquer d’un groupe plutôt moyen cela tombe mal, d’autant plus lorsque le dit groupe vient tout juste de faire un bon en avant inespéré avec son troisième album. Chez Quartier Rouge le chant est en français, la voix est comme il se doit énervante, feulement, gémissement forcé et cri d’empapaouté sont au programme mais j’aime bien. Je suis partagé entre la curiosité pour des paroles qui m’ont l’air assez drôles (toutes ces histoires de gazinière ça m’émoustille) alors que ne pas tout comprendre du gloubiboulga qui sort de la bouche du chanteur est également un soulagement, l’éternel dilemme avec le chant en français.
Derrière le groupe joue à fond la carte d’un rock’n’roll noise, dégingandé, éthylique et hystérique et le fait plutôt bien. J’aurais préféré un peu plus de fantaisie, un peu à la façon du Massacre Du Client De 15 Heures, autre quartet parisien qui n’est pas sans rapport avec Quartier Rouge, et je suis non seulement surpris mais en plus je suis surpris d’être surpris. Comme quoi tout peut arriver. J’irai voir ces quatre petits gars lorsqu’ils passeront en concert par ici même s’ils n’ont pas beaucoup d’amis lyonnais. Très chouette artwork au passage.























On continue avec Plebeian Grandstand et son How Hate Is Hard To Define qui est également une coproduction, Basemenent Apes sortant le disque en CD et Throatruiner s’occupant de la version vinyle. Là encore, aucune hésitation, les Toulousains sont à fond dans le hardcore moderne, celui qui a émergé dans les années 90, et leur disque est un repompage quasiment à la lettre de Botch. On pense aussi très fort à Converge pour le dernier titre, un (…) Or Boring ? particulièrement lourd et visqueux à la Jane Doe (et au passage le meilleur de How Hate Is Hard To Define). Seulement, aujourd’hui, je n’écoute plus vraiment Botch et consorts, Converge a tendance à m’ennuyer et Plebeian Granstand manque singulièrement de recul par rapport à ses amours musicales. Ce disque n’est pas pour moi, la haine sans motif étant un motif de rejet catégorique et par pitié demandez au chanteur de nuancer un peu plus sa colère et de se calmer sur les effets. Appeler son album How Hate Is Hard To Define c’est aussi tendre le bâton pour se faire battre. Désolé.























Pour l’instant le résultat n’est donc pas si mal que ça en ce qui concerne Throatruiner : un disque pour et un disque contre. Quel suspens. Et en vieux roublard que je suis j’ai bien évidemment gardé le meilleur pour la fin. Le meilleur c’est Huata et son Open The Gates Of Shambhala. L’imagerie du groupe est on ne peut plus claire, on pense tout de suite à Electric Wizard, Huata est également un groupe de gros pompeurs. Côté instrumentation, le trio originaire de Rennes verse donc dans un doom très orienté seventies avec quelques pointes stoner (Josef Fritz Syndrom) et un gros parfum crasseux et épais de sludge boueux (il y a du EyeHateGod et du Buzzov-en dans Ratzinger Pussycat, mon titre préféré).
Le son de l’enregistrement est rude, suffisamment pour reléguer le manque total d’originalité de l’ensemble au second plan. La fuzz fait des ravages et la saturation règne en maître, il n’y a strictement rien à redire de ce côté-là. La messe (noire) est dite, la pucelle de l’illustration va pouvoir découvrir les joies du sacrifice de soi, de l’animalité cornue et de la double pénétration cruciforme. Dernier titre, Rotten Dick est le plus long de tous, complainte maléfique sur fond d’appels à la démence et il nous épuiserait presque avant que l’on puisse parvenir au bout de ses dix minutes. Huata, vainqueur par chaos.

samedi 12 juin 2010

Scorn / Evanescence & Ellipsis























Au départ Scorn est un duo formé de l’ancien Napalm Death Nicholas James Bullen – c’est lui que l’on peut entendre jouer de la basse et chanter sur la première face de Scum – et de Mick Harris, à l’époque toujours batteur de Napalm Death, groupe qu’il ne tardera pas à quitter lui aussi, laissant le combo de Birmingham définitivement orphelin de tous ses membres originels. L’idée était de faire du métal autrement, du metal lourd, au groove mécanique, avec des machines et des effets électroniques. Avec un tel descriptif la filiation avec Godflesh pourrait sembler évidente – Justin Broadrick, ancien Napalm Death lui aussi, a même participé à quelques enregistrements de Scorn en tant que guitariste de session – mais il n’en est rien : Scorn, qui délaissera rapidement les voix hurlées et les guitares saturées (l’album Vae Solis en 1992) propose dans le même temps des collections de remix bien plus orientés vers l’électro et le deuxième album, l’incroyable Colossus paru en 1994, finit de désorienter les fans cloutés mais également d’intriguer les autres avec sa fusion quasiment parfaite entre metal plombé, groove animal et electro lorgnant définitivement vers le dub.
Evanescence est le troisième album de Scorn, en 1995. C’est un disque important à plus d’un titre puisqu’il s’agit du dernier avec Nicholas James Bullen qui, miné par les problèmes personnels, quittera le duo, laissant Mick Harris seul aux commandes et à la destiné de Scorn, pour le résultat que l’on connait maintenant. Allant beaucoup plus loin que son prédécesseur, Evanescence est le premier album réellement electro/dub/ambient de Scorn qui rompt définitivement avec le passé metal de ses membres. L’instrumentation est toutefois toujours bien présente car outre les samples, synthétiseurs et bidouilles, les basses profondes et massives sont jouées sur une quatre cordes, les rythmes sont souvent des samples en boucles de Mick Harris lui-même et James Plotkin est venu assurer l’intérim à la guitare. Et puis surtout il y a le chant de Bullen, présent sur presque tous les titres. Album de profondes mutations, il est flagrant à la réécoute que Evanescence était alors un pur work in progress, ses géniteurs visionnaires cherchant un son neuf, tâtonnant, explorant de nouveaux territoires et pendant longtemps, faute de mieux, on qualifiera la musique de Scorn de dub industriel, appellation faisant le lien entre l’organique et l’électronique. Il est saisissant aussi de constater que malgré son côté pionnier et aventureux, Evanescence est un album magnifiquement équilibré et homogène. Que ce soit dans le registre lourd (Automata), purement groovy (les irrésistibles Silver Rain Fell et Dreamspace) ou plus rapide (Day Passed, presque un clin d’œil à PiL) tout est ici absolument parfait. La remasterisation 2010 est elle aussi impeccable, dépoussiérant ce qu’il faut les bandes d’origine mais n’en faisant pas trop : les énormes lignes de basse, profondes et arrondies, de Nicholas James Bullen n’ont jamais aussi bien sonné.
Publié l’année d’après, Ellipsis est le petit frère d’Evanescence puisqu’il en propose quasiment l’intégralité dans des versions remixées par Mick Harris lui-même sur deux titres et par une prestigieuse liste d’invités : Meat Beat Manifesto, Coil, Bill Laswell, Scanner, Autechre et le PCM Sound System. Les albums de remix sont rarement utiles parce que n’apportant pas grand-chose aux originaux. Ellipsis est l’exception qui confirme la règle avec Meat Beat Manifesto qui dynamite Silver Rain Fell dans une version funky et mercuriale incroyable grâce à l’adjonction de multiples surcouches de synthétiseurs acidifiés, Bill Laswell qui transforme Night Ash Black en dub névrotique, Scanner qui fait du pur Scanner sur Night Tide ou PCM qui donne une leçon de drum and bass sur The End – Mick Harris publiera plus tard quelques enregistrements intéressant avec l’un de ses deux DJs, Neil Harvey. L’autoremix de Exodus par Scorn est réussi alors que la version proposée de Light Trap n’échappe elle pas à la complaisance. Coil se plante sur le trop long et fastidieux Dreamspace, tout comme Autechre qui se révèle moyennement convaincant en s’attaquant à Falling. Si on fait le compte, on obtient donc une grosse moitié de bonnes choses contre quelques longueurs et facilités d’usages : c’est bien plus que la moyenne généralement admise pour qualifier un album de remix de pertinent.

Une page de publicité : cette chronique et plein d’autres choses encore, toutes aussi passionnantes qu’instructives, vous pouvez les retrouver dans le numéro 16 de Noise mag, disponible dans tous les kiosques à partir d’aujourd’hui.

vendredi 11 juin 2010

Microwave With Marge / Cow Licks Cow























Le nom du groupe est absurde, le nom du disque ne l’est pas moins. Les Microwave With Marge sont italiens, un trio guitare/basse/batterie et à trois voix (mais sans rapport aucun avec les Beach Boys qui de toutes façons étaient cinq). Cow Licks Cow n’est pas le premier enregistrement de ces trois furieux qui ont déjà commis un CD EP sans titre l’année dernière. On se demande bien où et comment les gens de Whosbrain records, label dont le catalogue bien fourni se passe de commentaires (Shub, Le Singe Blanc, La Terre Tremble!!!, L’Homme Puma, Gentle Veincut…), ont pu dénicher ces malades/arrachés du bulbe. C’est que question grosse furie et décharges électriques Microwaves With Marge connait la recette : pour faire exploser tout comme il faut le vieux four à micro-ondes refilé par papa-maman il suffit de laisser dedans un objet métallique quelconque ; si par contre vous y enfermez votre chat ou votre hamster à poils longs il explose forcément puisque un four à micro-ondes augmente la chaleur des matières organiques (mêmes reliées entre elles au sein d’un organisme vivant) en agitant les molécules d’eau qu’elles contiennent ; passer votre enfant au micro-ondes pour le faire taire parce qu’il/elle n’arrête pas de chouiner et de réclamer n’importe quoi d’impossible et vous empêche de faire votre sieste c’est mal, par contre lui faire fermer sa gueule en carbonisant/faisant fondre son jouant préféré dans le four est une bonne tactique mais gare à ce qu’il/elle ne se venge pas en faisant de même avec vos disques (cette technique fonctionne indifféremment avec les filles comme les garçons bien que tourmenter une fille soit plus agréable). Voilà pour le mode d’emploi.
Parlons un peu musique maintenant. Cow Licks Cow est un enregistrement de huit titres dépassant à peine le quart d’heure : le tout tient sur un vinyle de 10 pouces et comme on n’est jamais assez prudent (car cette sale gosse n’a jamais vraiment accepté que je torture ses Polly Pockets) il y a un CD de secours qui accompagne le vinyle, avec exactement les mêmes titres. Je dois avoir un karma première catégorie de père indigne/tortionnaire de petites filles et de jouets en plastique car mon exemplaire de Cow Licks Cow comprend même deux CDs – une erreur de conditionnement qui tombe bien puisque à vrai dire j’ai également deux filles donc deux fois plus de merdes en plastique à défigurer lorsque je suis en pleine crise de paterfamilias indigne et donc deux fois plus de possibilités de représailles à subir. Merci Whosbrain.
Je me rends parfaitement compte aussi que – comme d’habitude – je n’ai toujours pas parlé de ce disque. OK, je recommence. Sur Cow Licks Cow Microwave With Marge repompe allègrement la furie d’un Arab On Radar en y incorporant un léger swing rock’n’roll – Like A Ready-Made aurait pu être un titre de Death To Pigs – et cela avec une joyeuseté communicative et outrancièrement débile. Ces italiens vous assaisonnent au passage Melt Banana à la sauce moustache, se prennent parfois un chouïa plus au sérieux (My Cat Jumps On The Closet, sautillard et presque new wave) tandis que Children Twister (forcément le meilleur titre de ce disque) et son intro à la Pac-Man lo-fi me conforte dans mes convictions les plus essentielles : à mort les Polly Pockets. Voilà. Dix lignes c’était on ne peut plus suffisant.